Bret Taylor, président indépendant du conseil d'administration de Twitter, a déclaré : « Le conseil d'administration de Twitter a mené un processus réfléchi et complet pour évaluer la proposition d'Elon en mettant délibérément l'accent sur la valeur, la certitude et le financement. La transaction proposée offrira une prime en cash substantielle, et nous pensons qu'elle est la meilleure voie à suivre pour les actionnaires de Twitter ».
Parag Agrawal, PDG de Twitter, a déclaré : « Twitter a un objectif et une pertinence qui ont un impact sur le monde entier. Profondément fier de nos équipes et inspiré par le travail qui n'a jamais été aussi important ».
Quelques jours avant, un accord politique provisoire entre le Conseil et le Parlement européen sur le DSA, la législation sur les services numériques, avait été trouvé.
Dans son communiqué, le Conseil de l'UE a expliqué que :
« Le DSA s'appliquera à l’ensemble des intermédiaires en ligne qui fournissent des services dans l'Union. Les obligations imposées sont proportionnées aux services concernés et sont adaptées en fonction du nombre d’utilisateurs : ainsi les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche auront des obligations plus exigeantes. En particulier, les services touchant plus de 45 millions d’utilisateurs actifs par mois dans l’Union européenne rentreront dans la catégorie des très grandes plateformes et très grands moteurs de recherche. Pour préserver le développement des start-ups et des plus petites entreprises au sein du marché intérieur, les micro et petites entreprises n’atteignant pas 45 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’UE seront exemptées de certaines nouvelles obligations ».
Twitter entrant directement dans cette catégorie (plus de 45 millions d'utilisateurs actifs mensuels dans l'UE), quel regard porte l'Europe sur cette opération ?
Pour Thierry Breton, commissaire au marché intérieur, « Qu'il s'agisse de voitures ou de plateformes numériques, toute entreprise opérant en Europe doit se conformer à nos règles. Et ce, quel que soit l’actionnariat. M. Musk le sait très bien. Il connaît les règles 🇪🇺 en matière d'automobile et s'adaptera rapidement au DSA ».
Pour lui, « En Europe, les choses sont claires : Twitter doit s'adapter à nos règles pour bénéficier d'un marché de 445 millions d'internautes, ce qui est supérieur au marché américain ».
« La donne a changé en Europe. Nous sommes le premier continent au monde à imposer des obligations aux plateformes pour qu'elles aient le droit d'opérer chez nous. Ces obligations respectent la liberté d'expression, les valeurs européennes et nos règles de droit. Elles leur imposent de lutter contre les discours haineux, le harcèlement en ligne ou les appels aux actes terroristes. Et ce quelles que soient les velléités de leurs propriétaires et de leurs conseils d'administration », poursuit Thierry Breton.
Cédric O, Secrétaire d’État chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, y est également allé de son commentaire :
« Il y a des choses intéressantes dans ce qu’Elon Musk veut impulser pour Twitter, mais rappelons que le Digital Services Act, et donc l’obligation de lutter contre la désinformation, la haine en ligne, etc., s’appliquera quelle que soit l’idéologie de son propriétaire ».
Les propositions du Digital Services Act visent la mise en responsabilité des plateformes numériques au regard des risques significatifs qu’elles induisent pour leurs utilisateurs dans la diffusion de contenus et produits illicites, dangereux ou contrefaits. Le texte final du DSA n'a pas encore été publié, mais le Parlement européen et la Commission européenne ont détaillé un certain nombre d'obligations qu'il contiendra :
- la publicité ciblée basée sur la religion, l'orientation sexuelle ou l'origine ethnique d'un individu est interdite. Les mineurs ne peuvent pas non plus faire l'objet de publicité ciblée ;
- les « modèles sombres » - des interfaces utilisateur déroutantes ou trompeuses conçues pour inciter les utilisateurs à faire certains choix - seront interdits. L'UE affirme qu'en règle générale, l'annulation des abonnements devrait être aussi simple que de s'y inscrire ;
- les grandes plateformes en ligne comme Facebook devront rendre le fonctionnement de leurs algorithmes de recommandation (par exemple, utilisés pour trier le contenu sur le fil d'actualité ou suggérer des émissions de télévision sur Netflix) transparent pour les utilisateurs. Les utilisateurs devraient également se voir proposer un système de recommandation « non basé sur le profilage ». Dans le cas d'Instagram, par exemple, cela signifierait un flux chronologique (comme il a été introduit récemment) ;
- les services d'hébergement et les plateformes en ligne devront expliquer clairement pourquoi ils ont supprimé le contenu illégal, ainsi que donner aux utilisateurs la possibilité de faire appel de ces retraits. Cependant, la DSA elle-même ne définit pas quel contenu est illégal et laisse cette liberté à chaque pays ;
- les plus grandes plateformes en ligne devront fournir des données clefs aux chercheurs pour « mieux comprendre l'évolution des risques en ligne » ;
- les places de marché en ligne doivent conserver des informations de base sur les commerçants sur leur plateforme pour retrouver les individus vendant des biens ou des services illégaux ;
- les grandes plateformes devront également introduire de nouvelles stratégies pour faire face à la désinformation pendant les crises (une disposition inspirée de la récente invasion de l'Ukraine).
Le 24 mars, Elon Musk avait demandé si les algorithmes de Twitter devaient être passés en « open source », ce qui rendrait leur code accessible et modifiable. Ces logiciels gèrent notamment l’affichage des tweets jugés les plus pertinents et intéressants, en fonction notamment du nombre de personnes ayant interagi avec. L’utilisateur a toutefois le choix avec l’affichage traditionnel de Twitter, par ordre antéchronologique.
Cette mesure devrait donc être bien accueillie par les pouvoirs publics. En Europe, le Digital Services Act prévoit que les grandes plateformes fassent auditer leurs algorithmes par les régulateurs. Elles devront aussi permettre aux internautes de désactiver ce tri personnalisé. Twitter offre déjà cette option.
Le texte européen prévoit aussi des obligations de transparence sur les dessous des services de modération, dont les locuteurs des différentes langues européennes devront être en nombre suffisant. La DSA prévoit des audits indépendants. Si ces plateformes ne respectent pas les règles du DSA, les régulateurs pourront imposer des amendes allant jusqu'à 6 % de leur chiffre d'affaires annuel.
Thierry Breton indique qu'Elon Musk « respectera nos lois sur le numérique, tout comme il respecte déjà nos réglementations pour la construction de son usine » Tesla en Allemagne. Le commissaire rappelle par ailleurs que Bruxelles « a toujours eu des relations très constructives avec Twitter, y compris lors de moments très difficiles comme lors de la pandémie de Covid-19 ou lors de l'invasion du Capitole. Les plateformes nous ont toujours écoutés, car l'Europe est un acteur important et que nos exigences sont claires et précises. Je ne doute pas qu'il en sera de même avec Elon Musk. »
La position de la Maison-Blanche au sujet de cette opération
L'attachée de presse de la Maison-Blanche, Jen Psaki, a été interrogée sur l'achat de Twitter par Musk lors de sa conférence de presse de lundi. Psaki a déclaré qu'elle « ne commenterait pas une transition spécifique », mais a réitéré que l'administration continue de croire que « peu importe qui possède ou dirige Twitter, le président s'inquiète depuis longtemps du pouvoir des grandes plateformes de médias sociaux » et a souligné que « les plateformes technologiques doivent être tenues responsables des dommages qu'elles causent ».
Elle a souligné l'intérêt bipartite du Congrès pour les mesures antitrust et la réforme de l'article 230 de la Communications Decency Act. Et elle a ajouté : « Nos préoccupations ne sont pas nouvelles. Nous avons longtemps parlé, et le président a longtemps parlé, des pouvoirs des plateformes de médias sociaux… pour répandre la désinformation, la mésinformation et la nécessité pour ces plateformes d'être tenues pour responsables ».
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Voir aussi :
Google, Meta et d'autres devront expliquer leurs algorithmes en vertu de la nouvelle législation européenne. La législation sur les services numériques (DSA) vise à remodeler le monde en ligne