En février 2021, SpaceX recevait l'autorisation de l'Arcep pour commencer à fournir une connexion Internet haut débit Starlink en France. L'Arcep avait annoncé qu'elle avait autorisé Starlink à devenir un opérateur Internet sur le territoire national, et avait également autorisé l'exploitation de l'antenne parabolique de l'utilisateur. Quelques mois auparavant, mais toujours en 2020, le régulateur avait accordé à SpaceX le droit de construire et d'exploiter des stations terrestres Starlink Gateway en France. Mais en donnant toutes ces approbations à SpaceX, l'Arcep aurait manqué d'organiser une consultation publique sur l'arrivée de l'opérateur satellitaire en France.
En effet, selon l'article L. 32-1 du Code des postes et communications électroniques, quand l’Arcep envisage d'adopter des mesures ayant une incidence importante sur le marché ou affectant les intérêts des utilisateurs finaux, elle doit soumettre ces mesures à une consultation, dont les résultats sont rendus publics. Ainsi, en accordant son feu vert sans consultation du public, l’Arcep n’a pas respecté le Code des postes et communications électroniques. Et les associations PRIARTEM, Informer et Agir pour l'environnement avaient demandé l'annulation de l'utilisation du spectre. Les groupes de défense des droits ont obtenu gain de cause.
« La décision attaquée de l'Arcep, qui vise à autoriser la société Starlink Internet Services Limited […] est susceptible d'avoir un impact significatif sur le marché de la fourniture d'accès à Internet à haut débit et d'affecter les intérêts des utilisateurs finaux. Ainsi, en prenant cette décision sans avoir préalablement consulté le public, l'Arcep a méconnu les dispositions du V de l'article L. 32-1 du code des postes et des communications électroniques », indique l'arrêt du Conseil d'État. Selon Stephen Kerckhove, délégué général de l'association Agir pour l'environnement, cette décision des autorités « remet les choses à l'endroit ».
Notons que Stephen Kerckhove s'était déjà dressé contre la pollution visuelle générée par la mise en orbite des constellations de Starlink, qui devrait compter à terme 12 000 satellites. Selon l'avocat François Lafforgue, c'est bien simple : « la décision du Conseil d'État interdit désormais à Starlink d'utiliser ces fréquences, et donc de proposer son service en France ». Jusqu’ici, Starlink avait offert des vitesses pouvant atteindre 150 Mb/s en France. Les vitesses actuelles du service Starlink sont comparables à la 4G, bien que lors de son lancement, SpaceX a déclaré que les vitesses de connectivité s'amélioreraient avec le temps.
En outre, ce n'est pas la première fois que Starlink rencontre des difficultés en France. Lorsque l'Arcep l'avait autorisé à installer ses stations Gateway en 2020, SpaceX prévoyait d'exploiter trois stations terrestres Starlink. Mais aujourd'hui, la société n'aurait plus qu'une seule station terrestre en France, à Villenave-d'Ornon, dans le Girondin. Les deux autres passerelles - qui ont été autorisées entre juillet et décembre 2020 - se sont heurtées à une opposition locale. Les villageois craignaient que les passerelles du réseau terrestre n'affectent le bétail. L'ANFR (Agence nationale des fréquences) avait pourtant assuré qu'il n'y avait pas de risque.
L'annulation des fréquences de Starlink par le Conseil d'État ne signifie toutefois pas la fin de l'aventure en France pour Starlink. Théoriquement, le service d'Internet par satellite d'Elon Musk pourrait toujours reconduire une procédure auprès de l'Arcep pour se voir de nouveau octroyer des fréquences dans l'Hexagone. Cependant, l'on ignore si Starlink relancera une nouvelle procédure ou s'il quitterait le pays. Le sort des clients actuels est également préoccupant, mais SpaceX n'a pas encore commenté l'affaire afin de les situer. Les concurrents de Starlink pourraient également profiter de la situation pour lui arracher quelques clients.
Starlink n'est pas le seul acteur du marché des satellites Internet en orbite terrestre basse (LEO). La couverture de chaque engin spatial est une bande étroite autour du monde entier, ce qui signifie qu'elle doit faire face à une concurrence mondiale. L'un de ces rivaux est le projet Kuiper d'Amazon, qui a déclaré cette semaine avoir obtenu "jusqu'à 83 lancements" d'Arianespace, Blue Origin et United Launch Alliance. Le géant du commerce de détail et de l'informatique dématérialisée a déclaré que ces accords constituaient "la plus grande acquisition commerciale de lanceurs de l'histoire".
Cela fournit une capacité de transport lourd pour le projet Kuiper afin de déployer la majorité de sa constellation LEO de 3 236 satellites. En France, Starlink est confronté à un rival local, Eutelsat, basé à Paris. Le plus grand opérateur de télécommunications français, Orange, a conclu un accord avec Eutelsat en 2020. En vertu de cet accord, il a acheté toute la capacité disponible sur le satellite Konnect d'Eutelsat pour couvrir l'ensemble du territoire français, affirmant que cela permettrait même aux personnes vivant dans les zones les plus isolées de bénéficier du très haut débit fixe par satellite à partir de janvier 2021.
En octobre 2021, Eutelsat a investi 165 millions de dollars supplémentaires dans OneWeb et a augmenté sa participation dans le fournisseur de services haut débit par satellite après lui avoir injecté plus d'un demi-milliard de dollars en début d'année. L'année précédente, l'entreprise avait été rachetée par le gouvernement britannique et la multinationale indienne Bharti Global pour éviter la faillite. Contrairement à Starlink, le fournisseur de constellations basé à Londres n'est qu'un grossiste. En mars, OneWeb s'est tourné vers SpaceX après que ses vols en orbite ont été victimes des sanctions imposées à la Russie à la suite de l'invasion de l'Ukraine.
Source : Le Conseil d'État, la décision de justice (PDF)
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