
les internautes essayant de mesurer les conséquences d'une guerre nucléaire
Nukemap, un simulateur en ligne d'explosion nucléaire vieux d'une décennie, connaît un regain de popularité, qui coïncide avec les craintes de guerre nucléaire suscitées par l'invasion de l'Ukraine par la Russie. Des informations issues du site montrent que pratiquement tous les pays disposant d'une connexion Internet ont eu au moins un visiteur sur Nukemap. Le site est en quelque sorte un classique culte, avec plus de 247 millions de "détonations" enregistrées depuis sa mise en ligne en 2012. Les résultats qu'il affiche donnent, comme vous pouvez l'imaginer, à réfléchir - surtout dans le contexte actuel. Les scientifiques craignent l'apocalypse.
Lorsque le président russe Vladimir Poutine annoncé il y a une semaine qu'il a ordonné au département de la Défense de mettre en alerte les forces de dissuasion (comprendre les armes/ogives nucléaires) de la fédération, cela a suscité une vive réaction de la communauté internationale et une panique chez les gens qui ont une idée de ce qu'est une arme nucléaire. Dans la foulée, il semble que plusieurs d'entre eux se sont rués sur Internet à la recherche d'informations sur les conséquences qu'une guerre nucléaire pourrait avoir au XXIe siècle où environ une dizaine de pays, y compris la France, disposent d'ogives nucléaires opérationnelles.
Le principal point de chute des internautes semble être le site Nukemap, un calculateur d'effets nucléaire. Il s'agit en effet d'un site Web qui vous montre les différents rayons de destruction, si une bombe nucléaire explosait à l'endroit donné. Vous pouvez personnaliser la zone de détonation, la taille de la bombe et d'autres détails. Mis en ligne en février 2012 par Alex Wellerstein, historien de la physique au Stevens Institute of Technology aux États-Unis, Nukemap permet aux utilisateurs de modéliser l'explosion d'armes nucléaires (contemporaines, historiques ou d'un rendement arbitraire donné) sur pratiquement n'importe quelle cible de leur choix.
Selon le blogue de Nukemap, une fois que l'utilisateur a spécifié les informations relatives à la détonation, il fait appel à une bibliothèque d'effets nucléaires qui produit des distances pour divers effets de la bombe. Ces distances sont ensuite traduites en coordonnées compréhensibles par l'API Google Maps (soit des cercles de rayon fixe, soit des polygones de retombées plus complexes), puis affichées grâce à l'interface Mapbox. L'estimateur de victimes utilise ensuite une base de données de densité de population ambiante pour demander le nombre de personnes se trouvant à différentes distances du Ground Zero (lieu précis de l'impact au sol).
Il applique par la suite un modèle de victimes à ces chiffres bruts. Selon Wellerstein, qui a publié un article sur le site de la carte interactive : « pratiquement tous les pays disposant d'une connexion Internet ont eu au moins un visiteur sur Nukemap, ce qui est un peu étonnant et accablant, d'autant plus que Nukemap est en anglais ». Depuis sa mise en ligne à ce jour, Nukemap aurait enregistré plus de 247 millions de "détonations" - le site a connu ces 10 derniers jours une hausse soudaine du trafic qui a parfois conduit à son indisponibilité. Selon Wellerstein, il y a parfois des pics soudains d'activité et des moments où l'activité semble constante.
« Au fil du temps, on observe de pics. Ceux-ci vont des moments de crise, comme le test d'un missile par la Corée du Nord ou ce qui se passe actuellement en Ukraine, à des moments plutôt anodins, comme le 70e anniversaire du bombardement d'Hiroshima, où les gens le regardent dans les écoles ou se demandent ce que cela ferait si cette bombe était tombée sur leur ville natale. J'ai constaté que ces moments où les gens utilisent Nukemap avec une crainte existentielle ne sont pas des pics, mais plutôt un plateau qui dure un certain temps », a-t-il déclaré la semaine dernière lors d'une entrevue avec Charlie Warzel de la newsletter "The Atlantic".
L'impact de la "Tsar Bomba" si elle était lancée sur Paris
« Ces événements vous donnent un pic d'utilisation et une très longue queue, et l'utilisation de base augmente régulièrement au fil du temps - le prochain pic est plus important que le précédent », a-t-il ajouté. Wellerstein a également déclaré que l'analyse des résultats montre que les gens utilisent son site de diverses façons. « En matière de résultats préliminaires, j'ai effectué une analyse il y a quelque temps - elle n'est pas à jour, mais elle laisse entrevoir quelque chose de très intéressant. J'ai constaté que les utilisateurs de différents pays l'utilisent différemment. Il y a deux catégories dans la façon dont les gens utilisent Nukemap », a-t-il déclaré.
« La première est le bombardement cathartique, qui consiste à bombarder quelqu'un d'autre. Par exemple, les Américains sont en colère contre la Russie, ils voient donc ce qui se passe quand on le fait à quelqu'un qu'on n'aime pas. La seconde est le bombardement expérimental, qui consiste à s'atomiser soi-même pour voir ce qui se passe si ça m'arrive », a-t-il ajouté. Les 10 pays dont proviennent la plupart des utilisateurs de Nukemap sont les suivants :
- États-Unis d'Amérique, 14,2 millions d'utilisateurs (34 % du total) ;
- Royaume-Uni, 2,4 millions (7,5 %) ;
- Canada, 1,4 million (4,4 %) ;
- Allemagne, 1,1 million (3,5 %) ;
- Russie, 1,1 million (3,3 %) ;
- Australie, 977 000 (3 %) ;
- France, 856 000 (2,6 %) ;
- Pologne, 633 000 (1,9 %) ;
- Espagne, 582 000 (1,8 %) ;
- Brésil, 572 000 (1,8 %).
Selon Wellerstein, au moment d'essayer les différents types de bombes que propose Nukemap, le choix le plus populaire des utilisateurs est la "Tsar Bomba" (ou roi des bombes en français) avec son rendement maximal (100 mégatonnes de TNT) et plus de 81 millions de simulations à elle seule (37 % du total des détonations). La "Tsar Bomba" est une bombe à hydrogène conçue par l’industrie nucléaire de l'Union soviétique. La Russie en aurait hérité lors de l'effondrement de l'URSS. Bien que l'industrie nucléaire s'est améliorée depuis, elle est aujourd'hui encore considérée comme l'arme de destruction massive la plus énergétique jamais créée.
Sources : FAQ de Nukemap, Interview d'Alex Wellerstein
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