« Après avoir été piraté, j'ai vécu sans Facebook et Twitter pendant quatre ans et la vie a été fantastique », a déclaré Habeck lundi. « Je peux confirmer que la vie est très bonne sans Facebook et que nous vivrions très bien sans Facebook. Les géants du numérique doivent comprendre que le continent européen va résister et affirmer sa souveraineté », a ajouté Le Maire. Les deux hommes répondaient à des commentaires figurant dans le rapport annuel de Meta publié jeudi, qui avertissaient que la société retirerait Facebook et Instagram de l'UE si elle ne pouvait pas s'appuyer sur des accords nouveaux ou existants pour transférer des données vers les États-Unis.
« L'UE est un si grand marché intérieur avec un si grand pouvoir économique que si nous agissons dans l'unité, nous ne serons pas intimidés par quelque chose comme ça », a poursuivi Habeck. Pendant ce temps, Le Maire a énuméré les façons dont les gouvernements européens ont défié les géants de la technologie, notamment avec les règles de confidentialité, la fiscalité et le blocage du développement des monnaies numériques. Selon les critiques de Facebook, le retrait du réseau social de l'UE serait très bénéfique pour les gens, car cela les aiderait à vaincre leur addiction, le stress et les autres potentiels effets négatifs de Facebook et Instagram.
En effet, alors que les régulateurs européens sont en train de revoir certaines règles sur la protection des données, notamment celles contenues dans le Privacy Shield, Meta a averti les régulateurs européens qu'il se sentirait dans l'obligation de retirer Facebook et Instagram du bloc si la nouvelle réglementation lui interdisait de transférer les données vers les États-Unis. Pour mémoire, le Privacy Shield, présenté comme le successeur de l'accord Safe Harbor, est un accord dans le domaine du droit de la protection des données personnelles, qui a été négocié entre 2015 et 2016 entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique.
Le Safe Harbor, qui régissait une partie du transfert des données entre l’UE et les États-Unis, a été annulé par la Cour de justice de l’UE le 6 octobre 2015. Après cette décision, la Commission européenne a donc négocié rapidement un nouvel accord avec les États-Unis, afin d'assurer la continuité du flux massif de données entre les deux continents. C’est ainsi qu’a été proposé le Privacy Shield, qui est entré en vigueur le 1er août 2016. Cependant, le Privacy Shield a été jugé à son tour inadéquat pour assurer la protection des données personnelles transférées de l'Espace économique européen vers les États-Unis le 16 juillet 2020.
Depuis, d'autres règles n'ont pas été introduites et la CJUE a laissé les entreprises utiliser des clauses contractuelles types, qui sont essentiellement des clauses passe-partout que la Commission européenne avait "préapprouvées". Ces clauses permettaient de transférer des données de l'UE vers un autre pays tout en étant conforme au RGPD. Toutefois, l'utilisation des clauses contractuelles types a été contestée par plusieurs militants de la vie privée. En réponse, la CJUE a jugé que la législation américaine ne garantissait pas un "niveau de protection adéquat", notamment contre la surveillance de masse exercée par le gouvernement américain.
Pour que les transferts de données soient valides, il faudrait que la législation en vigueur aux États-Unis soit "essentiellement équivalente à celle exigée par le droit de l'UE" - un obstacle de taille à franchir. En septembre 2020, Meta a obtenu un gel temporaire de l'ordonnance, ce qui lui a permis de poursuivre pour l'instant les transferts de données en vertu des clauses contractuelles types. L'affaire a été portée devant les tribunaux irlandais et a obligé la Commission de protection des données de ce pays à examiner l'utilisation des clauses contractuelles types par Meta pour voir si elle pouvait franchir l'obstacle.
Dans une décision préliminaire, le régulateur irlandais a déclaré que ce n'était pas le cas. Dans son dépôt 10-K, Meta a déclaré qu'une décision définitive de l'autorité de régulation irlandaise pourrait intervenir dans les prochains mois. Si le régulateur décide que les garanties de Meta en matière de confidentialité des données ne sont pas à la hauteur, il pourrait mettre fin aux transferts de données en dehors de l'UE. Meta a notifié à la SEC (Securities and Exchange Commission) des États-Unis que si une telle chose arrivait, il ne serait "malheureusement" plus en mesure d'offrir ses services Facebook et Instagram dans l'UE.
La société a déclaré : « si un nouveau cadre transatlantique de transfert de données n'est adopté, nous serons probablement incapables d'offrir un certain nombre de nos produits et services les plus importants, y compris Facebook et Instagram, en Europe ». Il faut savoir que peu de choses sont plus rentables pour Facebook que les données des utilisateurs, raison pour laquelle l'entreprise lutte pour maintenir le droit de transfert de données outre-Atlantique. De plus, le RGPD de l'UE semble être plus contraignant pour Meta que les règlements sur la protection des données en vigueur aux États-Unis.
« Nous n'avons absolument aucun désir et aucun projet de nous retirer de l'Europe, mais la simple réalité est que Meta, et beaucoup d'autres entreprises, organisation et services, dépendent des transferts de données entre l'UE et les États-Unis afin d'exploiter des services mondiaux. Nous surveillons de près l'impact potentiel sur nos opérations européennes au fur et à mesure que ces développements progressent », a ajouté un porte-parole de Meta. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que Meta fait une déclaration.
Dans des documents judiciaires antérieurs, Meta a prévenu qu'elle pourrait être amenée à se retirer d'Europe si les autorités et les tribunaux ne parvenaient pas à se mettre d'accord sur les règles de transfert des données, bien que le vice-président de Meta chargé des affaires mondiales et de la communication, Nick Clegg, ait précédemment nié que cela se produise, affirmant qu'une telle décision mettrait en péril les petites et moyennes entreprises européennes en raison de leur dépendance à l'égard des publicités ciblées.
Mais la nouvelle déclaration suggère que l'activité de Meta pourrait être en péril si la législation européenne obligeait la société à interrompre les transferts de données vers les États-Unis. « Si l'entreprise devait retirer Facebook et Instagram du marché, cela affecterait de manière importante et négative notre activité, notre situation financière et nos résultats d'exploitation », a déclaré Meta dans le dépôt de la SEC.
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