Les sénateurs du comité judiciaire ont voté en faveur de l'adoption de l'Open App Markets Act à 20 voix contre 2, le sénateur John Cornyn (R-Texas) et le sénateur Thom Tillis (R-NC) étant les deux voix qui se sont opposées à ce projet de loi. Si le projet de loi est adopté par l'ensemble du Sénat et est signé par le président Biden, Google et Apple devraient essentiellement abandonner le contrôle total de leurs magasins d'applications. De nouvelles règles pourraient les obliger à la fois à autoriser le chargement latéral d'applications (l'installation d'applications à partir de vitrines de téléchargement tierces) et l'acceptation d'autres systèmes de traitement des paiements (aussi bien dans l'App Store que dans Google Play). Techniquement, ce dernier point permettra aux développeurs de ne plus verser la commission de 30 % à Apple et Google dès lors qu'un utilisateur fait appel à un système de paiement tiers. Sans surprise, ces deux enseignes se sont opposées avec véhémence au projet de loi.
La commission judiciaire du Sénat a adopté jeudi son deuxième projet de loi sur la concurrence technologique de l'année, ciblant cette fois les magasins d'applications mobiles d'Apple et de Google et leurs restrictions sur les développeurs. Le comité a voté pour faire avancer la loi bipartite Open App Markets Act. Le mois dernier, le panel a également voté pour faire avancer l'American Innovation and Competition Act, qui atteindrait certains des mêmes objectifs, mais aurait un impact sur un plus grand nombre d'entreprises technologiques en empêchant les entreprises dominantes de classer injustement leurs propres produits au-dessus des autres ou de discriminer leurs rivaux.
Le vote 20 contre 2 montre qu'il y a un soutien croissant au Congrès pour les types de projets de loi qui ciblent les grandes entreprises technologiques. L'American Innovation and Competition Act, plus radicale, a vu six républicains voter contre son avancement.
L'Open App Markets Act cherche à améliorer la concurrence en contraignant les magasins d'applications dominants à faciliter la tâche aux développeurs pour ce qui concerne la distribution de leurs applications et la connexion avec leurs clients.
La législation répond aux principaux reproches que les développeurs d'applications, notamment Spotify, Epic Games, Basecamp et d'autres, ont soulevés au sujet des frais de distribution d'Apple et de Google et des interdictions sur la manière dont ils peuvent communiquer avec les clients ou proposer des prix plus bas ailleurs.
Les opérateurs de magasins d'applications se sont opposé au projet de loi tel qu'il a été rédigé à l'origine, avertissant qu'il pourrait compromettre la vie privée des consommateurs et entraîner une pire expérience utilisateur.
« Ce projet de loi pourrait détruire de nombreux avantages pour les consommateurs que les systèmes de paiement actuels offrent et fausser la concurrence en exemptant les plateformes de jeu, ce qui revient au Congrès à essayer de choisir artificiellement des gagnants et des perdants sur un marché hautement concurrentiel », a déclaré Mark Isakowitz, VP of Government Affairs and Public Policy chez Google.
Apple exhorte les législateurs à s'opposer au projet de loi qui va permettre le sideloading
Dans une lettre aux dirigeants du comité judiciaire, Timothy Powderly, Senior Director of Government Affairs in the Americas chez Apple a écrit : « Nous sommes profondément préoccupés par le fait que la législation, à moins qu'elle ne soit modifiée, permettrait aux grandes plateformes de médias sociaux d'éviter plus facilement les pratiques pro-consommateur de l'App Store d'Apple et leur permettre de poursuivre leurs activités comme d'habitude. Pour ce faire, il oblige Apple à autoriser le chargement latéral d'applications et de magasins d'applications qui n'ont pas besoin de se conformer aux protections de la vie privée pro-consommateurs de l'App Store ».
Des élus démocrates et républicains ont soulevé des inquiétudes quant à l'impact du projet de loi sur la vie privée et la sécurité des consommateurs. Aussi, le comité a adopté un amendement qui clarifie les types de considérations de sécurité que les magasins d'applications peuvent prendre qui ne violeraient pas la loi. Certains membres ont déclaré qu'ils espéraient que les parrains du projet de loi continueraient à travailler avec eux sur d'autres mises à jour.
La sénatrice Amy Klobuchar, démocrate du Minnesota, présidente du sous-comité antitrust qui soutient la législation, a déclaré que les rédacteurs du projet de loi avaient parlé avec des défenseurs des consommateurs et des experts en cybersécurité qui n'étaient pas d'accord avec les entreprises technologiques sur le fait que le projet de loi mettrait en péril la vie privée des utilisateurs.
À l'instar de l'American Innovation and Choice Online Act, ce projet de loi a fait face à certaines oppositions de la part des deux sénateurs démocrates de Californie membres du comité, les sénateurs Dianne Feinstein et Alex Padilla. Feinstein a déclaré qu'elle craignait que le projet de loi ne soit conçu pour cibler les entreprises basées dans son État, tandis que Padilla craignait que certains termes du projet de loi ne rendent plus difficile pour les magasins d'applications de déclasser les applications pour discours de haine. Néanmoins, ces deux sénateurs ont voté pour faire avancer le projet de loi après les amendements apportés au texte.
La crainte d'Apple face à un tel projet de loi va bien au-delà de la sécurité et de la confidentialité. La société oblige actuellement les développeurs à payer une commission comprise entre 15 % et 30 % pour chaque vente effectuée dans l'écosystème iOS, même au sein d'applications tierces. Si les développeurs peuvent distribuer leurs applications en dehors de l'App Store, ils n'auront plus besoin de payer Apple pour vendre des applications iOS.
Apple a récemment été contraint d'autoriser des systèmes de paiement alternatifs aux Pays-Bas et en Corée du Sud, mais même ainsi, la société affirme qu'elle facturera toujours aux développeurs la commission.
La juge Yvonne Rogers dans l'affaire Epic Games a statué l'année dernière qu'Apple ne pouvait plus interdire aux développeurs de rediriger les utilisateurs vers des systèmes de paiement tiers. Apple fait actuellement appel de cette décision, ce qui signifie qu'il faudra encore du temps avant qu'une décision finale ne soit prise. Jusque-là, il est peu probable que la société modifie la manière dont les applications iOS sont distribuées.
Il faudra encore beaucoup de temps pour que l'Open App Markets Act devienne loi, mais il est à noter qu'il est sorti si facilement du comité, recueillant le soutien de nombreux républicains. Le projet de loi a de fortes chances d'être approuvé par le comité, car il a des co-sponsors bipartites. Cependant, obtenir l'approbation de l'ensemble du Sénat sera une tâche difficile. Plusieurs États américains ont tenté d'adopter des projets de loi pour mettre fin à l'exclusivité de l'App Store sur iOS, mais jusqu'à présent, aucun d'entre eux n'a réussi.
La situation européenne
Si les projets de loi américains ne prévoient pas d'interdire la préinstallation des applications, ce n'est pas le cas en Europe. L’un des éléments du projet Digital Service Act auquel les grandes entreprises technologiques américaines vont s’opposer (notamment Apple et Google) est les dispositions limitant les applications préinstallées sur le matériel, car les appareils iPhone et Android sont livrés avec toute une suite de programmes intégrés que vous ne pourrez peut-être jamais supprimer. Apple est également très susceptible de s'opposer à une disposition qui interdirait effectivement aux entreprises de contrôle d'accès de bloquer le chargement latéral ou les magasins d'applications alternatifs ou les méthodes de paiement – tout le cœur du différend actuel entre Epic et Apple.
D'ailleurs, le patron d'Apple n'a pas manqué de le souligner :
« Si je pense aux réglementations technologiques, je pense qu'il y a de bons éléments et je pense que certains aspects de ces réglementations ne vont pas dans le sens du meilleur intérêt pour les utilisateurs. Prenons un exemple : le texte du DMA qui est en cours de discussion forcerait le side-loading sur l'iPhone. Je pense que cela détruirait la sécurité offerte par l'iPhone et les initiatives de respect de la vie privée que nous avons intégré à l'App Store par exemple via des labels de respect de la vie privée ou des systèmes qui obligent les applications à demander l'autorisation des utilisateurs pour utiliser leurs données. Ces initiatives ne seront disponibles que pour les personnes qui restent au sein de notre écosystème », a déclaré le PDG d'Apple, durant la VivaTech à laquelle il a participé à distance.
Source : Senate Judiciary Committee
Et vous ?
Êtes-vous pour ou contre le fait d'obliger Apple et Google à laisser les développeurs utiliser un système de paiement tiers sur l'App Store et Google Play ?
Apple devrait-il autoriser le sideloading sur iOS ? Dans quelle mesure ?
Voir aussi :
Apple facturera une commission de 27 % pour les achats d'applications effectués à l'aide de systèmes de paiement alternatifs aux Pays-Bas
Un comité sénatorial approuve un projet de loi qui va obliger Google et Apple à autoriser les systèmes tiers de paiement.
Face aux milliards potentiels de perte, Apple joue la carte de la sécurité
Un comité sénatorial approuve un projet de loi qui va obliger Google et Apple à autoriser les systèmes tiers de paiement.
Face aux milliards potentiels de perte, Apple joue la carte de la sécurité
Le , par Stéphane le calme
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