L'UE a fait un pas de plus vers la finalisation de la loi sur les services numériques (Digital Services Act - DSA) qui, une fois approuvée, marquera une étape importante dans la réglementation des géants de l'internet et renforcera la sécurité des utilisateurs. Jeudi, le Parlement européen a approuvé à une écrasante majorité sa position en vue des négociations avec les États membres et la Commission européenne, qui s'efforcent de régler les derniers détails avant que la loi ne devienne définitive. Les grandes entreprises technologiques ont mené une longue et dure campagne pour atténuer la proposition, mais n'ont pas réussi à la faire échouer.
Cette initiative vise à instaurer une régulation plus stricte des grands groupes technologiques comme Google et Facebook, dont l’influence transfrontalière est devenue une source majeure d’inquiétudes. Jeudi, 530 eurodéputés ont voté en faveur du texte et 78 contre ; 80 parlementaires se sont abstenus. Après les négociations avec les États membres, la version finale du texte sera de nouveau soumise au vote des eurodéputés. Ce vote intervient alors que les militants appellent à renforcer la protection de la vie privée en ligne et à lutter contre ce qu'ils considèrent comme une surveillance abusive exploitant les vulnérabilités des personnes.
Cette surveillance aurait donné lieu à des manipulations à grande échelle, comme dans le scandale Cambridge Analytica. Les nouvelles restrictions de l'UE en matière de publicité ciblée pourraient remodeler le secteur de la Tech. Elles pourraient avoir une incidence sur les pratiques marketing largement répandues qui sous-tendent les modèles économiques des géants de la technologie et alimentent le secteur de la publicité et les organisations médiatiques traditionnelles. Les législateurs vont maintenant négocier avec le Conseil, qui représente les 27 États de l'UE, et qui n'a montré aucun intérêt à s'attaquer à la publicité en ligne.
Selon certaines sources, la France, qui est à la tête du Conseil et qui prévoit de finaliser le DSA, a déjà montré sa réticence à tenir compte de l'appétit du Parlement de l'UE pour de nouvelles règles de confidentialité. Le 12 janvier, lors d'un événement organisé par l'Atlantic Council, le ministre français chargé de la Transition numérique et des Communications électroniques, Cédric O, a déclaré que les limites imposées à la publicité ciblée pourraient "entraver le rythme et la progression" de l'adoption des lois technologiques de l'UE, le DSA et son projet de loi frère, la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA).
Mardi, les législateurs américains ont présenté un projet de loi contenant des dispositions similaires, qui interdit aux plateformes technologiques et aux courtiers en données d'utiliser des informations sensibles pour promouvoir leurs publicités. Mais avant cela, les autorités américaines avaient mis l'UE en garde contre une politique technologique qu'ils estiment "antiaméricaine", estimant que le DMA ne vise que les cinq plus grosses entreprises US. Le Conseil de sécurité nationale, une branche de la Maison-Blanche, avait écrit aux autorités de l'UE pour se plaindre du ton des commentaires sur les nouvelles réglementations.
Proposé par la Commission européenne en décembre 2020, le DSA vise à créer des règles à l'échelle européenne pour les services en ligne. Le DSA vise à réprimer les contenus illégaux, à réglementer la publicité en ligne et à imposer des mesures de transparence sur les algorithmes des plateformes. Plusieurs groupes politiques de gauche, dont les Socialistes & Démocrates et les Verts, ont présenté des plans ambitieux dès le début des négociations du DSA pour interdire la pratique des publicités en ligne microciblées. Cependant, les propositions se sont heurté à l'opposition féroce des législateurs de centre-droit et libéraux.
Mais les négociateurs ont trouvé un compromis sur l'interdiction des conceptions manipulatrices visant à inciter les utilisateurs à consentir au suivi en ligne, y compris ce que l'on appelle les "dark patterns" (modèles sombres) et les avis sur les sites Web pour accepter les traceurs en ligne connus sous le nom de cookies. Ils ont également ajouté que les plateformes en ligne devaient obtenir clairement le consentement des utilisateurs avant de les suivre. Mercredi, les députés européens de gauche ont réussi un exploit inattendu en obtenant le soutien des législateurs conservateurs et d'extrême droite.
« Les changements en matière de protection de la vie privée ont donné un signal fort que le Parlement veut être clair comme de l'eau de roche sur la nécessité de faire quelque chose sur [le suivi des publicités] », a déclaré le législateur principal Christel Schaldemose. Le Parlement a également approuvé un amendement visant à obliger les plateformes en ligne à s'assurer que les utilisateurs qui refusent d'être suivis puissent toujours avoir d'autres options pour accéder aux services, ce qui signifie qu'une plateforme comme Instagram ne pourrait pas obliger de facto les utilisateurs à être suivis pour voir les messages sur son application.
Les députés ont approuvé les règles préliminaires de la commission principale alors que les législateurs ont également décidé d'obliger les services en ligne à respecter les droits fondamentaux inscrits dans la charte de l'UE, notamment la liberté d'expression et d'information, dans leurs conditions générales. Les sociétés d'hébergement et les plateformes de cloud computing pourraient, quant à elles, devoir permettre l'utilisation et le paiement anonymes de leurs services en ligne. Le Parlement a aussi convenu que les petites et moyennes entreprises pourraient demander une assistance lorsqu'elles cherchent une représentation juridique dans l'UE.
Un amendement visant à obliger les plateformes à informer les organisations de médias des décisions de modération de contenu fondées sur leurs conditions générales, et à leur donner une chance de contester ces décisions, avant de prendre des mesures, a été rejeté. Toutefois, les députés ont voté pour que les plateformes en ligne soient également tenues de respecter la liberté et le pluralisme des médias. Les règles définitives pourraient entrer en vigueur dès 2023.
Source : Parlement européen
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