La directive sur le commerce électronique de juin 2000, censée encadrer le pouvoir des grandes enseignes du numérique, est devenue obsolète depuis de nombreuses années. Le texte existait déjà avant l’émergence de la plupart des GAFAM, et l'Union européenne (UE) est depuis un certain convaincue de la nécessité d'en établir de nouvelles pour bien réguler le secteur. Ce besoin a encore été mis en lumière dernièrement par une lanceuse d'alerte de Facebook, qui a accusé l'entreprise d'encourager les discours de haine pour gagner de l'argent. Les nouvelles directives de l'UE sur les marchés Internet devraient proposer des moyens de mettre fin à ces dérives.
La loi sur les services numériques (Digital Services Act ou DSA) exige que les entreprises technologiques fassent davantage pour lutter contre les contenus illégaux sur leurs plateformes en ligne. Les infractions peuvent donner lieu à de lourdes amendes. Selon des sources impliquées dans les discussions, les États membres de l'UE se sont mis d'accord sur la plupart des points essentiels de la DSA. Ensuite, toujours selon ces sources, les représentants des pays discuteront de la dernière question en suspens, à savoir qui doit réglementer les très grandes plateformes en ligne, lors d'une réunion préparatoire qui se tiendra le 8 novembre.
Selon les règles actuelles, l'Irlande réglemente Facebook, Google et Apple parce qu'elle abrite leur siège européen. Mais les sources ont déclaré à Reuters que d'autres pays souhaitent disposer du même pouvoir. Toutefois, elles ont ajouté qu'une proposition de compromis avancée par le gouvernement français et inscrite à l'ordre du jour du 8 novembre permettrait à la Commission européenne de réglementer les très grandes plateformes en ligne qui comptent plus de 45 millions d'utilisateurs actifs dans l'UE en un an. Le second projet de règles qui devrait faire l'objet de discussion au cours du mois est la loi sur les marchés numériques.
En ce qui concerne la loi sur les marchés numériques (Digital Markets Act - DMA), les membres de l'UE sont susceptibles de soutenir la Commission en tant qu'unique responsable de l'application de la législation. Les sources interrogées par Reuters ont ajouté que l'exécutif européen fournira 80 personnes pour cette tâche. En début de semaine, les législateurs du Parlement européen ont renoncé à un vote prévu le 8 novembre sur leur position de négociation concernant les deux lois en raison de désaccords sur la portée des règles et sur les entreprises à cibler. Les pays, les législateurs et la Commission devront aplanir leurs divergences avant l'adoption de la loi.
En outre, selon une étude publiée mardi, les projets de règles de l'UE visant à limiter la puissance d'Amazon, d'Apple, de Google, l'unité d'Alphabet, et de Facebook devraient également s'attaquer aux fournisseurs de services d'informatique en nuage pour d'éventuelles pratiques anticoncurrentielles. Ce rapport est publié alors que l'on craint que certains législateurs de l'UE ne soient indulgents à l'égard des entreprises de cloud computing. Selon la société d'études de marché Statista, Amazon Web Services d'Amazon (AWS) était le premier fournisseur au deuxième trimestre, suivi de Microsoft Azure et de Google Cloud.
Les autres sont IBM Cloud, Alibaba Cloud, Salesforce et Oracle. Frédéric Jenny, président du comité de la concurrence de l'Organisation de coopération et de développement économiques, a réalisé l'étude, à titre personnel, pour l'organisme professionnel "Cloud Infrastructure Services Providers in Europe" (CISPE). Selon le rapport, les nouvelles règles de l'UE devraient également couvrir les licences logicielles, les personnes interrogées citant les conditions inéquitables imposées par certains grands éditeurs de logiciels pour accéder à leur infrastructure en nuage.
« La DMA dit bien que l'infrastructure en nuage peut entrer dans son champ d'application, mais il n'est pas évident que tous les fournisseurs soient couverts », a déclaré Jenny dans une interview à Reuters. « Par exemple, il ne semble pas que Google Cloud puisse être considéré par la DMA comme un gatekeeper, ni qu'IBM Cloud ou Salesforce puissent l'être. Les pratiques anticoncurrentielles potentielles de certaines entreprises pourraient inclure des techniques de tarification déloyales ou des efforts pour rendre techniquement difficile le passage des utilisateurs à un rival », a-t-il dit.
Jenny a indiqué que l'étude a interrogé quelque 25 entreprises qui utilisent des services d'informatique en nuage, dont certaines ont cité des problèmes tels que des conditions de licence déloyales qui obligent les clients à payer à nouveau pour utiliser des logiciels qu'ils possèdent déjà lorsqu'ils passent à un concurrent. Les personnes interrogées s'inquiètent également du fait que les fournisseurs associent des logiciels à leur infrastructure en nuage afin de rendre les produits concurrents moins attrayants ou plus chers. Les législateurs européens doivent élaborer le projet de DMA avec les pays de l'UE avant qu'il ne devienne une loi, probablement en 2023.
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