La cité-État insulaire du sud de la Malaisie déploie depuis quelques semaines des robots "shérifs" pour accompagner le quotidien des populations et leur prodiguer des conseils ou lancer des avertissements en cas de mauvais comportements. Baptisés "Xavier", ces robots sont équipés de sept caméras qui leur permettent de détecter les "comportements sociaux indésirables", par exemple si vous garez mal votre vélo, si vous fumez dans une zone non autorisée ou si la distanciation sociale n'est pas respectée. Les robots ont d'abord patrouillé dans un lotissement et un centre commercial dans le cadre d'un essai de trois semaines en septembre.
En effet, le pays est à la quête d'une "nation intelligente" hyperefficace et axée sur la technologie, mais les militants affirment que la vie privée est sacrifiée et que les gens ont peu de contrôle sur ce qu'il advient de leurs données. Toutefois, les autorités ont déployé au cours de ces dernières années un grand nombre de caméras de vidéosurveillance, des lampadaires équipés d'une technologie de reconnaissance faciale et d'autres technologies qui, selon les groupes de défense des droits humains, transforment progressivement la cité-État en un pays étroitement surveillé et contrôlé. Ces nouveaux robots viennent en rajouter une couche.
Selon les responsables du projet, ces machines constituent une nouvelle arme contre l'insécurité. « Si le robot est dans les parages et que quelque chose se passe, les personnes de la salle de contrôle auront une trace et pourront voir ce qui s'est passé », a déclaré le chef de projet Michael Lim. Lors d'une patrouille, l'un des robots s'est faufilé dans un lotissement et s'est arrêté devant un groupe de résidents âgés qui regardaient une partie d'échecs. « Veuillez garder une distance d'un mètre, veuillez vous limiter à cinq personnes par groupe », a recommandé l'engin, tandis qu'une caméra placée à son sommet braquait son regard sur eux.
Mais pour l'instant, ces robots divisent non seulement l'opinion publique, mais suscitent aussi un sentiment de peur chez certaines personnes. « Je pense que c'est une très bonne initiative du point de vue de la sécurité, pour assurer la sécurité dans la société, donc si quelque chose se passe, vous avez toujours les images à suivre », a déclaré à l'AFP Fu Suan Kian, un ingénieur. Tout le monde n'est toutefois pas si enthousiaste que lui, voyant cela comme une dystopie. « Ça me fait penser à Robocop », a déclaré Frannie Teo, une assistante de recherche de 34 ans, qui se promenait dans un centre commercial au moment d'une patrouille.
« Cela fait penser à un monde dystopique de robots. Je suis juste un peu hésitante face à ce genre de concept », a-t-elle ajouté. La militante des droits numériques Lee Yi Ting a déclaré que ces appareils étaient la dernière façon dont les Singapouriens étaient surveillés. « Tout cela contribue à donner le sentiment que les gens doivent faire attention à ce qu'ils disent et à ce qu'ils font à Singapour, bien plus qu'ils ne le feraient dans d'autres pays », a-t-elle déclaré à l'AFP. Face à la méfiance des gens, le gouvernement s'est défendu en déclarant qu'ils n'étaient pas utilisés pour identifier ou prendre des mesures contre les délinquants.
Les autorités estiment que les robots étaient nécessaires pour faire face à une pénurie de main-d'œuvre due au vieillissement de la population. « La main-d'œuvre est en fait en train de se réduire », a déclaré Ong Ka Hing, de l'agence gouvernementale qui a développé les robots Xavier, ajoutant qu'ils pourraient contribuer à réduire le nombre d'agents nécessaires pour les patrouilles à pied. L'île, qui compte environ 5,5 millions d'habitants, possède 90 000 caméras de police, un nombre qui devrait doubler d'ici 2030. Le déploiement de la technologie de reconnaissance faciale - pour identifier les visages dans une foule - se poursuit également.
L'autre crainte des populations face à cette vision de "nation intelligente" concerne la protection de leur vie privée. Cette année, les autorités ont admis que la police avait eu accès aux données de suivi des contacts recueillies par un système officiel dans le cadre de la lutte contre la propagation de la Covid-19, ce qui a suscité une rare réaction du public. Le gouvernement a ensuite adopté une loi visant à limiter leur utilisation. Mais les critiques affirment que les lois de la cité-État imposent généralement peu de limites à la surveillance gouvernementale, et que les Singapouriens ont peu de contrôle sur ce qu'il advient des données collectées.
« Il n'y a pas de contraintes liées à la loi sur la protection de la vie privée sur ce que le gouvernement peut ou ne peut pas faire », a déclaré Indulekshmi Rajeswari, un avocat singapourien spécialisé dans la protection de la vie privée et qui est désormais basé en Allemagne. Avant le Singapour, la police hawaïenne a utilisé un chien robot pour prendre la température des sans-abri. Selon les autorités, c'est un moyen plus sûr de vérifier les symptômes de la Covid-19. Mais là encore, ces robots n'ont pas suscité l'enthousiasme du public, les défenseurs locaux des droits civiques dénonçant l'utilisation de robots comme déshumanisante pour certains résidents.
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