Le secteur de l'Internet par satellite, bien qu'existant depuis plus d'une décennie, a fait d'énormes progrès au cours de ces dernières années et est désormais évalué à plusieurs centaines de milliards de dollars par an. Cela représente un marché gigantesque pour les entreprises du secteur, et donne lieu maintenant à de grandes rivalités, dont celle qui s'installe entre SpaceX d'Elon Musk et Amazon de Jeff Bezos. Le premier déploie depuis 2019 une constellation appelée Starlink de satellites lancés à basse altitude pour fournir une connexion Internet à haut débit depuis l’espace aux régions reculées actuellement mal ou non desservies par les opérateurs.
Le second quant à lui a fondé en 2019 une filiale connue sous le nom de Kuiper Systems dont la mission est également de déployer une constellation de satellites pour fournir une connectivité Internet à haut débit depuis l'espace. À ce titre, Kuiper se positionne comme un concurrent direct de Starlink. Il est important de noter que Kuiper Systems ne fait pas partie de Blue Origin, la filiale d'Amazon spécialisée dans le domaine de l'astronautique et du vol spatial. Le service bêta de Starlink serait déjà en cours aux États-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Allemagne, en France et dans neuf autres pays.
Starlink a donc, on peut dire, un avantage considérable sur Kuiper. Ainsi, Bezos cherche non seulement à rattraper le retard de Kuiper sur Starlink, mais aussi à positionner Blue Origin pour arracher des parts de marché à Starlink. La concurrence entre Musk et Bezos est désormais si intense que SpaceX doit faire à plusieurs plaintes déposées par Amazon et ses filiales. Au début du mois, Blue Origin a poursuivi la NASA après avoir perdu un contrat gouvernemental essentiel pour envoyer des astronautes sur la Lune au profit de SpaceX, alléguant que les offres ont été mal étudiées. Cela a eu pour effet de retarder le travail de SpaceX sur ce projet.
Et maintenant, cette semaine, Amazon a demandé à la Commission fédérale des communications (FCC) de rejeter les plans récemment soumis par SpaceX pour lancer une autre grappe de satellites pour alimenter son service Internet par satellite Starlink. En réponse à un article sur cette dernière plainte, Musk a tweeté : « Il s'avère que Besos [sic] a pris sa retraite afin de poursuivre un travail à plein temps en déposant des plaintes contre SpaceX ». La plainte d'Amazon ne semble pas être un procès formel, mais une lettre de protestation. Et techniquement, Amazon ne cherche pas à empêcher SpaceX de lancer plus de satellites Starlink.
En effet, Starlink est actuellement alimenté par environ 1 740 satellites en orbite terrestre basse, qui desservent environ 90 000 clients. Selon des déclarations de Musk tôt dans le mois, plus de 100 000 terminaux clients (appelés par SpaceX "Dishy McFlatface" ont déjà été livrés, offrant des vitesses de téléchargement d'environ 50 Mb/s. Kuiper quant à lui a obtenu l'an dernier l'approbation de la FCC pour construire sa constellation de satellites en orbite terrestre basse. Après l'approbation, Amazon a déclaré dans un communiqué de presse que l'entreprise investira plus de 10 milliards de dollars dans le projet Kuiper, mais n'a pas précisé sur quelle période.
Mais Musk veut faire valoir son avantage de premier arrivé, et pour sa deuxième génération de satellites (appelée Gen2), SpaceX a décrit deux systèmes et moyens de livraison possibles, puis a demandé l'autorisation à la FCC de faire ce qui est le mieux (et le moins cher) pour eux à une date ultérieure. Pour cela, la société s'apprête à lancer une tranche de 30 000 satellites, et doit donc informer la FCC de l'endroit exact où ils seront positionnés autour de la Terre. La récente plainte d'Amazon porte sur le fait que SpaceX demande à la FCC d'approuver deux configurations orbitales totalement différentes qui seront choisies ultérieurement.
La différence entre ces deux configurations se résume à la manière dont Starlink disposera ses 30 000 satellites, soit en utilisant sa nouvelle fusée Starship, construite pour être entièrement réutilisable - et idéal pour le transport de charges lourdes - soit, si celui-ci n'est pas encore disponible, en utilisant la famille de fusées Falcon 9, plus petite, mais "fiable", qui a déjà réussi plus de 100 missions. En somme, Amazon n'est pas content ; il pense que SpaceX devrait être plus clair dans ses plans pour le faire. Dans sa lettre de contestation, le détaillant a déclaré que SpaceX crée un dangereux précédent et va à l'encontre des règles du secteur.
« L'approche novatrice de SpaceX, qui consiste à demander deux configurations mutuellement exclusives, est contraire à la fois aux règles de la FCC et à l'ordre public. Nous demandons instamment à la Commission de rejeter cet amendement », a écrit Mariah Dodson Shuman, conseillère juridique de Kuiper Systems. Selon Shuman, le fait de devoir se débattre avec deux configurations possibles "double l'effort technique" auquel sont confrontés les autres opérateurs - y compris le système Kuiper d'Amazon, qui n'a pas encore lancé ses propres satellites. Elle ne l'a pas exprimé explicitement, mais elle semble indiquer que cela nuit à la concurrence.
Selon elle, les concurrents de SpaceX devront examiner les problèmes d'interférence et de débris orbitaux soulevés par deux configurations distinctes de satellites. Elle estime que SpaceX devrait choisir un plan et s'y tenir, et que l'approbation de deux configurations crée un mauvais précédent en permettant aux futurs opérateurs de satellites de couvrir leurs paris tout en créant plus de travail pour l'ensemble du secteur. « En laissant presque tous les détails importants non réglés - comme l'altitude, l'inclinaison et même le nombre total de satellites - la demande de SpaceX échoue à tous les tests [de] cette section », indique la plainte d'Amazon.
« De ce fait, la Commission devrait appliquer ses règles, rejeter l'amendement de SpaceX et inviter SpaceX à soumettre à nouveau son amendement après s'être mis d'accord sur une configuration unique pour son système Gen2 », a exigé Shuman. Tim Farrar, président du cabinet de conseil et de recherche TMF Associates, affirme qu'ils n'ont pas tort. « SpaceX a décrit deux systèmes possibles et a demandé la permission de choisir plus tard. Étant donné que le choix aura un impact sur la façon dont Amazon exploite (et peut-être même conçoit) son propre système, il est compréhensible qu'ils soient mécontents », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, Amazon n'est pas la seule entreprise à avoir un problème avec l'approche de SpaceX pour le déploiement de sa constellation Starlink. En juillet, les médias américains ont rapporté que l'opérateur de satellites Viasat avait vu une cour d'appel fédérale rejeter sa demande visant à empêcher SpaceX d'élargir sa constellation Starlink.
Source : Elon Musk
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