Afin de donner un coup de fouet au projet de standardisation des chargeurs pour les équipements radioélectriques mobiles de petite ou moyenne taille comme les téléphones mobiles, les tablettes, les liseuses, les technologies portables, etc., les législateurs européens ont voté en début d’année 2020 en faveur de la publication d’une résolution. Alors que l’on croyait qu’il suffirait de quelques mois pour que cette résolution soit adoptée par la Commission européenne, l’année 2020 s’est achevée et nous en sommes encore là avec les 3 types de chargeurs (micro-USB, lightning, et USB-C) qui dominent le marché. Depuis quelques jours, le même débat commence à refaire surface dans les couloirs de la Commission européenne qui, selon des sources proches du dossier, prépare actuellement un projet de loi qu’elle présentera le mois prochain afin d’en finir une bonne fois pour toutes avec ce dossier. Mais pourra-t-elle y parvenir avec Apple qui est entièrement opposé à ce projet ?
Il faut souligner que cette initiative ne date pas de la décennie actuelle. En effet, depuis 2009, les acteurs de l’industrie ont tenté sans succès de s’accorder sur l’adoption d’un seul type de connecteurs de câble de chargeur pour alimenter les téléphones portables. Au départ, quatorze fabricants, dont Apple, Samsung, Huawei et Nokia, ont signé de leur propre chef un protocole d’accord en vertu duquel ils acceptaient d’harmoniser les chargeurs des smartphones destinés à être commercialisés deux ans plus tard. En 2011, le chargeur micro-USB a été adopté par l’UE comme chargeur de référence pour les terminaux mobiles. L’objectif était de réduire au maximum le nombre de déchets électroniques occasionnés par la multiplicité de chargeurs différents. La plupart des entreprises ont suivi ce standard, ce qui a permis de réduire le nombre de chargeurs de plus de 30 à seulement quelques-uns. Par ailleurs, vu que toutes les entreprises n’étaient pas encore prêtes à mettre en œuvre ce protocole d’accord qui expirait en 2012, il a été reconduit jusqu’en 2014. Mais depuis 2014, aucune solution acceptable à la fois pour l'industrie et la Commission n'a été trouvée.
Si un grand nombre d’entreprises n’ont pas rechigné pas à s’aligner sur les normes proposées, il n’en est pas de même pour Apple. Dans le protocole d’accord qui avait été signé, une ouverture avait été faite pour que les entreprises puissent continuer à proposer des connecteurs autres le micro USB, si bien sûr un adaptateur était fourni. Apple ne s’est pas fait prier et a donc utilisé cette faille pour sortir en 2012 son connecteur lightning en remplacement du connecteur à 30 broches sorti depuis 2003. Pour se prémunir des attaques qui pointeraient du doigt le non-respect du protocole que l’entreprise avait signé, Apple a mis à la disposition des utilisateurs des adaptateurs micro-USB vers lightning.
En 2014, le connecteur USB a évolué avec la sortie de l’USB-C. Presque toute l’industrie a adopté l’USB-C. Toutefois, Apple qui fait partie des entreprises qui ont travaillé à l’implémentation de ce connecteur n’a pas pour autant basculé, en tout cas pour ce qui concerne le chargeur de ses iPhone. Depuis 2012 jusqu’à présent, tous les iPhone sont pourvus de port lightning. Seuls les MacBook et les iPad pros ont vu leurs connectiques être mises à jour afin de pouvoir être compatibles avec des câbles USB-C. L’argument d’Apple pour justifier son attachement au chargeur lightning est que « ;l’adoption d’un port de charge commun pour les appareils mobiles va freiner l’innovation dont le préjudice futur est estimé à 1,5 milliard d’euros ;», contre 13 millions d’euros d’avantages environnementaux mis en avant par l’Union européenne.
Pour Apple, en passant au chargeur USB-C, les utilisateurs d’anciens iPhone se retrouveraient à devoir mettre au rebus leurs anciens appareils pour adopter les nouveaux modèles, ce qui entraînerait une montagne de déchets. En outre, ils pourraient être amenés à payer de nouveaux chargeurs pour leurs nouveaux iPhone, dans la mesure où Apple ne fournit plus de chargeur lors de l’achat d’iPhone. Mais déjà, il convient de préciser que nombreux utilisateurs payent des chargeurs pour leurs iPhone qui ne sont pas fournis avec des chargeurs. Un grand nombre d’utilisateurs estimant que le chargeur cinq watts fourni par Apple est dépassé, ces derniers n’hésitent pas à aller payer des chargeurs plus puissants pour bénéficier de la charge rapide. Au point où nous en sommes, autant payer un chargeur (comme celui de type USB-C) que l’on peut utiliser avec plusieurs appareils que d’acheter un chargeur que l’on utilisera seulement avec l’iPhone. Et c’est à ce niveau que se situe le combat de la Commission européenne. En effet, environ 50 millions de tonnes de déchets électroniques sont produites chaque année dans le monde, soit une moyenne de plus de 6 kg par personne. En 2016, la production totale de déchets électroniques en Europe s’élevait à 12,3 millions de tonnes, soit 16,6 kg en moyenne par habitant. Cela génère une empreinte écologique inutile que l’on peut réduire, souligne la Commission européenne. Aussi, vu que l’industrie n’a pas réussi à imposer volontairement un chargeur unique pour les appareils mobiles, l’institution européenne veut utiliser la législation pour le faire.
Selon une enquête menée en 2019 par la Commission européenne, la moitié des chargeurs vendus avec les téléphones portables dans l’espace européen en 2018 étaient des connecteurs « ;micro USB de type B ;», contre 29 % qui étaient des connecteurs de type USB-C et 21 % qui étaient des connecteurs lightning. En plus de causer des désagréments au consommateur, cela a créé des déchets électroniques inutiles, précise la Commission européenne. Depuis 2019, l’USB-C s’est largement démocratisé. En face de l’USB-C qui permet un transfert de données à très haut débit, nous avons le câble lightning qui ne permet dont le taux de transfert de données se situe entre l’USB 2.0 et l’USB 3.0. Si Apple veut parler d’innovation, il serait convenable d’adopter l’USB-C en toute objectivité. De même, les parlementaires de l’UE expliquent dans leur proposition de résolution que la Commission « ;devrait veiller à ce que le cadre législatif applicable à un chargeur universel soit régulièrement réexaminé afin que les progrès techniques soient pris en compte ;». L’objectif n’est donc pas de freiner l’innovation comme Apple le soutient.
Malgré toutes ces garanties, si Apple continue toujours de s’agripper à son connecteur propriétaire, c’est qu’en fait les enjeux sont assez colossaux. Avec son connecteur Lightning, Apple s’est bâti une fortune en prélevant une commission sur les câbles certifiés MFi (Made for iPhone ou Conçu pour iPhone). Adopter un chargeur aux standards ouverts reviendrait donc à renoncer à cette manne financière dont Apple n’a de cesse de s’abreuver auprès des revendeurs de chargeurs et autres accessoires d’iPhone. Mais Apple aura-t-il le choix si la Commission européenne adoptait finalement cette loi pour un chargeur unique ? Selon les rumeurs, Apple pourrait sortir des iPhone uniquement rechargeables sans fil. Serait-ce pour passer entre les mailles du filet ;? La Commission ne devrait-elle pas s’attaquer en même temps à la standardisation des chargeurs sans fil ;?
Source : Reuters
Et vous ?
Que pensez-vous de ce projet de chargeur commun ;? Bon ou mauvais ;?
Selon vous, les arguments de réduction de déchets électroniques mis en avant par l’UE sont-ils crédibles en adoptant un chargeur commun ;?
Quels commentaires faites-vous de la défense d’Apple selon laquelle l’adoption d’un chargeur commun entraînerait plus d’inconvénients que d’avantages ;?
L'Union européenne travaille à l'adoption d'un chargeur mobile universel
Mais Apple n'en veut pas
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Le , par Olivier Famien
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