Facebook continue d'être un grand canal de relais de fausses informations
Facebook est régulièrement apparu en tête des sites de médias sociaux où circulent le plus de fausses informations et les deepfakes lors de la précédente décennie. Le réseau social de Mark Zuckerberg est toujours en proie à ce fléau et l'un des principaux objets de la désinformation en 2021 est les vaccins Covid-19. Récemment, la Maison-Blanche a vivement critiqué la façon dont les médias sociaux ont contribué à faire circuler la désinformation sur les vaccins contre le coronavirus. Le président Biden l'a dit sans ambages : "Ils tuent des gens". Pour lui, les médias sociaux sont la chambre d'écho des critiques négatives sur les vaccins.
Par exemple, des rapports ont relevé sur Facebook des critiques estimant que les vaccins Covid-19 ne sont pas sûrs, qu'ils contiendraient des micropuces pour le suivi gouvernemental, des métaux ou d'autres matériaux toxiques. D'autres commentaires vont plus loin alléguant que les vaccins Covid-19 modifient l'ADN, affectent la fertilité et peuvent se répandre sur les personnes non vaccinées ou provoquer des maladies ou des décès à grande échelle. Toutefois, au lendemain de la déclaration de Biden, Facebook a publié un article de blogue affirmant qu'il n'est pas responsable de la stagnation des taux de vaccination aux États-Unis.
Facebook a souligné que, dans une vaste enquête menée par Carnegie Mellon et soutenue par l'entreprise, 85 % des utilisateurs de Facebook ont déclaré être vaccinés ou vouloir l'être. Selon les experts, il est difficile de dire qui a raison dans ce débat animé, car les données d'enquête ne peuvent pas prouver de manière concluante que l'utilisation de Facebook a une incidence sur l'acceptation des vaccins et la résistance à ceux-ci. Cependant, elles peuvent indiquer si les personnes qui s'informent sur Facebook ont un taux de vaccination plus élevé ou plus faible que celles qui ne le font pas. Une étude du Washington Post s'est penchée sur la question.
Au cours de l'enquête, qui s'inscrit dans le cadre d'un projet intitulé Covid States, les auteurs ont constaté une relation étonnamment forte entre le fait de s'informer sur Facebook et le refus de se faire vacciner. Voici ci-dessous quelques points clefs de l'enquête.
Facebook sert de principale source d'informations pour beaucoup d'Américains
S'il est difficile d'établir si Biden a raison, l'étude de Facebook ne fournit pas de preuves convaincantes qu'il a tort. Le rapport de l'étude note qu'elle ne compare pas les utilisateurs de Facebook avec les non-utilisateurs, ce qui pourrait aider à comprendre s'il existe une différence significative dans les attitudes des deux groupes. Plus important encore, l'étude de Carnegie Mellon sponsorisée par Facebook ne parle pas des taux de vaccination parmi les personnes qui ne se contentent pas d'utiliser Facebook, mais qui y obtiennent des informations sur le coronavirus. En fait, les gens utilisent Facebook pour de nombreuses raisons.
Seuls certains se rendent sur la plateforme spécifiquement pour obtenir des nouvelles et des informations sur la pandémie du coronavirus. Ce sont ces personnes qui, selon l'administration Biden, risquent d'être exposées à la désinformation sur les vaccins. Il est important de connaître la population de ces personnes ; et si elles sont plus ou moins susceptibles d'être vaccinées que les autres. Selon l'équipe de recherche, les résultats du projet Covid States sont basés sur un échantillon en ligne non probabiliste de 20 699 Américains provenant des 50 États et du District de Columbia. L'équipe a appliqué des quotas démographiques au niveau des États.
Elle a aussi pondéré les données pour qu'elles correspondent à celles de la population américaine en ce qui concerne la race, l'origine ethnique, l'âge, le sexe, la région l'éducation et la résidence dans des zones urbaines, suburbaines ou rurales. En juin et juillet, l'équipe a demandé aux personnes interrogées si elles avaient obtenu des informations sur le coronavirus par Facebook, CNN, Fox, MSNBC, l'administration Biden ou Newsmax. La figure ci-dessus montre le pourcentage de personnes interrogées qui ont obtenu des informations sur le coronavirus à partir de chacune de ces sources dans les 24 heures précédant la réalisation de l'enquête.
Les personnes interrogées pouvaient choisir plusieurs sources, ce qui explique que la somme des barres soit supérieure à 100 %. L'équipe de recherche a constaté que Facebook est une source majeure d'informations sur le coronavirus, comparable à Fox News et CNN.
Les utilisateurs de Facebook sont les plus réticents aux vaccins Covid-19
L'équipe a demandé aux personnes interrogées si elles avaient été vaccinées, si elles pourraient se faire vacciner à l'avenir ou si elles ne se feraient pas vacciner. Ainsi, elle a remarqué que les personnes qui obtiennent des informations sur le coronavirus via Facebook sont moins susceptibles de se faire vacciner que l'Américain moyen et que les non-utilisateurs de Facebook. Soixante et un pour cent de ces utilisateurs de Facebook ont déclaré avoir été vaccinés, contre 68 % de la population américaine éligible et 71 % des non-utilisateurs de Facebook.
La relation était plus forte chez les personnes qui ont déclaré avoir reçu des informations sur le coronavirus uniquement via Facebook. Seize pour cent des personnes interrogées entrent dans cette catégorie, et seulement 47 % d'entre elles déclarent être vaccinées, 25 % affirmant qu'elles ne se feront pas vacciner. Il est frappant de constater que les personnes qui se fiaient exclusivement à Facebook présentaient des taux de vaccination plus faibles et une résistance au vaccin plus élevée que celles qui se fiaient exclusivement à Fox News, souvent critique à l'égard du vaccin.
Newsmax est la seule source d'information que l'équipe a examinée qui présentait des taux de vaccination plus faibles et une résistance au vaccin plus élevée que Facebook, parmi les personnes qui s'y fient pour s'informer. D'après les données, les utilisateurs de Facebook étaient également parmi les plus susceptibles de croire les fausses allégations concernant les vaccins contre le coronavirus. Cette tendance se maintient, même lorsque l'équipe cherche d'autres explications. Elle a aussi vérifié si ces tendances étaient un sous-produit trompeur de facteurs démographiques.
Par exemple, les personnes qui s'informent principalement sur Facebook pourraient être plus jeunes et donc moins susceptibles de se faire vacciner, indépendamment de leur consommation d'informations. L'équipe a utilisé des techniques statistiques standard pour évaluer cette possibilité. Cependant, même après avoir pris en compte les différences démographiques et autres, elle a constaté que le fait d'obtenir des informations relatives au coronavirus sur Facebook – en particulier lorsqu'elles proviennent exclusivement de Facebook – est associé à des niveaux de vaccination plus faibles.
Cela est aussi associé des niveaux plus élevés de résistance au vaccin. Cette relation n'est plus forte qu'avec Newsmax, qui, selon l'équipe, est une source beaucoup moins utilisée.
D'où proviennent les fausses informations qui circulent sur Facebook ?
Selon Zignal Labs Inc., une société de veille médiatique, les affirmations erronées selon lesquelles les vaccins sont obligatoires et entraînent une mortalité généralisée ont plus que doublé sur les médias sociaux au cours des trois derniers mois. C'est également le même constat sur les médias audiovisuels et traditionnels et les sites en ligne. « Tout adulte peut contracter la maladie, et tout adulte fait donc partie de l'audience potentielle pour la désinformation », a déclaré John Gregory, rédacteur en chef adjoint pour la santé chez NewsGuard, une société qui suit la désinformation en ligne.
Des centaines de groupes anti-vaccins restent actifs sur Facebook, et un groupe de surveillance aurait découvert que 12 influenceurs en ligne étaient à l'origine de 65 % de la désinformation anti-vaccins sur Facebook, Instagram et Twitter. Les fausses allégations sont souvent relayées par des politiciens et des experts. Les personnes qui s'informent auprès de médias conservateurs seraient plus susceptibles de croire les fausses informations sur les vaccins. Sur Fox News, par exemple, les allégations sur les dangers des vaccins et d'autres affirmations trompeuses viennent de personnes comme Tucker Carlson.
Un autre rapport note que des chercheurs et des régulateurs s'accordent pour dire que Joseph Mercola, un médecin ostéopathe est le plus influent diffuseur de fausses informations sur le coronavirus en ligne. L'intéressé créerait et profiterait d'allégations trompeuses sur les vaccins Covid-19. Dans un article qu'il a publié en février, il a déclaré que les injections de vaccins Covid-19 « modifient le code génétique, vous transformant en une usine de protéines virales qui n'a pas d'interrupteur ». Ses dires seraient facilement réfutables, mais peu importe. Dans les heures qui ont suivi, l'article aurait été traduit de l'anglais en espagnol et en polonais.
Il serait apparu sur des dizaines de blogues et aurait été repris par des militants anti-vaccination, qui ont répété les fausses affirmations en ligne. Selon les données de CrowdTangle, un outil appartenant à Facebook, l'article s'est aussi retrouvé sur Facebook, où il a touché 400 000 personnes. Entrepreneur féru d'Internet qui emploie des dizaines de personnes, Mercola aurait publié sur Facebook plus de 600 articles mettant en doute les vaccins Covid-19 depuis le début de la pandémie, touchant ainsi un public bien plus large que les autres sceptiques des vaccins.
Ses affirmations auraient été largement reprises sur Twitter, Instagram et YouTube. Parmi les autres personnes figurant sur la liste des diffuseurs les plus influents de fausses nouvelles sur le coronavirus figurent Robert F. Kennedy Jr, un militant anti-vaccins de longue date, et Erin Elizabeth, la fondatrice du site Health Nut News, qui est également la petite amie de Mercola.
Qu'est-ce que tout cela signifie réellement ?
« Nous ne pouvons pas conclure de manière définitive que Facebook a incité des personnes à choisir de ne pas se faire vacciner. Les gens qui s'appuient fortement sur Facebook pour s'informer peuvent différer du reste de la population à bien d'autres égards. Par exemple, ils font moins confiance aux médias et aux autres institutions, qu'il s'agisse d'agences gouvernementales ou de la science. Seuls 37 % des personnes qui ont obtenu des informations sur le coronavirus uniquement par Facebook déclarent faire "un peu" ou "beaucoup" confiance aux médias, contre 47 % pour les autres », a déclaré l'équipe de recherche.
« Les sceptiques en matière de vaccins se fient peut-être davantage à Facebook parce qu'ils se méfient des médias. Il se peut aussi qu'ils se méfient des médias à cause de ce qu'ils voient sur Facebook. Si nous ne pouvons pas affirmer que Biden a raison de prétendre que Facebook "tue les gens", nous constatons que le fait de se fier à l'environnement informationnel de Facebook est associé à une moindre confiance dans les institutions, à des taux de vaccination plus faibles et à une plus grande résistance aux vaccins », a-t-elle ajouté. Selon elle, d'autres recherches sont nécessaires pour déterminer quel contenu les gens consomment sur la plateforme et si cela peut affecter leur comportement.
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