Twitter, Facebook, etc., et YouTube sont tous dans la ligne de mire des législateurs russes. Ils ont adopté jeudi une loi qui obligerait les géants technologiques américains à ouvrir des bureaux en Russie d'ici janvier 2022 sous peine de mesures punitives. Ainsi, les sites Web qui ne se conforment pas à la loi seraient signalés comme non conformes sur les moteurs de recherche. Ils pourraient en outre être exclus des résultats des moteurs de recherche et interdits de publicité en Russie et pour les Russes. Le projet de loi doit être approuvé par la chambre haute du Parlement et signé par le président Vladimir Poutine avant d'avoir force de loi.
Toutefois, l'on s'attend à ce que cela se produise. Les critiques estiment que ce projet de loi s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par la Russie pour renforcer la "souveraineté" d'Internet. En effet, le pays expérimente depuis quelques années ce qu'il appelle "RuNet", une sorte d'intranet national destiné à garantir le fonctionnement de l'infrastructure technologique (en particulier les télécommunications et le système financier) au cas où quelque chose d'"extraordinaire" se produirait. Selon les autorités de la fédération, la Russie est légalement et technologiquement prête à se déconnecter de l'Internet mondial si nécessaire.
L'ex-président russe Dmitri Medvedev a déclaré cette année que le pays a également développé la capacité de se déconnecter du système mondial de paiements SWIFT. « Nous avons même dû créer notre propre système de transmission d'informations afin de pouvoir échanger des messages électroniques au cas où cela se produirait soudainement », a-t-il déclaré en février de cette année. Plus précisément, l'ex-chef d'État a expliqué que les États-Unis conservaient « des droits de contrôle clé » sur l'Internet, ce qui pourrait entraîner la déconnexion de la Russie de l'Internet mondial « si quelque chose d'extraordinaire se produit ».
Mais alors que Medvedev a déclaré que la Russie est capable d'isoler son Internet du Web mondial, il a également souligné qu'il ne voyait aucune raison de le faire, s'inquiétant qu’une telle décision pourrait à tout moment se retourner contre la Russie. Dans cet effort, la Russie a pris des mesures sévères à l'encontre des entreprises américaines du secteur de l'Internet au cours des derniers mois et a ralenti le trafic Internet de Twitter depuis mars pour le punir de ne pas avoir supprimé ce que Moscou considère comme du contenu interdit. Elle a également menacé de bloquer l'accès aux réseaux sociaux qui sont discriminatoires à l'égard des médias d'État.
En effet, en mars, les utilisateurs de Twitter ont constaté que le chargement des photos et des vidéos sur Twitter était plus lent que d'habitude en Russie. Cependant, il ne s'agissait pas d'une défaillance du réseau ou d'une erreur de serveur, mais d'une action délibérée du régulateur d’Internet russe, Roskomnadzor, visant à limiter le trafic vers Twitter. Le Roskomnadzor a ralenti la plateforme en représailles à ce qu'elle a décrit comme un échec dans la suppression de milliers de posts qui « encouragent le suicide des mineurs et contiennent de la pornographie enfantine ainsi que des informations sur la consommation de drogues ».
En réponse à ce ralentissement, Twitter a déclaré qu'il ne soutenait aucun comportement illégal et qu'il était profondément préoccupé par les tentatives du régulateur de bloquer la conversation publique en ligne. Mais le 16 mars, le Roskomnadzor a lancé un nouvel avertissement : si Twitter refuse de se conformer à ces demandes de suppression dans un délai d'un mois, le régulateur envisagera de bloquer purement et simplement l'accès au réseau social en Russie. Les deux parties sont toutefois parvenues à un accord après une discussion le 1er avril, mais cela n'a pas empêché le régulateur russe de prolonger la punition du réseau social américain jusqu'au 15 mai.
Avant cela, en décembre 2020, le gouvernement russe a adopté une loi visant à augmenter les amendes infligées aux plateformes en ligne et aux fournisseurs d'accès Internet qui ne retirent pas les contenus appelant à des activités extrémistes, les informations sur les drogues récréatives et les abus sexuels sur les enfants. Avec cette loi, les entreprises peuvent désormais se voir infliger des amendes représentant entre 10 et 20 % de leur chiffre d'affaires annuel en Russie. Une loi adoptée le même mois a donné au régulateur russe le pouvoir de restreindre ou de bloquer totalement les sites Web jugés discriminatoires à l'égard des médias d'État russes.
D'autres rapports allèguent également que Moscou tente de décourager les Russes dans l’utilisation des réseaux sociaux et les sites Web étrangers. Le Roskomnadzor exigerait, par exemple, que les entreprises technologiques qui vendent des smartphones en Russie invitent les utilisateurs à télécharger des applications approuvées par Moscou, notamment des moteurs de recherche, des cartes et des systèmes de paiement. En outre, un Wikipedia russe devrait être lancé en 2023 afin que les Russes aient accès à des informations mieux contrôlées sur leur pays. Pour l'instant, Washington est resté muet face à la décision prise par les législateurs russes jeudi dernier.
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