Les rapports ont-ils exagéré sur l'empreinte carbone du Bitcoin ?
Il existe une flopée de rapports sur la consommation énergétique et l'empreinte carbone du Bitcoin. Un peu plus de dix ans après la création de la cryptomonnaie, ces deux indicateurs ont atteint des sommets. Le minage de bitcoins nécessiterait aujourd'hui la même quantité d'énergie dont a besoin l'Argentine sur un an. Ainsi, les émissions de carbone (CO2) du Bitcoin et de l'Argentine seraient proportionnelles. Des rapports indiquent que les émissions de CO2 de l'Argentine seraient passées de 88,8 millions de tonnes en 1970 à 199,4 millions de tonnes en 2019, avec un taux de croissance annuel moyen de 1,76 %.
En outre, l'empreinte carbone du Bitcoin est également régulièrement comparée à celle du système financier traditionnel, en particulier les systèmes transactionnels en ligne (Visa, Mastercard, etc.). À titre d'exemple, en mars dernier, Digiconomist a rapporté qu'une transaction de bitcoins est l'équivalent de l'empreinte carbone de 735 121 transactions Visa ou de 55 280 heures de visionnage de YouTube. Seulement 120 millions de transactions de bitcoins seraient traitées par an, tandis que le monde financier en général traiterait 710 milliards de transactions numériques par an. La différence est considérable.
Cependant, selon un rapport publié par Hass McCook de Bitcoin Magazine mardi, même si ces données sur l'exploitation minière du Bitcoin semblent inquiétantes, cette empreinte carbone serait bien inférieure à celle provenant du complexe militaro-industriel mondial (MIC – military-industrial complex). Il a commencé en déclarant tout d'abord que le système financier mondial ne peut exister sans le pétrodollar, qui ne peut exister sans le soutien du gouvernement des États-Unis, et par extension, des forces armées américaines, et par extension encore, des gouvernements et des armées du reste du monde.
Par conséquent, si l'on souhaite comparer les émissions du Bitcoin à celle du "système financier traditionnel", l'armée doit également être prise en compte, ainsi que ses principales industries de soutien. Il ajoute que l'on pourrait également affirmer que la quasi-totalité du service public (à l'exception peut-être de la santé) est également un rouage obligatoire de la machine financière. Pour son argumentation, il s'appuie sur des données disponibles pour les États-Unis, l'Europe et le Royaume-Uni. Selon lui, ces acteurs sont suffisamment importants et permettent de tirer des conclusions globales sur le sujet.
« J'estime que les émissions de carbone des forces armées du monde et des industries qui fournissent leurs équipements sont de l'ordre de 5 % du total mondial. Mais ce chiffre n'inclut pas les émissions de carbone liées aux conséquences de la guerre, qui pourraient s'élever à 1 %. L'empreinte carbone totale des forces armées pourrait donc être de 6 % », a déclaré Stuart Parkinson de Scientists For Global Responsibility. Selon les données d'analyses présentées par Hass, le Cambridge University Centre For Alternative Finance estimerait que la consommation d'énergie du bitcoin est actuellement de 97,9 térawattheures (TWh).
À cela s'ajoutent des émissions totales de 44,1 millions de tonnes de dioxyde de carbone et d'équivalents de dioxyde de carbone (MtCO2e), soit environ 0,09 % des 50 000 MtCO2e d'émissions mondiales, et plus de 55 à 65 fois moins que le MIC. Voici les données présentées faites par Hass.
L'empreinte carbone de l'armée des États-Unis
À ce stade, Hass s'appuie sur des données tirées de documents publiés par Neta C. Crawford, professeure de sciences politiques à l'université de Boston. Dans son rapport intitulé "Pentagon Fuel Use, Climate Change, And The Costs Of War", elle présente les données publiques disponibles sur les émissions de l'armée américaine, et va plus loin en calculant l'empreinte carbone du MIC américain. Bien qu'il s'agisse de chiffres anciens, ceux de l'exercice 2017, Hass a déclaré que les derniers chiffres de 2019 ne montreraient que de légères améliorations.
Le rapport montre que l'empreinte carbone de l'armée américaine était d'environ 56,9 MtCO2e, en baisse par rapport aux 59 MtCO2e de 2017. Environ 20,7 MtCO2e proviendraient des émissions "standard" de l'ensemble des 560 000 bâtiments de l'armée répartis sur 500 sites au niveau national et international. En outre, 35,7 MtCO2e supplémentaires proviendraient de la consommation de carburant de plus de 50 000 véhicules terrestres et chars, de plus de 13 000 avions et de près de 500 navires.
« [Une] comptabilité complète des émissions totales liées à la guerre et à sa préparation, inclurait les émissions de gaz à effet de serre (GES) de l'industrie militaire. Elle emploie directement 14,7 % de l'ensemble des personnes travaillant dans le secteur manufacturier américain. En supposant que la taille relative de l'emploi direct dans l'industrie militaire nationale américaine est un indicateur de la part de l'industrie militaire dans l'économie industrielle américaine, la part des émissions de GES américaines provenant de l'industrie militaire basée aux États-Unis est estimée à environ 15 % du total des émissions de GES industrielles américaines », a écrit Parkinson dans l'un de ses rapports.
Elle note que ces 15 % ne tiennent même pas compte « des emplois militaires indirects, et donc des émissions militaires indirectes ». Au total, cela donne 280 MtCO2e supplémentaires, dont plus de la moitié est directement attribuée à un effort de guerre actif, en plus des 56,9 MtCO2e couverts par les champs d'application un et deux. Cela porte le total des émissions militaires américaines à 336,9 MtCO2e, soit près de sept fois l'impact de Bitcoin.
L'empreinte carbone de l'armée britannique
Tout comme le travail de Crawford, "The Environmental Impacts Of The U.K. Military Sector" de Stuart Parkinson reprend les données publiques du ministère de la Défense britannique (MOD) tirées de son rapport "Sustainable MOD". Bien qu'elle soit beaucoup plus modeste que celle des États-Unis, l'empreinte carbone du ministère britannique de la Défense est d'environ 11 MtCO2e. Environ 1,22 MtCO2e proviendraient des émissions "standard" de l'ensemble du domaine du ministère de la Défense, qui couvre 1,5 % de la masse terrestre du Royaume-Uni (à l'exclusion des installations étrangères).
Une autre tranche de 1,81 MtCO2e proviendrait de la consommation de carburant de plus de 5 000 véhicules terrestres et chars, de plus de 700 avions et de près de 100 navires. Sur la base de la déclaration globale des GES des 25 plus grands fournisseurs et exportateurs militaires basés au Royaume-Uni, qui emploient 85 000 des 110 000 emplois résultant des dépenses du ministère de la Défense, 3,23 MtCO2e ont été produites. Les emplois indirects compteraient pour 1,67 MtCO2e et les opérations non basées au Royaume-Uni pour le reste. En tout, cela représente environ 1,4 % des émissions totales du Royaume-Uni.
Observation dans l'UE et le reste du monde
Dans "Under The Radar : The Carbon Footprint Of Europe's Military Sectors", Parkinson présente l'analyse à l'échelle de l'UE, en utilisant des données européennes provenant de sources telles que l'OTAN, les nations individuelles et les données déclarées par les plus grands entrepreneurs militaires en Europe. Un total de 24,83 MtCO2e aurait été libéré par les armées de l'UE. Parkinson conclut que les émissions résultant des dépenses militaires mondiales représentent 5 % des émissions mondiales au cours d'une année "calme", et 6 % ou plus au cours d'une année de conflit actif.
Si l'on considère que 50 000 MtCO2e sont produites dans le monde, cela représente entre 2 500 et 3 000 MtCO2e/an, en fonction de votre définition du mot "calme". Selon Hass, les chiffres parlent d'eux-mêmes. « Le bitcoin, dans l'ordre des choses, n'émet rien par rapport à la valeur positive qu'il fournit, et par rapport à ses homologues traditionnels. Alors que le MIC se démène pour remplacer toutes ses ampoules par des LED afin de compenser légèrement les émissions de ses flottes de bombardiers, les mineurs de bitcoins et les nations souveraines s'approvisionnent littéralement dans les volcans pour une exploitation minière à zéro émission », a-t-il déclaré.
Selon lui, de nombreux mineurs de bitcoins fonctionneraient actuellement avec de l'énergie à émissions négatives en exploitant le méthane des déchets brûlés. Le gouvernement salvadorien serait littéralement en train de trouver un moyen d'installer un tuyau dans un volcan afin de produire 95 mégawatts d'énergie propre et bon marché alimentée par de la lave pour extraire des bitcoins. Cela représenterait un peu moins de 1 % de toute l'énergie actuellement consommée par le réseau. Rappelons que le Salvador a récemment voté une loi qui place le Bitcoin comme sa deuxième monnaie légale, à côté du dollar américain.
« Le MIC ne s'améliorera JAMAIS d'un point de vue environnemental, sans parler du désastre social et économique et de la ruine qu'il entraîne dans son sillage. Le bitcoin se branche sur le mur (ou sur une cheminée de méthane, ou sur un volcan). C'est tout. Personne n'a à mourir. Je ne doute guère que d'ici 2025, 25 % de l'énergie du bitcoin proviendra de sources d'énergie abandonnées, et que d'ici la fin de la décennie, le bitcoin aura des émissions négatives, en raison de la quantité d'émissions de méthane qu'il compensera », a déclaré Hass.
« Ce ne sera pas parce que les mineurs de bitcoins sont des écologistes, mais parce que c'est la chose la plus rentable à faire », a-t-il ajouté. Toutefois, en considérant l'analyse de Hass, l'on se rend compte que le Bitcoin émet à lui seul l'équivalent de près de 2 % des émissions à effet de serre cumulées de l'armée et de la défense dans le monde. Même si Hass cherche à montrer que le taux des émissions de gaz à effet de serre du Bitcoin n'est pas aussi alarmant que celui d'autres industries, cela reste quand même une question préoccupante.
Source : Hass McCook
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