
Le monde pourrait subir la pénurie de puces pendant encore deux ans
Les fabricants de semiconducteurs n'arrivent plus à satisfaire à la demande mondiale, qui est constamment en hausse, depuis bientôt deux ans. De part et d'autre du globe, des plans de relance de l'industrie des puces sont en train d'être élaborés, mais les principaux concernés, c'est-à-dire les fondeurs, pensent que ces solutions ne permettront pas une relance effective de l'industrie avant au moins deux ans. Ce mois, de nombreux dirigeants d'entreprises technologiques ont fourni leurs propres estimations dans le cadre de leurs habituelles déclarations financières publiques. Ils sont trois à s'accorder sur cette estimation.
Dans une déclaration la semaine dernière, le nouveau PDG d'Intel, Pat Gelsinger, a estimé que le monde pourrait être confronté à cette pénurie pendant encore deux ans. Il a néanmoins précisé qu'il s'agissait d'une estimation du temps qu'il faudrait à sa société pour "renforcer ses capacités" afin de remédier éventuellement aux pénuries d'approvisionnement. Gelsinger a fait cette déclaration à un moment où Intel propose de renforcer deux chaînes d'approvisionnement particulièrement touchées par la pénurie de silicium : les fournitures médicales et les systèmes informatiques embarqués.
Dans ses déclarations précédentes, il a souligné le projet actuel d'Intel, d'un montant de 20 milliards de dollars, de construire deux usines en Arizona. En outre, il a fait l'éloge du plan d'infrastructure de production de puces, de 50 milliards de dollars, proposé par le président Joe Biden, bien que Gelsinger ait indiqué que Biden devrait être prêt à dépenser plus que cela. Jeudi, le PDG de TSMC, C.C. Wei, a présenté une estimation tout aussi "catastrophique" aux investisseurs, déclarant que la société basée à Taïwan espérait "offrir plus de capacité" pour répondre à la demande du commerce de détail et de la fabrication "en 2023".
Selon les médias américains, TSMC va de l'avant avec la construction de sa propre usine de fabrication en Arizona, qui pourrait coûter "jusqu'à 12 milliards de dollars". Cependant, concernant cette usine, la société aurait précisé qu'elle a l'intention de donner la priorité à la recherche, au développement et à la production dans son pays d'origine. Le producteur de cartes graphiques et de systèmes de traitement de l'information Nvidia s'est également joint au club des estimations "sombres" vendredi. La société est du même avis, mais a ajouté qu'elle disposera d'une « offre suffisante pour soutenir la croissance séquentielle au-delà du premier trimestre [fiscal] [2022] ».
« D'ici là, nous nous attendons à ce que la demande continue à dépasser l'offre pendant une grande partie de cette année », a expliqué la directrice financière, Colette Kress. Mais alors que les entreprises technologiques se démènent pour faire face aux catastrophes naturelles, à la demande exponentielle des consommateurs et à la construction de toutes nouvelles installations, certaines questions restent sans réponse. Comment va se dérouler la mise à l'échelle de tant de nouvelles usines ? Respecteront-elles les délais de construction et seront-elles aussi efficaces comme annoncé ?
Les constructeurs automobiles et les joueurs observeront la situation avec un vif intérêt. D'autres dirigeants de la Tech partageraient également le même avis, notamment le PDG de Foxconn. Il aurait indiqué récemment que le manque de semiconducteurs se ferait très largement sentir jusqu'au second trimestre 2022.
États-Unis et Europe : réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine
Alors que la pénurie de puces menace la production d'ordinateurs portables, de smartphones et autres, plusieurs pays désignent la constitution de réserves par Huawei et d'autres entreprises chinoises comme une des causes de la pénurie. En raison de cela, le président américain Joe Biden a signé en février un décret devant permettre de remédier aux vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement dans les secteurs critiques de l'économie. L'objectif de Biden est de développer des chaînes d'approvisionnement moins dépendantes de la Chine pour les puces et autres produits importants.
Il devrait le faire en partenariat avec des pays comme Taïwan, le Japon et la Corée du Sud. « Le principe de base est simple : le peuple américain ne devrait jamais être confronté à une pénurie des biens et services dont il dépend, qu'il s'agisse de sa voiture, de ses médicaments sur ordonnance ou de la nourriture qu'il trouve à l'épicerie du coin », a déclaré Biden. « Nous ne devrions pas avoir à compter sur un pays étranger, en particulier un pays qui ne partage pas nos intérêts ou nos valeurs, pour protéger et fournir à notre population une protection en cas d'urgence nationale », a-t-il ajouté.
Ainsi, Washington devrait poursuivre des partenariats avec Taïwan, le Japon et la Corée du Sud dans le domaine de la production de puces et avec les économies de la région Asie-Pacifique, dont l'Australie dans le domaine des terres rares. Sur le vieux continent, l'ambition est de devenir d'ici les 10 prochaines années le fournisseur d'au moins 20 % de la demande mondiale des semiconducteurs de pointe. Les plans de l'UE visent également à réduire les « dépendances à haut risque » vis-à-vis des entreprises technologiques aux États-Unis et en Asie. Cet effort n’est toutefois pas isolé.
En effet, en décembre dernier l'Allemagne, la France, l'Espagne et dix autres pays de l'Union européenne ont uni leurs forces pour investir dans les processeurs et les technologies des semiconducteurs, essentiels aux dispositifs connectés à Internet et au traitement des données. En janvier, 18 États membres de l’UE se sont engagés à travailler ensemble afin d’investir jusqu’à 145 milliards d'euros sur 2 à 3 ans dans les domaines de la conception et de la fabrication des processeurs de nouvelle génération et des technologies de semiconducteurs à faible consommation énergétique.
Cet effort prend en compte la fabrication des puces et les systèmes embarqués qui offrent les meilleures performances pour des applications spécifiques dans un large éventail de secteurs, ainsi que des technologies de pointe évoluant progressivement vers des processus de gravure en 2 nm pour les processeurs. L'objectif à long terme de ces initiatives est de rendre l’Europe de moins en moins dépendante des puces produites dans d’autres régions du monde, mais aussi de renforcer la position de l’Europe dans le domaine des processeurs et des semiconducteurs.
Et vous ?


Voir aussi




