Trois démissions annoncées au sein de la direction de la FSF
La contestation contre le retour de RMS fait rage depuis deux semaines et les premières réactions au sein de la FSF ont commencé à se faire sentir. L'organisation, qui était comme restée silencieuse depuis le début de la vague d'oppositions, a annoncé le 29 mars la démission de trois éminents membres de l'équipe dirigeante. « Certains de nos collègues de la FSF ont décidé de démissionner. Nous leur sommes reconnaissants pour le bon travail qu'ils ont accompli pendant si longtemps, et ils vont nous manquer. Nous regrettons de les perdre ; nous regrettons la situation qui les a poussés à partir », a-t-elle écrit.
« Nous apprécions leur fort engagement envers le logiciel libre et nous voulons trouver des remplaçants ayant une compétence et un engagement similaires. Nous sommes ouverts aux suggestions et aux candidatures pour ces postes. Enfin, nous tenons aussi à remercier les nombreux amis du mouvement du logiciel libre qui nous ont récemment rejoints, ainsi que ceux qui nous ont quittés et nous ont fait des suggestions pour nous aider à traverser cette période difficile », a-t-elle ajouté. Les trois concernés ont également écrit un message sur le site de la FSF le 30 mars pour confirmer leur départ à la communauté.
« En tant que membres de la direction de la FSF, nous avons décidé de démissionner, avec des dates de fin spécifiques à déterminer. Nous croyons en l'importance de la mission de la FSF et nous pensons qu'une nouvelle équipe sera mieux placée pour mettre en œuvre les récents changements de gouvernance. Le logiciel libre et le copyleft sont des questions cruciales de notre temps, et la FSF est, et devrait continuer à être, l'organisation à la tête de ce mouvement. Le personnel de la FSF a notre plus grand respect, notre soutien et notre reconnaissance, et ce fut un privilège de travailler avec vous tous », ont-ils écrit.
« L'objectif commun de notre équipe est d'assurer une transition en douceur tout en soutenant la rénovation nécessaire de la gouvernance de la fondation », ont-ils ajouté. Sullivan a dirigé de nombreux projets et a passé au total 18 ans à la tête de l'organisation. Après la réunion du conseil d'administration, il a annoncé dans un tweet qu'il attendra la fin de la période de transition avant de quitter l'organisation. « Après 18 ans passés au sein de la Free Software Foundation, j'ai décidé de démissionner de mon poste de directeur exécutif, à la fin d'une période de transition », a-t-il écrit.
« Nous partagerons plus de détails, y compris des informations sur cette transition, et quelques mots supplémentaires, dans les jours à venir. « Ce fut un honneur de servir cette institution et de travailler aux côtés du personnel, des membres et des bénévoles de la FSF au fil des années. Le personnel actuel mérite votre entière confiance et votre soutien, ils ont certainement la mienne », a-t-il continué. Ni la FSF ni Sullivan n'ont fait aucune mention de l'agitation actuelle au sein de l'organisation, mais il serait difficile de supposer qu'il n'y a aucun lien entre la situation existante et sa décision de démissionner.
La FSF perd lentement ses soutiens, mais maintient RMS
En 2019, Stallman, alors président et membre du conseil d'administration de la FSF, a été éjecté après avoir insensiblement minimisé le viol et le trafic présumés d'une jeune fille de 17 ans orchestrés par le délinquant sexuel et pédophile condamné Jeffrey Epstein. Ensuite, des années de commentaires controversés qu'il a faits sur le consentement, en particulier lorsqu'il s'agit de femmes jeunes et mineures, ont également été réexaminées et ont conduit à une pression sur son départ. Ainsi, lorsqu'il a annoncé qu'il a réintégré le conseil d'administration de la FSF, la nouvelle a été accueillie avec stupeur par l'industrie des logiciels libres.
Depuis lors, Red Hat, l'Open Source Initiative, la fondation X.org, l'organisme de stage de code Outreachy, la fondation Processing, la société de sécurité Bad Packets et de nombreux autres ont déclaré qu'ils retireraient leur financement de la FSF et couperaient les liens avec l'organisation tant que Stallman resterait au conseil. Toutefois, l'annonce du 29 mars semble indiquer que le conseil d'administration de la FSF est déterminé à rester avec RMS même après qu'un grand nombre d'organisations ont retiré leur financement en réponse à sa réinstallation, sans parler de ces trois premières démissions.
La seule initiative prise par l'organisation consiste en une série de changements qui devraient venir. En effet, lors de la première semaine de contestation, le conseil a publié une déclaration sur la gouvernance de la FSF. Celle-ci décrit une "série de changements", mais qui se résume à une promesse d'être plus ouvert quant à l'ajout de nouveaux membres au conseil à l'avenir. Cette déclaration visait à dissiper les inquiétudes concernant la réinstallation de Stallman, mais elle a semblé avoir l'effet inverse. Stallman a toutefois indiqué dès le départ qu'il ne démissionnera pas une seconde fois et a également certains soutiens.
À ce propos, Miguel de Icaza, cofondateur du projet de bureau GNOME et maintenant employé de Microsoft, a déclaré dans un tweet : « [La] liste de signataires "RMS devrait démissionner" contient de nombreux contributeurs importants au logiciel libre, des personnes qui ont dû interagir avec lui et ont fait avancer la cause. La liste de soutien de RMS semble être constituée principalement d'utilisateurs avec peu de références, probablement des fans qui n'ont jamais eu affaire à lui ». de Icaza a déclaré que Stallman ne s'est pas personnellement développé pendant toutes ces années et n'a fait que retarder les projets auxquels il était lié.
« RMS n'a pas réussi à se développer en même temps que le mouvement. Et a été une ancre traînant le projet depuis lors. Les idées ont survécu et se sont épanouies ailleurs. Il est toujours un frein pour tous les projets sous son influence directe », a ajouté de Icaza, une figure discordante dans les cercles du logiciel libre et open source lorsqu'il en faisait partie.
La crise de leadership de la FSF s'aggrave davantage
En marge de la démission de trois membres de l'équipe dirigeant de la FSF, RMS a été exclu du comité de pilotage du GCC (GNU Compiler Collection). GCC est une collection "précieuse" d'outils de langage de programmation. Plus précisément, GCC est un ensemble de compilateurs créés par le projet GNU. C'est un logiciel libre capable de compiler divers langages de programmation, dont C, C++, Objective-C, Java, Ada, Fortran et Go. Stallman était l'un des principaux créateurs du GCC original. Cela dit, la semaine dernière, il a été retiré de la liste par le directeur technique du projet.
Dans un message sur la liste de diffusion du projet GCC, David Edelsohn, directeur technique de la technologie GCC chez IBM et membre fondateur du comité de pilotage GCC, a annoncé : « En 2012, RMS a été ajouté à la page Web du comité de pilotage GCC, sur la base de son rôle dans le projet GNU ... Nous ne pensons plus que cette liste sert les meilleurs intérêts de la communauté des développeurs et des utilisateurs de GCC. Par conséquent, nous le retirons de la page ». Pourquoi ? Nathan Sidwell, contributeur et mainteneur de longue date de GCC, estime qu'il engendre une « véritable toxicité » à l'égard des femmes dans la technologie.
De plus, Sidwell souligne que RMS n'a pas réellement contribué au projet GCC depuis des années : « RMS n'est plus un développeur de GCC, le commit le plus récent que je peux trouver concerne SCO en 2003. Avant cela, il y a eu des commits en 1997, mais beaucoup moins qu'en 1994 et avant. Nous sommes accueillants, mais la toxicité de RMS est repoussante. Nous ne souhaitons peut-être pas que cette toxicité rejaillisse sur nous, mais c'est le cas. Notre intention peut être bonne, mais l'intention n'est pas importante, l'impact l'est, et le mal est fait. Corrigez cela », a-t-il déclaré.
Selon certaines sources, le retour de Stallman au conseil d'administration de la FSF n'a pas entrainé que trois démissions. Geoffrey Knauth, président depuis 2020, et Kat Walsh, membre du conseil d'administration de la FSF, auraient également annoncé qu'ils démissionnaient. Selon Paul Fisher, un ancien administrateur système senior de la FSF, estime que le problème est que : « La FSF n'a pas réussi à s'étendre au-delà du leadership d'un seul homme pendant plusieurs décennies. Ma conviction est que RMS considère la FSF comme sa propriété, elle n'était pas destinée à accueillir un groupe inclusif et diversifié d'individus unis pour faire avancer le mouvement ».
« Au lieu d'encadrer et d'encourager les nouveaux leaders de la FSF, on les pousse dehors. Des employés talentueux qui auraient passé toute leur carrière à la FSF sont partis à cause d'un manque de leadership. Avec le retour de RMS, la démission de tous les dirigeants de la FSF, le retrait des financements et le manque apparent de volonté de la majorité du conseil d'administration de prendre des mesures décisives, nous nous retrouvons avec la coquille d'une organisation qui ne semble pas avoir de stratégie viable à long terme. Il n'était pas nécessaire d'en arriver là », a-t-il écrit dans un tweet.
Source : FSF (1, 2, 3) note de retrait de RMS du projet GCC,
Et vous ?
Quel est votre avis sur le sujet ? Pensez-vous que RMS doit partir ou rester ? Pourquoi ?
Pensez-vous que la FSF prend la bonne décision en maintenant RMS au sein du conseil d'administration ?
La FSF ne risque-t-elle pas de se retrouver seule et sans financement ? Dans ce cas, comment peut-elle continuer à exister en tant qu'organisation à but non lucratif ?
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