Le Congrès veut plus de censure sur Internet et brandit des menaces
Lors de l'audition, les membres du Congrès ont accusé Twitter, Google et Facebook, respectivement dirigé par Jack Dorsey, Sundar Pichai et Mark Zuckerberg, d'avoir causé des dommages hors ligne aux enfants, à la santé publique et à la démocratie. Les représentants estiment que ces trois plateformes ont joué un rôle déterminant dans la prise d'assaut du Capitole le 6 janvier dernier, qui a conduit à une nouvelle mise en accusation de l'ex-président Donald Trump. Si Dorsey semble avoir reconnu que son site a joué un quelconque rôle dans ce malheureux évènement, Zuckerberg et Pichai ont rejeté l'accusation des élus.
L'audition, convoquée par le président de la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants, le démocrate Frank Pallone du New Jersey, et les deux présidents de ses sous-commissions, Mike Doyle (D-PA) et Jan Schakowsky (D-IL), a été l'une des manifestations de l'effort autoritaire croissant au Congrès pour réquisitionner le contrôle que ces entreprises exercent sur le discours politique pour leurs propres intérêts et objectifs politiques. En effet, c'est la troisième fois en moins de cinq mois que le Congrès américain convoque les PDG des entreprises de médias sociaux.
Le but est de faire pression sur eux et de les contraindre à censurer davantage de contenu sur leurs plateformes. Selon les représentants démocrates, Twitter, Google et Facebook ont manqué à leur devoir de censurer les voix politiques et les contenus idéologiques qu'ils considèrent comme contradictoires ou nuisibles. En demandant plus de censure, ils ont accompagné leur requête de menaces de sanctions législatives (y compris la révocation éventuelle de l'immunité au titre de l'article 230 de la Communisations Decency Act) imminentes afin de forcer le respect de la loi.
Les membres républicains ont largement limité leurs griefs à la préoccupation inverse. Selon eux, ces géants des médias sociaux réduisaient excessivement au silence les voix conservatrices afin de promouvoir un programme politique libéral. Plusieurs républicains ont insisté sur le fait que cette censure éditoriale rendait obsolète l'immunité dont bénéficient les entreprises technologiques en vertu de l'article 230. Ils estiment qu'en censurant davantage Internet, les plateformes de médias sociaux agissent désormais en tant qu'éditeurs et non plus en tant que simples transmetteurs neutres d'informations.
Certains républicains se sont joints aux démocrates pour demander une plus grande censure, mais plus précisément au nom de la protection des enfants contre les troubles mentaux et les prédateurs plutôt que de la conformité idéologique. Si Zuckerberg et Pichai n'ont montré aucun signe d'exaspération face aux représentants jeudi, Dorsey semblait au bout de sa patience et de sa tolérance à l'égard des demandes de censure. À un moment donné, il a déclaré sans ambages que ce n'est pas le rôle des gouvernements et des plateformes de médias sociaux d'être les arbitres de la vérité. « Je ne pense pas que nous devrions être les arbitres de la vérité et je ne pense pas que le gouvernement devrait l'être non plus », a-t-il déclaré.
Les auditions "procensure" organisées par le Congrès se multiplient
Selon certains analystes, il est essentiel de ne pas perdre de vue à quel point de telles audiences sont véritablement "despotiques". Selon eux, il est facile de l'ignorer parce que l'on s'est habitué à ce que les dirigeants politiques exigent avec succès que les entreprises de médias sociaux censurent Internet selon leurs caprices. Pour rappel, Parler, qui était à l'époque l'une des applications les plus téléchargées du pays, a été retirée en janvier des magasins Apple et Google Play, puis Amazon lui a refusé le service Internet, après que deux membres démocrates très en vue de la Chambre des représentants l'ont publiquement exigé.
Lors de la dernière audition "procensure" organisée par le Congrès, le sénateur Ed Markey (D-MA) a explicitement déclaré que le grief des démocrates n'est pas que ces entreprises censurent trop, mais plutôt pas assez. Lors de l'audition de jeudi, les démocrates ont décrit l'un après l'autre tous les contenus qu'ils veulent voir disparaître d'Internet, sinon. Beaucoup d'entre eux l'ont dit explicitement. Vers la fin de l'audition, la représentante Lizzie Fletcher (D-TX) a suggéré que le gouvernement crée une liste de groupes qu'il considère unilatéralement comme des "organisations terroristes nationales".
Il pourrait ensuite fournir cette liste à ces plateformes afin de les guider dans les discussions qu'elles doivent "suivre et supprimer". Des critiques estiment que les mots ne suffisent pas à exprimer à quel point tout cela est effrayant et autoritaire : « voir des représentants du gouvernement, heure après heure, exiger la censure du discours politique et menacer de sanctions ceux qui n'obéissent pas ». Notons que la Cour suprême des États-Unis a statué à plusieurs reprises que l'État viole la garantie de liberté d'expression du premier amendement lorsqu'il contraint des acteurs privés à censurer pour lui.
Par ailleurs, certains estiment que donner la possibilité à ces plateformes de censurer autant Internet ne ferait que renforcer leur monopole et donner plus de pouvoir aux démocrates. « Ils veulent maintenir le pouvoir monopolistique de la Silicon Valley, mais transférer l'immense et menaçant pouvoir de contrôler notre discours de ces entreprises aux mains du Congrès et de l'exécutif contrôlés par les démocrates », ont-ils déclaré. Toutefois, ils ont ajouté que ce ne sont pas seulement les politiciens démocrates qui militent pour une plus grande censure politique. D'après eux, il y a aussi des journalistes libéraux « qui ne peuvent tolérer qu'il y ait des endroits sur Internet qu'ils ne puissent pas contrôler ».
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