Presque deux ans après son départ, en raison de sa position controversée dans l'affaire Jeffrey Epstein qui a éclaboussé le MIT courant septembre 2019, l'homme qui a donné naissance au mouvement du logiciel libre et au projet GNU revient en force et prévient tout de suite qu'il n'a pas l'intention de démission une nouvelle fois. Au regard des premières réactions observées dans la communauté, ce retour "en maître" risque de nuire aux relations entre les différentes organisations qui conduisent le mouvement de l'open source et du logiciel libre. Cela n'est sans doute pas avantageux pour une communauté déjà hautement fragmentée.
Mardi, l'OSI n'a pas hésité à exprimer publiquement son "indignation" face à cette nouvelle. Sa position est claire : l'organisation refuse que Stallman occupe une quelconque position de leader dans tout ce qui a trait à l'open source et au logiciel libre, et ne collaborera plus avec la FSF si ces deux exigences ne sont pas satisfaites. « Pour réaliser pleinement la promesse de l'open source, l'OSI s'engage à construire un environnement inclusif où une communauté diverse de contributeurs se sent bien accueillie. Ceci n'est clairement pas possible si nous incluons ceux qui ont démontré un modèle de comportement incompatible avec ces objectifs », a-t-elle déclaré.
« Richard Stallman a récemment annoncé qu'il allait revenir au conseil d'administration de la FSF, une déclaration que la FSF n'a pas démentie. Nous pensons qu'il est inapproprié que Stallman occupe une quelconque position de leader dans la communauté du logiciel libre et open source. Si nous ne nous élevons pas contre cela, notre silence pourrait être interprété à tort comme un soutien. L'Open Source Initiative demande à la Free Software Foundation de tenir Stallman pour responsable de son comportement passé, de le retirer de la direction de l'organisation et de s'efforcer de réparer le tort qu'il a causé à tous ceux qu'il a exclus », exige l'OSI.
Selon l'OSI, cela inclut « ceux qu'il [Stallman] considère comme moins dignes, et ceux qu'il a blessés par ses paroles et ses actions ». « Nous ne participerons à aucun événement auquel participe Richard Stallman et nous ne pourrons collaborer avec la FSF tant que Stallman ne sera pas retiré de la direction de l'organisation. Les logiciels libres et open source ne seront pas accessibles à tous tant qu'il ne sera pas possible à chacun de participer en toute sécurité, et nous appelons donc nos pairs de la communauté du logiciel au sens large à se joindre à nous pour prendre ces engagements », a écrit l'OSI dans un article sur son site Web.
Rappel sur ce qui a causé le départ de Stallman
En 2019, l'affaire Epstein éclatait et à l'été, il y a eu des révélations selon lesquelles le MIT aurait reçu des dons anonymisés de la part d'Epstein, incarcéré à l'époque pour trafic de mineurs (il aurait construit un réseau international de prostitution). Ami avec Marvin Minsky, accusé d’avoir agressé sexuellement une des victimes de Jeffrey Epstein, Stallman a tout de suite pris position pour ce dernier. Il s’est prononcé en disant que la victime d'Epstein « s'est présentée à [Marvin Minsky] comme tout à fait consentante ». Stallman s'est également interrogé sur la définition du mot « viol » et sur la question de savoir si ce terme s'applique aux victimes.
Mais sa position lui coûtera son poste au sein de plusieurs organisations. Le lundi 16 septembre 2019, Stallman a été contraint de démissionner de son poste au sein du CSAIL, le laboratoire d’informatique et d’intelligence artificielle du MIT. Plus tard dans la même journée, il a aussi démissionné de son poste de président de la FFSF et de son conseil d’administration. « Le 16 septembre 2019, Richard Stallman, fondateur et président de la FSF, a démissionné de son poste de président et de son conseil d'administration. Le conseil d'administration recherchera un nouveau président, dès maintenant », a annoncé la FSF sur son site.
La FSF, rappelons-le, est une organisation fondée en 1985 par Stallman pour soutenir le mouvement du logiciel libre. Dans un autre communiqué, pour tenter de clarifier sa position vis-à-vis de Richard Stallman, la FSF a déclaré : « La Free Software Foundation (FSF) et le projet GNU ont tous deux été lancés par Richard M. Stallman (RMS), et il a été à la tête des deux jusqu’à récemment. Pour cette raison, la relation entre la FSF et GNU a été harmonieuse ». Cela signifie-t-il que depuis tout ce temps, la FSF peine à trouver ou n'a pas trouvé un autre président de la trempe de Stallman ?
À l'époque, la FSF avait également déclaré que : « La prise de décision de GNU a été en grande partie entre les mains de la direction de GNU. Depuis que Stallman a démissionné de son poste de président de la FSF, mais pas de celui de chef de GNU (“Chief GNUisance”), la FSF travaille maintenant avec la direction de GNU à une compréhension commune de la relation pour l’avenir. Dans ce cadre, nous invitons les membres de la communauté du logiciel libre à nous faire part de leurs commentaires ». Alors, Stallman aurait-il continué à diriger la FSF en coulisse pendant tout ce temps ?
Peu importe la réponse, son retour souligne d'autres interrogations et risque de nuire à la relation entre les différentes organisations de la communauté de l'open source et du logiciel libre. De retour au conseil d'administration de la FSF, Stallman adopte désormais une position ferme : il ne démissionnera pas à nouveau. Alors, comment les choses se passeront-elles à l'avenir entre l'OSI et la FSF ?
Source : Réponse de l'OSI au retour de Richard Stallman
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