L'administration Biden pourrait écarter la Chine de ses plans futurs
Mercredi, Joe Biden a signé un nouveau décret ordonnant un examen de 100 jours des chaînes d'approvisionnement en produits critiques aux États-Unis. L'examen est axé sur les chaînes d'approvisionnement des puces d'ordinateur, des batteries pour les véhicules électriques, des produits pharmaceutiques actifs et des matériaux stratégiques essentiels, y compris les minéraux de terres rares. Ce décret s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par l’administration américaine pour sécuriser les chaînes d'approvisionnement nationales à la suite de la pandémie du Covid-19 qui a mis en évidence les vulnérabilités qui existent actuellement.
« Le principe de base est simple : le peuple américain ne devrait jamais être confronté à une pénurie des biens et services dont il dépend, qu'il s'agisse de sa voiture, de ses médicaments sur ordonnance ou de la nourriture qu'il trouve à l'épicerie du coin », a déclaré Biden. Outre l'examen des quatre chaînes d'approvisionnement, le décret de Biden prévoit également six examens sectoriels de la chaîne d'approvisionnement, notamment dans les domaines de la défense, de la santé publique et de la prévention biologique (biological preparedness), de l'énergie et de la production alimentaire. Biden prévoit de travailler avec des alliés, ce qui pourrait exclure la Chine.
« Il s'agit de faire en sorte que les États-Unis puissent relever tous les défis auxquels nous sommes confrontés dans cette nouvelle ère. Les pandémies, la défense, la cybersécurité, le changement climatique et bien d'autres choses encore. Et la meilleure façon d'y parvenir est de protéger et d'accroître l'avantage concurrentiel des États-Unis en investissant ici, chez nous », a-t-il déclaré avant la signature du décret. Biden a ensuite ajouté que travailler avec des alliés peut cependant conduire à des chaînes d'approvisionnement solides et résistantes, ce qui laisse entendre que les relations internationales seront au cœur de ce plan.
Toutefois, entre les accusations de piratages fomentés par des groupes supposément alliés à Pékin, les décrets pris par l'ex-président américain Donal Trump pour forcer la vente des opérations américaines de TikTok et la mise sur liste noire de Huawei par les États-Unis, ces derniers et la Chine entretiennent des relations tendues en ce moment. Par ailleurs, Washington et Pékin ont souvent semblé avoir des points de vue divergents sur des questions fondamentales, comme celle de la cybersécurité et de la sécurité nationale. D'ailleurs, mercredi, Biden a fait une déclaration qui semblait indexer indirectement Pékin.
« Nous ne devrions pas avoir à compter sur un pays étranger, en particulier un pays qui ne partage pas nos intérêts ou nos valeurs, pour protéger et fournir à notre population une protection en cas d'urgence nationale », a-t-il déclaré. Ainsi, Washington devrait poursuivre des partenariats avec Taïwan, le Japon et la Corée du Sud dans le domaine de la production de puces et avec les économies de la région Asie-Pacifique, dont l'Australie dans le domaine des terres rares. Selon le décret, Biden prévoit également de partager des informations avec les alliés sur les réseaux d'approvisionnement en produits importants.
Le pays envisage aussi un cadre pour un partage rapide en cas d'urgence des produits issus des nouvelles chaînes d'approvisionnement. Il cherche en outre des moyens pour sécuriser les stocks. « On pourrait demander aux partenaires de faire moins d'affaires avec la Chine », propose un document consulté par Nikkei Asia concernant ce dernier point.
Réduire la dépendance vis-à-vis de la Chine grâce aux alliés
En effet, développer de nouvelles chaînes d'approvisionnement est devenu encore plus important avec l'impact de la pénurie de puces sur les constructeurs automobiles. Selon un rapport du Boston Consulting Group, un cabinet de conseil en stratégie, les États-Unis ont vu leur part de la capacité mondiale de fabrication de semiconducteurs s'effondrer au cours des dernières décennies. Ce qui était de 37 % en 1990 est maintenant tombé à 12 %. Bien que Taïwan (22 %) ait augmenté sa production, ses usines fonctionnent déjà à plein régime et il y a peu d'options pour stimuler l'offre à court terme.
En attendant, Boston Consulting prévoit que la Chine, aidée par des subventions gouvernementales estimées à 100 milliards de dollars, sera en tête avec une part de 24 % en 2030. Ainsi pour certains pays, en particulier les États-Unis, le fait de dépendre trop fortement de la Chine pour des produits importants pose des risques en matière de sécurité. Les États-Unis importeraient environ 80 % de minéraux de terres rares de Chine, et dépendraient de ce pays pour 90 % de certains produits médicaux. La restructuration des chaînes d'approvisionnement devrait prendre un certain temps, en particulier dans le domaine des semiconducteurs.
Comme le nombre de fabricants de puces de premier plan dans le monde est limité, ces entreprises ont le pouvoir de décider si elles veulent suivre l'exemple américain. Pour ce faire, il faudra que les autres gouvernements fassent preuve de compréhension et de coopération, et Washington aurait déjà commencé à poser les bases. La Maison Blanche aurait appelé depuis l'automne dernier les économies riches en technologies ou ressources précieuses, notamment la Taïwan, le Japon et l'Australie, à se joindre à elle pour démêler les chaînes d'approvisionnement de la Chine. Taipei aurait été particulièrement rapide à réagir.
De hauts fonctionnaires américains et taïwanais auraient signé un protocole d'accord en novembre pour promouvoir la coopération technologique dans sept domaines, dont les semiconducteurs et les communications sans fil de cinquième génération, ainsi que des "chaînes d'approvisionnement sûres, sécurisées et fiables". Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), la plus grande fonderie de puces au monde, aurait accepté au printemps dernier de construire une usine de fabrication en Arizona qui devrait devenir un symbole de cette relation bilatérale.
Le fabricant de puces devrait investir 12 milliards de dollars dans l'usine, qui devrait être mise en service en 2024 et produire des semiconducteurs pour l'armée. Le gouvernement américain devrait aussi accorder des subventions pour le projet. Par ailleurs, le Japon aurait aussi mené l'année dernière des actions visant à attirer TSMC dans le pays. Il voudrait non seulement établir un réseau d'approvisionnement triangulaire plus solide, mais TSMC devrait lui fournir une future source sûre de puces de pointe.
Le gouvernement aurait prévu un budget de 1,9 milliard de dollars pour permettre à la fonderie de s'installer, en vue d'une éventuelle coopération avec des entreprises japonaises. Cela semble avoir porté ses fruits, car, selon une rumeur qui circule depuis le début de ce mois, TSMC prévoirait de construire un centre de recherche et développement de 20 milliards de yens au Japon. L'Australie est le partenaire visé par les États-Unis pour contourner la domination de la Chine en ce qui concerne les minéraux des terres rares.
Le mineur australien de terres rares Lynas construirait actuellement une usine de traitement au Texas avec le soutien financier du ministère américain de la Défense. De même, les batteries pour véhicules électriques sont un autre domaine où il faut agir, car Panasonic et la société sud-coréenne LG Chem perdraient des parts de marché au profit de leurs rivaux chinois.
Enfin, dans d'autres domaines, comme la 5G, les nouvelles chaînes d'approvisionnement peuvent s'avérer coûteuses pour les entreprises américaines et japonaises qui perdent l'accès à des fournisseurs chinois compétitifs comme Huawei. L'administration Biden a déclaré que les examens annoncés plus haut seront terminés d'ici un an, mais n'a pas fixé un calendrier pour la mise en œuvre des changements résultant de ces examens.
Source : Communiqués de la Maison Blanche (1, 2)
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