Fin juillet, le gouvernement australien, à travers la Commission australienne de la concurrence et des consommateurs (abrégée ACCC en anglais), a annoncé qu’il allait contraindre Facebook et Google à payer une rémunération aux groupes de presse du pays pour les contenus qui sont relayés sur leurs plateformes.
Pour ce faire, la Commission australienne de la concurrence a publié un projet de code obligatoire qui va définir un cadre qui permettra « aux entreprises de médias d’information de négocier individuellement ou collectivement avec Google et Facebook sur le paiement de l’inclusion de contenus » sur leur plateforme respective. Dans ce projet de loi, il est stipulé que « si les entreprises de presse et les plateformes numériques ne peuvent pas conclure un accord dans le cadre d’un processus formel de négociation et de médiation de trois mois, un arbitre indépendant choisirait alors l’offre finale des deux parties la plus raisonnable dans un délai de 45 jours ouvrables ». « Des accords de paiement pourraient être conclus dans les six mois suivant l’entrée en vigueur du code si un arbitrage est nécessaire », souligne la Commission australienne de la concurrence australienne.
Les élus planchent pour une application cette année, l’Australie deviendrait ainsi le premier pays à obliger Google et Facebook à payer les éditeurs pour les contenus dès qu'ils sont affichés sur leurs vitrines en ligne. En outre, si le projet de code ne s’applique qu’à Google et Facebook pour l’instant, d’autres plateformes numériques pourraient être ajoutées si elles atteignent à l’avenir un déséquilibre du pouvoir de négociation avec les entreprises de médias d’information australiennes.
Pour mieux comprendre les motivations du gouvernement australien, il faut savoir que depuis 2018, l’ACCC a publié un rapport sur la santé du marché de la presse et la puissance des plateformes numériques américaines. Dans son rapport, ACCC déclare avoir identifié un déséquilibre fondamental du pouvoir de négociation entre les entreprises de médias d’information australiennes et Google et Facebook. Comme recommandations, le régulateur australien a préconisé l’introduction de codes de conduite pour réguler les rapports de force inégale entre les deux partis. Le 12 décembre 2019, le gouvernement australien a demandé à l’ACCC de travailler avec Google et Facebook et les entreprises des médias d’information pour mettre en œuvre des codes de conduite volontaires. Les discussions n’ayant pas abouti, le gouvernement australien a demandé le 20 avril dernier à l’ACCC d’élaborer un code de conduite obligatoire, avec un projet de code pour consultation publique avant la fin de juillet 2020, ainsi qu’un code final à définir peu après. C’est ce projet de code qui a été mis à la disposition du public.
Le 22 janvier 2021, Google a déclaré qu'il bloquerait son moteur de recherche en Australie si le gouvernement venait à valider son projet de loi qui l'obligerait, ainsi que Facebook, à payer les entreprises de médias pour le droit de relayer leurs articles. Y faisant suite, Microsoft a manifesté son intérêt pour l'opportunité de marché qu'offrirait la sortie de Google. Le PDG de Microsoft a pris contact avec le Premier ministre australien pour des échanges y relatifs. L’entreprise se positionne même en soutien de la loi australienne en cours de gestation. « Bien que Microsoft ne soit pas soumis à la législation en cours de gestation, nous serions prêts à respecter ces règles si le gouvernement nous désignait », indique le géant technologique.
Google News Showcase revient à l'ordre du jour
En octobre 2020, Google a annoncé qu'il prévoyait de payer 1 milliard de dollars aux éditeurs du monde entier pour leurs actualités au cours des trois prochaines années. Par le biais de son PDG Sundar Pichai, l'entreprise a expliqué que :
« News Showcase est composé de panneaux d'histoire qui apparaîtront initialement dans Google Actualités sur Android. Le produit sera bientôt lancé sur Google Actualités sur iOS, et viendra à l'avenir sur Google Discover and Search. Ces panneaux permettent aux éditeurs participants de regrouper les articles qui apparaissent dans les produits d’actualité de Google, en fournissant une narration plus approfondie et plus de contexte grâce à des fonctionnalités telles que des chronologies, des puces et des articles connexes. D'autres éléments comme la vidéo, l'audio et les briefings quotidiens viendront ensuite.
« Cette approche est distincte de nos autres produits d'information, car elle s'appuie sur les choix éditoriaux que font les éditeurs individuels concernant les articles à montrer aux lecteurs et la manière de les présenter. Elle commencera à être déployée aujourd'hui auprès des lecteurs au Brésil et en Allemagne, et s'étendra à d'autres pays dans les mois à venir où des cadres locaux soutiennent ces partenariats ».
En clair, dans le cadre de ce partenariat, les médias vont disposer d’un outil pour personnaliser les articles qu’ils envoient à Google News Showcase. Dans un premier temps, il s’agira d’une ligne temporelle du déroulé des événements, des listes à puce récapitulatives et des articles de contexte liés à l’article en cours de lecture. Par la suite, Google envisage d’incorporer du contenu vidéo, audio ainsi que du direct.
Plusieurs accords avec des éditeurs ont été signés à cet effet, y compris avec des éditeurs australiens (accords qui ont été ratifiés en juin). Mais l'entreprise envisage de geler ce programme en Australie, au motif que le projet de code de négociation des médias d'information était « irréalisable » :
« Les accords que nous avons signés en Australie et dans le monde montrent que non seulement nous sommes prêts à payer pour obtenir une licence de contenu d'actualité pour un nouveau produit, mais que nous sommes en mesure de conclure des accords avec des éditeurs sans le cadre de négociation onéreux et normatif du projet de code et un modèle d'arbitrage latéral.
« Nous ne nous opposons pas à un code et à un système de résolution des litiges entre les parties. Mais le système d'arbitrage décrit dans le projet est irréalisable. Outre les problèmes que nous avons soulevés le 27 septembre, nous sommes préoccupés par ses conditions de paiement injustes et ses définitions et obligations peu claires.
« Nous pensons que ces conditions pourraient être modifiées pour en faire un code juste et réalisable : un code qui peut fonctionner avec des accords commerciaux et des programmes comme News Showcase ».
Néanmoins, vendredi 5 février 2021, Google a choisi une autre approche : l'entreprise a lancé sa plateforme en Australie offrant des informations pour lesquelles elle a payé, concluant ses propres accords de contenu avec des éditeurs dans le but de montrer que la législation proposée par Canberra pour appliquer les paiements, une première mondiale, est inutile.
Uniquement déployée auparavant au Brésil et en Allemagne, la plateforme News Showcase devait initialement être lancée en juin dernier. Mais Google, propriété d'Alphabet Inc, a retardé ses projets lorsque Canberra a décidé d'en faire une obligation légale pour Google et Facebook de payer les entreprises de médias australiennes pour le contenu, sans précédent ailleurs dans le monde.
La société de technologie, qui continue de faire pression sur le gouvernement australien lors de réunions privées, a précédemment déclaré que le projet de loi la forcerait à se retirer complètement du pays si elle était mise en œuvre. Le projet de loi étant maintenant devant le Parlement, le lancement vendredi de News Showcase en Australie lui permettra de payer sept médias nationaux, dont le Canberra Times, pour utiliser leur contenu.
Les détails financiers des accords de contenu n'ont pas été divulgués et l'éditeur de Canberra Times, Australian Community Media, n'a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire. Google a déclaré vendredi dans un communiqué qu'il attendait avec impatience la conclusion d'accords avec davantage d'éditeurs australiens, dont la position a été renforcée par la riposte agressive de Canberra contre Facebook et Google.
« Cela constitue une alternative au modèle proposé par le gouvernement australien », a déclaré Derek Wilding, professeur au Centre for Media Transition de l’université de technologie de Sydney. « Ce qui reste à voir, c'est si les grands éditeurs signent le produit », a déclaré Wilding.
Le 21 janvier 2021, l’Alliance de la Presse d’Information Générale et Google ont annoncé un accord portant sur la rémunération des droits voisins au titre de la loi française, une première pour l'Europe. Cet accord fixe les principes selon lesquels Google négociera des accords individuels de licence avec les membres de l’Alliance dont les publications sont reconnues ‘d'Information Politique et Générale’, tout en reflétant les principes fixés par la loi. La rémunération prévue dans les accords de licence entre chaque éditeur de presse et Google est basée sur des critères tels que, par exemple, la contribution à l'information politique et générale, le volume quotidien de publications ou encore l’audience Internet mensuelle.
En vertu de la législation proposée par Canberra, Google et Facebook devraient également payer les éditeurs et les diffuseurs australiens pour le contenu inclus dans les résultats de recherche ou les fils d’actualité. S'ils ne parviennent pas à conclure un accord avec les éditeurs, un arbitre nommé par le gouvernement décidera du prix.
Alors que la position publique de Google sur la possibilité de quitter le pays reste ferme, le trésorier australien Josh Frydenberg a déclaré que l'approche de Google avait été « constructive » ces derniers jours lors de réunions privées.
Source : communiqué de Google
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Google lance News Showcase en Australie dans lequel il affiche des actualités pour lesquelles il a payé
Dans le but de montrer que la législation proposée par le pays est inutile
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Le , par Stéphane le calme
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