La FCA a déclaré que certaines sociétés d'investissement dans la cryptomonnaie pourraient surestimer les paiements potentiels ou sous-estimer les risques.
« La FCA est consciente que certaines entreprises proposent des investissements dans des cryptoactifs, ou des prêts ou des investissements liés à des cryptoactifs, qui promettent des rendements élevés », a déclaré lundi le régulateur. « Investir dans des cryptoactifs, ou des investissements et des prêts qui y sont liés, implique généralement de prendre des risques très élevés avec l'argent des investisseurs. Si les consommateurs investissent dans ces types de produits, ils doivent être prêts à perdre tout leur argent. »
Les investisseurs qui se retrouvent sans le sou ne pourraient pas compter sur le Financial Ombudsman Service pour régler les plaintes ou ordonner une indemnisation des entreprises fautives. Il est également peu probable que les consommateurs soient couverts par le régime d'indemnisation des services financiers, qui couvre les pertes jusqu'à 85 000 livres sterling sur les comptes entièrement réglementés et les produits d'investissement, y compris les pensions.
La FCA a déclaré que la complexité de certains services et produits liés aux cryptoactifs rendait difficile pour les consommateurs de comprendre tous les risques. Il n'y avait aucune garantie que les cryptoactifs pourraient être reconvertis en espèces, mettant les consommateurs à la merci de l'offre et de la demande sur le marché.
Ils doivent également être conscients que certaines entreprises qui promettent des rendements élevés peuvent ne pas être soumises à une réglementation au-delà des exigences de base en matière de blanchiment d'argent.
La FCA a ajouté que « l'importante volatilité des prix des cryptoactifs, combinée aux difficultés inhérentes à l'évaluation fiable des cryptoactifs », exposait les consommateurs à un risque élevé de pertes.
Laith Khalaf, analyste financier chez le courtier AJ Bell, a déclaré : « le régulateur est clairement préoccupé par le fait que les risques élevés déjà inhérents aux cryptoactifs sont aggravés par des activités d'escroquerie, ainsi que par des entreprises non réglementées ciblant les consommateurs avec du matériel marketing mettant en évidence les avantages, mais pas l’inconvénient potentiel d’investir dans les cryptoactifs. »
Le Bitcoin est devenu de plus en plus populaire auprès des investisseurs institutionnels traditionnels, y compris ceux qui le considèrent comme un moyen de se protéger contre l'inflation. Certains analystes ont déclaré que la couverture médiatique de la cryptomonnaie avait également attiré des acheteurs spéculatifs.
Cependant, certains sceptiques ont averti que le cryptoboom pourrait causer des problèmes et que les devises elles-mêmes n'ont aucune valeur intrinsèque.
Myron Jobson, de la plateforme d'investissement en ligne Interactive Investor, a déclaré que la flambée des prix du bitcoin avait fait d'Argo Blockchain, une société de technologie blockchain cotée en bourse axée sur le minage de cryptomonnaie à grande échelle, les investissements les plus achetés sur son site depuis la nouvelle année.
« L'inquiétude est que les investisseurs FOMO (fear of missing out, qui ont peur de rater le coche) ne prennent pas le temps de bien analyser avant de se lancer et, encouragés par un marketing brillant accroché à la montée fulgurante du bitcoin, vont investir dans les cryptoactifs qui sont un domaine d'investissements très complexe, à haut risque et relativement nouveau », a expliqué Jobson.
« Les performances du bitcoin sont difficiles à ignorer, mais nous avons déjà vu tout cela auparavant en 2017, et sa valeur s'est effondrée. S'il est toujours tentant de joindre cette aventure en se disant "cette fois, ce sera différent", il n'en reste pas moins que l'actif est notoirement volatil », a-t-il ajouté.
Indépendamment de l'appétit pour le risque des investisseurs, Jobson a déclaré que les cryptoactifs ne devraient être qu'une « infime proportion d'un portefeuille ».
Comme pour tous les investissements spéculatifs à haut risque, les épargnants doivent s'assurer qu'ils comprennent dans quoi ils investissent, les risques associés et les protections réglementaires applicables. En l'occurrence, il est peu probable que d'éventuels investissements malheureux sur des cryptoactifs permettent de faire jouer le mécanisme d'indemnisation réservé aux clients de sociétés de gestion et de services financiers agréés ou de faire appel au médiateur de la FCA.
Toute entreprise offrant ce type de produits doit répondre à tous les critères de solidité et de transparence exigés de la FCA et, depuis le 10 janvier, seules les entreprises dûment enregistrées auprès de la Financial Conduct Authority sont autorisées à proposer des investissements liés aux cryptodevises. Opérer sans cet agrément constitue une infraction pénale. Aussi, la FCA a déclaré que les investisseurs devraient prendre des précautions en vérifiant si les entreprises étaient inscrites au registre des services financiers. Si les entreprises n'étaient pas répertoriées, les consommateurs devraient se demander si les entreprises étaient autorisées à servir les clients sans obtenir l'autorisation de la FCA et envisager de retirer leur argent.
En France, l'Autorité des marchés financiers vient de se doter d'un dispositif équivalent. Depuis le 19 décembre 2020, les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) doivent obligatoirement être enregistrés auprès de l'AMF pour l'achat/vente (contre des monnaies ayant un cours légal) ou la conservation de cryptoactifs. Le gendarme français des marchés financiers tient ainsi à disposition sur son site internet une liste blanche des prestataires autorisés à proposer ces services.
D'ailleurs, pour Jean-Claude Trichet, l'ancien président de la BCE qui est désormais président de la Commission Trilatérale (branche Europe), le bitcoin « est un peu une illustration emblématique d’une certaine folie contemporaine. Le bitcoin ne représente rien du tout si ce n’est sa rareté. Il arrive à être un instrument spéculatif comme l’or […]. Il a l’ambition, semble-t-il, d’arriver à la capitalisation de l’or. Tout ça pour un instrument qui n’est pas une monnaie. Vous n’avez pas de monnaie quand la conservation de la valeur est complètement oubliée. Pour Aristote, une bonne monnaie est un bon instrument de compte, un bon instrument d’échange et un bon instrument de conservation de la valeur. »
Et plus loin d'estimer que « Pour moi c’est gravissime, c’est un instrument qui est utilisé pour le financement du terrorisme, pour le crime organisé. Je trouve incroyable que l’on ait laissé prospérer et croître des instruments de cette nature. Invraisemblable. L’ensemble des régulateurs doivent se pencher très sérieusement sur le bitcoin. »
Des avis qui ne sont pas forcément partagés
En plus des marchés classiques des actions et des obligations d’État, le cabinet d’analyse financière Miller Value Partners de Bill Miller s’est également spécialisé dans Bitcoin (BTC) et le marché des cryptomonnaies. Dans une lettre aux investisseurs, Bill Miller résume les fluctuations financières du dernier trimestre à l’année 2020 haute en couleur. L’analyste considère ainsi que les marchés « sous-estiment probablement les risques d’inflation ».
Selon Bill Miller, Bitcoin et les cryptomonnaies sont de loin « la catégorie d’actifs la plus performante en 2020 ». Bien que cette nouvelle classe d’actifs soit encore « très précoce dans son cycle d’adoption », l’analyste rappelle que la capitalisation totale de Bitcoin est désormais supérieure à celle de la mégabanque JP Morgan, ou encore à celle de Berkshire Hathaway, le fonds d’investissement de Warren Buffett.
Ainsi, face aux forts risques de dévaluation des devises étatiques, le bitcoin est perçu comme de l’or numérique : une valeur refuge plébiscitée par les grosses sociétés, comme MicroStrategy ou Square, pour remplacer leurs dollars.
Rappelons que :
- MicroStrategy a investi 425 millions de dollars : Michael Saylor, le fondateur de MicroStrategy, a déclaré que son entreprise avait acquis 175 millions de dollars supplémentaires en bitcoins (BTC) en un seul achat : « le 14 septembre 2020, MicroStrategy a finalisé son acquisition de 16 796 bitcoins supplémentaires pour un prix d'achat total de 175 millions de dollars. À ce jour, nous avons acheté un total de 38 250 bitcoins pour un prix total de 425 millions de dollars qui incluent les frais et dépenses ».
- Square a annoncé un investissement de 50 millions de dollars en bitcoins : le 8 octobre 2020, Square a annoncé avoir acheté environ 4709 bitcoins à un prix d'achat global de 50 millions de dollars. Square estime que la cryptomonnaie est un instrument d'autonomisation économique et offre un moyen pour le monde de participer à un système monétaire mondial, qui s'aligne avec l'objectif de l'entreprise. L’investissement représente environ 1 % de l’actif total de Square à la fin du deuxième trimestre de 2020. « Nous pensons que le bitcoin a le potentiel pour devenir une monnaie plus omniprésente à l'avenir », a déclaré Amrita Ahuja, directeur financier de Square. « Au fur et à mesure de l'adoption, nous avons l'intention d'apprendre et de participer de manière disciplinée. Pour une entreprise qui construit des produits basés sur un avenir plus inclusif, cet investissement est une étape dans ce voyage. »
- Paypal est entré sur le marché de la cryptomonnaie : en octobre, PayPal Holdings a annoncé son entrée sur le marché de la cryptomonnaie, selon plusieurs rapports. Les clients PayPal pourront utiliser des cryptomonnaies pour faire leurs achats chez les 26 millions de marchands de son réseau à partir de début 2021, a déclaré la société. Le nouveau service fait de PayPal l'une des plus grandes entreprises américaines à fournir aux consommateurs un accès aux cryptomonnaies, ce qui pourrait aider le bitcoin et les cryptomonnaies concurrentes à être plus largement adoptées en tant que méthodes de paiement viables.
Les token initialement pris en charge comprendront Bitcoin (BTC), Ethereum (ETH), Bitcoin Cash (BCH) et Litecoin (LTC), a déclaré la société. La grande enseigne des paiements s'est associée à Paxos pour fournir le service et a obtenu une licence de cryptomonnaie conditionnelle du Département des services financiers de l'État de New York, communément appelé BitLicense. En plus des paiements en cryptomonnaies, les utilisateurs de PayPal pourront également acheter de la crypto directement via l'application. PayPal proposera ainsi un portefeuille de cryptomonnaies, permettant aux utilisateurs d'acheter, de vendre et de conserver des cryptomonnaies via les applications PayPal.
Bill Miller estime que « si l’inflation reprend (…) et que davantage d’entreprises décident de diversifier, ne serait-ce qu’une petite partie de leur trésorerie en bitcoins plutôt qu’en fiats, alors le petit ruisseau actuel arrivant dans Bitcoin deviendrait un véritable torrent. (…) Le bitcoin pourrait être de la mort aux rats, si les rats sont les fiats. » Pour mémoire, le passage évoquant la mort aux rats fait référence aux propos tenus par le milliardaire Warren Buffett qui a comparé le Bitcoin à de la mort aux rats. Le milliardaire a été très clair : pour lui Bitcoin n'a pas d'avenir.
Le prix du bitcoin a battu record sur record fin 2020, et n'avait atteint la barre des 30 000 dollars que samedi 2 janvier, et 35 000 mercredi, poussant de nombreux observateurs à conseiller la prudence aux investisseurs individuels face à une envolée qui pourrait faire craindre une bulle avec une correction à la clé. Ces jours-ci, le bitcoin a oscillé entre 34 000 et 40 000 dollars.
« Les investisseurs continuent à monter dans le train des cryptomonnaies qui semble gagner de plus en plus d'intérêt maintenant que l'économie américaine est bien partie pour bénéficier d'un plan de relance budgétaire de l'administration Biden lors de ses 100 premiers jours », remarque Edward Moya, analyste d'Oanda.
Certains investisseurs considéraient le bitcoin comme une couverture contre l'inflation au milieu d'énormes stimulants monétaires visant à lutter contre la dévastation économique causée par COVID-19. Les participants au marché ont cependant averti qu'une correction pourrait être inéluctable après une telle croissance.
« Quand ça va retomber, ça va faire mal, mais on va peut-être devoir attendre encore un peu », remarque Craig Erlam, autre analyste d'Oanda. « Ça commence à être inquiétant, ce n’est plus du tout le marché d'il y a quelques semaines, la correction est inéluctable », renchérit un analyste européen interrogé par l'AFP qui souhaite garder l'anonymat.
« Bien qu'une nouvelle croissance soit inévitable, les investisseurs ne devraient pas s'attendre à ce que cela évolue en ligne droite », a déclaré Gavin Smith, directeur général du consortium de cryptomonnaie Panxora Group.
« La réalité est que le bitcoin est loin d'être un arbre d'argent magique, ni exempt de fluctuations de prix à la baisse. En fait, nous pouvons nous attendre à des baisses aussi brusques que 25 % à des moments où les investisseurs retirent périodiquement leurs bénéfices », a-t-il ajouté.
La montée en flèche des bitcoins s'est produite alors que la capitalisation boursière de l'ensemble du secteur de la cryptomonnaie a dépassé les 1000 milliards de dollars jeudi, selon les traqueurs de données CoinMarketCap et CoinGecko. Tous les bitcoins en circulation sont évalués à plus de 700 milliards de dollars. Ether, la cryptomonnaie du réseau Ethereum, vaut désormais plus de 130 milliards de dollars. Ensuite, il y a une longue liste de cryptomonnaies moins précieuses, y compris Tether à 23 milliards de dollars, Litecoin à 10 milliards de dollars et Bitcoin Cash à 8 milliards de dollars.
Sources : Financial Conduct Authority, AMF, Bill Miller, taux de change en dollars du bitcoin
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