Après un an de pandémie, le Southern Regional Education Board (SREB), une organisation non partisane à but non lucratif basée à Atlanta, en Géorgie, qui œuvre pour améliorer l'éducation à tous les niveaux dans ses 16 États, a fait le point sur les différentes mutations induites par le Covid-19 et les conséquences, positives comme négatives, qu'elles pourraient avoir à long terme. Le SREB a conclu que, si les entreprises continuent à accélérer l'automatisation de leur processus comme au début de la pandémie, des millions de personnes pourraient perdre leur emploi d'ici les cinq (5) prochaines années.
La pandémie constitue une double menace pour les travailleurs vulnérables
Le SREB regroupe 16 États, dont Alabama, Arkansas , Delaware, Floride, Géorgie, Kentucky, Louisiane, Maryland, Mississippi, Caroline du Nord, Oklahoma, Caroline du Sud, Tennessee, Texas, Virginie et Virginie-Occidentale. Dans un rapport publié récemment, l'organisation estime que le monde a connu une vague de fluctuations sociales et économiques depuis que la pandémie du Covid-19 s'est déclenchée. Dès les premiers mois, elle a obligé les entreprises les plus vulnérables à fermer leurs portes ou à réduire leur personnel et a forcé la plus grande expérience de télétravail dans le monde.
Toutefois, ce n'est pas tout ce qui a changé. Les préférences et les comportements des consommateurs ont également changé, avec une augmentation spectaculaire des achats en ligne et de la socialisation. Les élèves de tous âges ont terminé l'année scolaire 2019-2020 dans des salles de classe virtuelles ou les écoles ont tout simplement été fermées dans les pays les plus pauvres. Le SREB a constaté que certains impacts du début de 2020 sont durables, et d'autres permanents. Il a ajouté que les effets durables de la pandémie ne sont pas encore pleinement réalisés et varieront selon les secteurs et les États.
Selon lui, ce sont les travailleurs les plus vulnérables qui ressentiront le plus ces effets, car la pandémie représente pour eux une double menace. « Mais une chose est claire : pour les travailleurs vulnérables de la population, en particulier les plus âgés et les plus jeunes, les personnes sans éducation postsecondaire, les femmes et les travailleurs noirs, hispaniques et asiatiques, la pandémie représente une double menace », a déclaré le SREB. En premier, il estime que le Covid-19 a accéléré la quatrième révolution industrielle, des tendances déjà bien engagées dans l'automatisation, l'intelligence artificielle, les appareils intelligents et la réalité virtuelle.
En effet, avant la pandémie, le SREB a évalué le potentiel d'automatisation de l'industrie au sein de ses États membres afin d'estimer le nombre d'adultes vulnérables au déplacement et qui pourraient avoir besoin d'être requalifiés pour des postes futurs. Les profils avertissaient que 18 millions de travailleurs peu qualifiés dans toute la région pourraient être inemployables ou contraints de gagner des salaires de misère d'ici 2030 s'ils n'amélioraient pas leurs compétences. La pandémie a accéléré ces estimations. Aujourd'hui, ces 18 millions de travailleurs du Sud pourraient être en danger d'ici 2025.
En deuxième position, le SREB estime que la vulnérabilité des travailleurs a été exacerbée par la pandémie, d'autant plus que les employés peu qualifiés ont tendance à se concentrer dans des industries plus fortement touchées par les fermetures et les restrictions de santé publique en cours, souvent les mêmes industries qui ont un potentiel d'automatisation plus élevé. Selon l'organisation, bien que des millions de travailleurs aient été déclarés essentiels ou aient pu travailler à domicile pendant la pandémie, et qu'il soit donc très peu probable qu'ils soient au chômage, les choses se sont passées autrement.
« Des millions d'autres ont perdu des heures de travail, des emplois ou ont dû quitter le marché du travail. Nombre d'entre eux ne sont pas pris en compte dans les chiffres officiels du chômage, ce qui signifie que les dirigeants des États sous-estiment probablement les répercussions de la pandémie sur leur main-d'œuvre, des répercussions qui découlent à la fois de l'automatisation et du Covid-19 lui-même », a déclaré le SREB.
La pandémie du Covid-19 a accéléré le potentiel d'automatisation de cinq ans
En se basant sur une étude réalisée par McKinsey & Company, une société de conseil auprès des directions générales, en 2017, le SREB a indiqué que 44 % de toutes les activités professionnelles dans la région étaient potentiellement automatisables de 2016 à 2030. Comme pour tout le reste, la pandémie a modifié ces estimations. En mai 2020, McKinsey & Company a constaté que l'adoption du numérique par les consommateurs et les entreprises avait progressé de cinq ans (selon la précédente projection de McKinsey) en seulement huit semaines au début de la pandémie.
Pour évaluer les perspectives de progrès numérique accéléré par le Covid-19 et mettre à jour les profils des perspectives économiques, le SREB a de nouveau utilisé les projections d'automatisation de McKinsey pour 2017. Il a supposé que le même pourcentage d'activités serait automatisé sur chacune des 15 années de l'analyse de McKinsey, 2016-2030, et a ensuite condensé les 10 dernières années en cinq. Le SREB s'est rendu compte que dans les cinq prochaines années seulement, 30 % de toutes les activités professionnelles de la région pourraient être automatisées, ce qui dévasterait les travailleurs et les entreprises qui ne sont pas préparés.
En fait, selon le Forum économique mondial (World Economic Forum - WEF), d'ici 2025, les hommes et les machines se partageront à parts égales le temps passé à effectuer des tâches sur le lieu de travail. En outre, dans tous les États du SREB, les secteurs de la préparation des aliments, de la vente et des bureaux et de l'administration sont les principaux employeurs. Parmi les autres, on trouve le transport (14 États), la production (11), les soins de santé (4) et les activités commerciales (1). Le SREB estime que près de la moitié de tous ces emplois pourraient être automatisés d'ici cinq ans.
Plus précisément, l'analyse du SREB montre que 42 % ou plus des activités professionnelles dans les domaines de l'alimentation, du transport, de l'éducation et des professions de bureau et administratives dans la région pourraient être automatisées d'ici 2025. De même, environ 28 % des activités de vente et 58 % des activités de production pourraient également être automatisées. La préparation des aliments, par exemple, dont le potentiel d'automatisation est l'un des plus élevés avec 69 %, emploie 10 % des travailleurs de la région SREB, et chaque employé de cette industrie est vulnérable.
Les métiers de la production qui emploient près de 6 % des travailleurs de la région pourraient être automatisés à hauteur de 86 %, et dans les 13 États du SREB où la production est l'un des cinq principaux employeurs, plus de 83 % des travailleurs sont menacés par la pandémie. Avec les préoccupations actuelles concernant la transmission du virus, les habitudes de consommation resteront modifiées pendant un certain temps. Bien que la mécanisation et l'informatisation d'un si grand nombre d'activités professionnelles risquent de transformer plus de postes qu'elles n'en éliminent, des milliers de travailleurs pourraient encore perdre leur emploi au fur et à mesure des progrès technologiques.
Par ailleurs, les adultes peu qualifiés ayant un diplôme d'études secondaires ou moins risquent de plus en plus d'être inemployables ou bloqués dans des emplois mal rémunérés s'ils n'augmentent pas leur niveau d'éducation. En mai 2019, 64 % des salariés actifs de la région SREB, soit 33,6 millions de travailleurs, avaient un diplôme d'études secondaires ou moins. Cela signifie que près des deux tiers des employés de la région risquent de perdre leur emploi, d'être licenciés et de se retrouver au chômage, en particulier pendant la pandémie.
Pour ceux qui restent à leur poste actuel, le WEF estime que 40 % de leur part de compétences de base changeront au cours des cinq prochaines années et que 50 % de tous les employés auront besoin d'une requalification.
Le risque est plus élevé pour les travailleurs traditionnellement vulnérables
L'analyse du SREB montre que les femmes et les travailleurs âgés sont plus vulnérables aux changements de travail, en particulier pendant la pandémie. Les femmes sont plus vulnérables en partie parce qu'elles dominent certaines industries qui dépendent davantage des interactions en face à face, en partie parce qu'elles ont tendance à assumer une plus grande part de responsabilité dans l'éducation des enfants. Les travailleurs plus âgés et plus jeunes sont plus à risque en raison de facteurs tels que leur niveau d'éducation, les postes qu'ils ont tendance à occuper et leur capacité d'adaptation aux nouvelles technologies.
Ces facteurs, éducation, revenu, sexe, âge et race, s'ajoutent à d'autres pour rendre les travailleurs vulnérables à plus d'un titre. Selon l'organisation, ces derniers ont perdu des heures de travail et ont quitté la population active pendant la pandémie à un rythme beaucoup plus élevé que leurs homologues blancs, plus instruits, de sexe masculin et à revenu plus élevé. Elle estime également que le pronostic de leur reprise est tout aussi sombre. La probabilité d'être rappelé à un poste antérieur varie également selon le groupe démographique, mais selon le même schéma.
Dans le même temps, le SREB pense que les travailleurs plus jeunes, moins instruits, non blancs et de sexe féminin courent un plus grand risque de perdre leur emploi de façon permanente. Au regard de ces observations, il a déclaré que la pandémie crée d'énormes défis, mais elle offre également une occasion sans précédent aux États de moderniser l'éducation, de renforcer la résilience de la main-d'œuvre et d'adopter des politiques qui soutiennent les familles saines et les économies prospères. « La nécessité d'agir pour préparer la main-d'œuvre d'aujourd'hui aux possibilités de demain ne pourrait être plus urgente », a déclaré le SREB.
« Si les États peuvent faire face à ce moment, les avantages qu'ils en retireront en valent la peine. Si les États ne relèvent pas le défi, en préparant leur main-d'œuvre aux incertitudes de demain, les retombées pour les individus et les industries pourraient être catastrophiques », a-t-il mis en garde. Il estime qu'une augmentation des diplômes de l'enseignement supérieur sera essentielle non seulement pour les travailleurs, mais aussi pour les États, qui doivent maintenir une main-d'œuvre hautement qualifiée s'ils espèrent attirer les types d'entreprises qui les emploient.
Selon le SREB, les emplois créés par les progrès technologiques apparaissent souvent dans des secteurs et des régions géographiques différents de ceux d'où ils disparaissent. Les entreprises sont plus susceptibles de se développer dans des domaines où la main-d'œuvre est déjà prête. Pour finir, le rapport du SREB rappelle un rapport de McKinsey Global Institute en juin, qui prévoit qu'environ 22 % des emplois dans l'UE (soit 59 millions) pourraient être automatisés d'ici 2030. Le cabinet d'analyse impute également cette accélération de l'automatisation à la pandémie du Covid-19.
Les États doivent rattraper leur retard afin d'éviter le pire
Si le SREB et McKinsey Global Institute voient les choses ainsi, d'autres personnes pensent tout de même que l'automatisation et l'IA créeront de nouveaux emplois, peut-être même plus qu'elles n'en détruiront. C'est le cas d'un rapport publié Gartner en 2017 sur l'intelligence artificielle. À l'époque, Gartner estimait que le nombre d'emplois touchés par l'IA va varier selon l'industrie. Jusqu'en 2019, les secteurs des soins de santé, du secteur public et de l'éducation verront une demande d'emplois en croissance continue tandis que le secteur manufacturier sera le plus durement touché.
« À partir de 2020, la création d'emplois liés à l'IA va passer dans le positif, atteignant les deux millions d'emplois nets en 2025 », a déclaré Svetlana Sicular, vice-président recherche chez Gartner. « Beaucoup d'innovations importantes dans le passé ont été associées à une période transitoire de perte d'emploi temporaire, suivie par la reprise, puis la transformation des entreprises et l'IA vont probablement suivre cette voie ». Cependant, seulement une infirme partie de la population active actuelle est qualifiée pour ces emplois. C'est la raison pour laquelle l'étude du SREB estime que les États doivent investir dans la requalification de leurs mains-d'œuvre.
« La pandémie a créé une opportunité, voire une nécessité, de repenser et de redéfinir l'éducation aux États-Unis. Aujourd'hui, peut-être plus qu'à tout autre moment, les États doivent faire preuve de rapidité, de rigueur et de créativité s'ils veulent répondre aux besoins croissants d'une main-d'œuvre non préparée. Les décisions que les dirigeants prendront dans les semaines et les mois à venir auront des répercussions de grande portée qui pourront soutenir ou entraver les progrès dans leurs États pour les années à venir », a conclu le Southern Regional Education Board.
Source : Southern Regional Education Board
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Le , par Bill Fassinou
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