Les législateurs européens envisagent de définir de nouvelles règles pour les grandes enseignes numériques qui pourraient inclure de les forcer à partager des données avec de plus petits concurrents et/ou imposer des limites étroites sur la façon dont elles peuvent utiliser les données dans le but d'uniformiser les règles du jeu numériques.
Selon le brouillon, les « contrôleurs d’accès » (gatekeepers), tels que les entreprises ayant un pouvoir de goulot d'étranglement ou un statut de marché stratégique, ne seront pas autorisés à utiliser les données collectées sur leurs plateformes pour cibler les utilisateurs, à moins que ces données ne soient partagées avec des concurrents. « Les contrôleurs d'accès ne doivent pas préinstaller exclusivement leurs propres applications ni exiger des développeurs de systèmes d'exploitation tiers ou des fabricants de matériel de préinstaller exclusivement la propre application des contrôleurs d'accès », peut-on lire sur le document.
D'autres idées évoquées sont l'interdiction pour les plateformes dominantes de favoriser leurs propres services ou d’obliger les utilisateurs à souscrire à un ensemble de services, selon le brouillon du Digital Service Act (DSA, loi sur les services numériques) que les législateurs européens devraient introduire avant la fin de l'année.
Le brouillon du DSA suggère qu'il pourrait y avoir des restrictions majeures sur les infrastructures numériques clés telles que l'App Store iOS d'Apple et le Google Play Store Android, ainsi que des limites potentielles sur la façon dont la grande enseigne du commerce électronique Amazon pourrait utiliser les données des marchands vendant sur sa plateforme (notons que la Commission mène déjà une enquête sur le sujet).
La Commission indique que :
« Le nouveau package de la loi sur les services numériques devrait moderniser le cadre juridique actuel des services numériques au moyen de deux piliers principaux:
« Premièrement, la Commission proposerait des règles claires définissant les responsabilités des services numériques pour faire face aux risques encourus par leurs utilisateurs et protéger leurs droits. Les obligations légales garantiraient un système moderne de coopération pour la surveillance des plateformes et garantiraient une application efficace.
« Deuxièmement, le package de la loi sur les services numériques proposerait des règles ex ante couvrant les grandes plateformes en ligne agissant en tant que contrôleurs d’accès, qui fixent désormais les règles du jeu pour leurs utilisateurs et leurs concurrents. L'initiative devrait garantir que ces plateformes se comportent équitablement et peuvent être contestées par les nouveaux entrants et les concurrents existants, afin que les consommateurs aient le choix le plus large et que le marché unique reste compétitif et ouvert aux innovations ».
Dans le cadre d'un processus de consultation solide et actif, la Commission a lancé une consultation publique pour soutenir les travaux d'analyse et de collecte de preuves permettant de cerner les questions spécifiques qui peuvent nécessiter une intervention au niveau de l'UE.
Comment une entreprise pourrait-elle être considérée comme un « contrôleur d’accès » (gatekeeper) ?
Les entreprises technologiques comptant des millions d'utilisateurs européens ou actives dans au moins deux secteurs seront classées comme « contrôleurs d’accès » en ligne et de facto soumises à de nouvelles règles européennes strictes visant à réduire leur pouvoir, ont déclaré jeudi à Reuters trois personnes proches du dossier.
Les critères définissant les contrôleurs d’accès en ligne qui contrôlent l'accès aux personnes, aux services et aux informations devraient toucher l'unité Alphabet Google, Facebook, Apple et Amazon.
Les critères seront définis dans la loi sur les marchés numériques (DMA) que la commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, présentera le 15 décembre. Le projet de règlement établit une liste de choses à faire et à ne pas faire pour les contrôleurs numériques.
Il pourrait encore y avoir des changements en raison des discussions en cours à la Commission européenne, ont déclaré les sources. Le DMA proposé a connu de multiples modifications ces derniers mois en réponse à des préoccupations juridiques et à des demandes contradictoires au sein de l'exécutif européen.
« Ce sera une liste assez courte de contrôleurs d'accès », a déclaré l'une des personnes, ajoutant que des critères numériques seront utilisés. L'un des critères d'un contrôleur d'accès sera son nombre d'utilisateurs individuels ou professionnels au niveau paneuropéen, ont déclaré les sources.
La part de marché a été écartée en tant que critère car il s'agit d'un concept de concurrence, tandis que la DMA sera basée sur les règles du marché intérieur de l'UE, ont-ils expliqué.
Une entreprise ayant des activités dans au moins deux domaines, par exemple la recherche ou la publicité en ligne, sera également considérée comme un contrôleur d'accès.
Les entreprises dominantes actives sur une seule plateforme peuvent être soumises au DMA suite à une analyse qualitative de la Commission, ont avancé les sources.
Le comité d'examen de la réglementation de la Commission, qui effectue des vérifications de la qualité de ses politiques et de ses lois, a donné jeudi le feu vert aux principes de la DMA après un précédent rapport négatif.
L'annonce de Vestager la semaine prochaine devrait déclencher un lobbying intense de la part des géants américains de la technologie, qui ont déclaré que les nouvelles règles devraient être proportionnées, équilibrées et ne pas freiner l'innovation sur les marchés numériques.
La législation proposée pourrait cependant être édulcorée à la suite de négociations avec les pays de l'UE et le Parlement européen dans les mois à venir avant de pouvoir être adoptée.
L’un des éléments du projet auquel les grandes entreprises technologiques américaines vont s’opposer (notamment Apple et Google) est les dispositions limitant les applications préinstallées sur le matériel, car les appareils iPhone et Android sont livrés avec toute une suite de programmes intégrés que vous ne pourrez peut-être jamais supprimer. Apple est également très susceptible de s'opposer à une disposition qui interdirait effectivement aux entreprises de contrôle d'accès de bloquer le chargement latéral ou les magasins d'applications alternatifs ou les méthodes de paiement - tout le cœur du différend actuel entre Epic et Apple.
Google, Facebook et Amazon, qui s’appuient tous sur la liaison de vastes quantités de données entre les utilisateurs et les concurrents, sont susceptibles de s'opposer aux dispositions exigeant que les informations qu'ils considèrent comme exclusives soient partagées avec leurs rivaux.
Source : Reuters
Et vous ?
Que pensez-vous du Digital Service Act ? Quels critères utiliseriez-vous pour déterminer qui constitue un contrôleur d'accès en ligne ?
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Le , par Stéphane le calme
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