Pour rappel, le jet le plus vendu de Boeing a été cloué au sol en mars 2019 après que deux crashs en cinq mois ont tué 346 personnes au total, marquant la pire crise de sécurité de l'industrie depuis des décennies et sapant le leadership américain en matière de réglementation de l'aviation. Après avoir cloué les 737 Max au sol, la FAA (l'Administration fédérale de l'aviation américaine) et d'autres organismes privés ont procédé à des tests sur l'avion et découvert de nombreuses irrégularités sur ce dernier, pour lesquelles il ne devrait même pas être autorisé à voler.
À partir de l'été 2019, plusieurs rapports ont mis en lumière les nombreux défauts de conception du 737 Max, en particulier du logiciel MCAS. En septembre 2020, plus d'un an après que l'avionneur a été sonné de régler les défauts de l'avion pour qu'il soit autorisé à voler de nouveau, un rapport du Congrès américain a révélé que Boeing a caché les défauts de conception des jets 737 Max aux pilotes et aux régulateurs, notamment la dissimulation de l'existence même du logiciel MCAS. La FAA est toutefois disposée à autoriser de nouveaux vols du 737 Max dans les prochains mois, si tous les problèmes sont résolus.
Boeing force le retour des vols commerciaux de son 737 Max
L'Administration fédérale de l'aviation des États-Unis, pays d'origine des avions Boeing, a publié son approbation finale du 737 MAX modifié (mis à jour) dans le registre fédéral le 20 novembre 2020. Boeing accélère donc le mouvement et s'entoure d'allier de taille pour mener une compagne publicitaire visant à rassurer les voyageurs que l'avion est désormais plus sûr. Les passagers du vol test de mercredi étaient essentiellement des journalistes, environ 90 journalistes, hôtesses de l'air et d'autres employés d'American Airlines.
Alors, des vols tests de courtes durées réussis démontrent-ils de la sureté de l'avion dans le cadre de vols sur une longue durée ? Le vol 737 MAX d'American Airlines de mercredi était un trajet de 45 minutes de Dallas, au Texas, à Tulsa, dans l'Oklahoma. Il intervient quelques semaines avant le premier vol commercial de passagers prévu pour le 29 décembre, et fait partie d'un effort de relations publiques visant à dissiper toute inquiétude concernant l'avion. L'effort de Boeing et de la compagnie American Airlines devrait être soutenu par d'autres compagnies aériennes américaines et européennes.
À ce propos, un rapport de Reuters mercredi a révélé que, dans une autre manifestation de confiance, la compagnie aérienne européenne à bas prix Ryanair s'apprête à passer une commande importante de 75 avions à réaction 737 MAX supplémentaires. Le média londonien a annoncé tenir cette information de certaines sources du secteur. En effet, il est certain qu'il sera difficile de dissiper les doutes entourant le 737 Max depuis les accidents d'il y a environ deux ans, mais la propagande par rapport à la sureté de l'aéronef est menée par de grosses compagnies aériennes.
American Airlines est classée comme l'une des plus grandes compagnies aériennes dans le monde et Ryanair, une compagnie aérienne à bas prix fondée en 1984 dont le siège social est situé à Swords, en Irlande, serait la première compagnie aérienne en Europe en nombre de passagers transportés. Selon les critiques, la commande de 75 avions 737 Max représente un grand soutien à la reprise des vols commerciaux de l'aéronef et à la reprise de la production de l'avion phare de Boeing, l'avionneur a temporairement cessé de fabriquer de nouveaux 737 Max en janvier dernier, pour une durée indéterminée.
La suspension de la fabrication du 737 Max a eu un impact sur les fournisseurs de l'avionneur. En effet, si Boeing n'a pas libéré le personnel travaillant sur le 737 Max, cela n'a pas été le cas chez ses fournisseurs. Le plus grand fournisseur de Boeing, Spirit AeroSystems (SPR), qui fabrique le fuselage et d'autres pièces pour la Max, a annoncé le 10 janvier qu'il allait licencier 2 800 employés à Wichita, dans le Kansas. L'arrêt de Spirit durera probablement plus longtemps que celui de Boeing, car il a continué à fabriquer 52 fuselages par mois depuis mars, soit plus que le rythme réduit auquel Boeing construisait.
D'autres fournisseurs de Boeing auraient également licencié du personnel sans faire d'annonces publiques. Selon l'agence de notation Moody's, au moins sept autres fournisseurs de Boeing ont tiré 10 % ou plus de leurs revenus du programme 737 Max. Quant à l'équipementier Spirit, le Max représentait environ 50 % des activités. Pendant ce temps, Airbus a décidé d’augmenter la production de l’A321 Neo. Toutefois, tout semble désormais rentrer dans l'ordre pour Boeing, car, après la FAA aux USA, l'Agence de la sécurité aérienne de l'Union européenne (AESA) devrait donner le feu vert aux vols commerciaux du 737 Max prochainement.
Les voyageurs pourraient rester sceptiques encore longtemps
« L'histoire de l'aviation est construite autour d'une chaîne de sécurité », a déclaré le capitaine Pete Gamble aux passagers juste avant le décollage mercredi. « Lorsque la chaîne de sécurité se brise, c'est à ceux d'entre nous qui travaillent dans l'industrie de la réparer et de la ramener ». Le mois dernier, l'administration fédérale américaine de l'aviation a autorisé le jet à la suite à des changements de conception et à une nouvelle formation des pilotes sur le logiciel MCAS. La formation des pilotes constitue d'ailleurs un point clé des critères d'autorisation listés par l'AESA.
Une remise en service en douceur du MAX est considérée comme essentielle pour la réputation et les finances de Boeing, qui ont été durement touchées par le gel des livraisons du MAX ainsi que par la crise du coronavirus. Les compagnies aériennes et les sociétés de leasing ont dépensé des centaines de milliards de dollars pour acheter la dernière mise à niveau du 737. Attirées par des rabais importants et désireuses de contribuer à réparer la réputation du MAX autour duquel elles ont construit leurs plans de flotte, certaines compagnies aériennes interviennent maintenant pour apporter un soutien commercial.
L'action d'American Airlines est tout à fait fondée, car elle a tout intérêt à ce que tout marche bien de nouveau pour le 737 Max. En effet, sa flotte comporte 24 Boeing 737 Max et 76 autres sont en commande. Elle serait la troisième organisation à posséder autant de 737 Max en service et l'une de celles qui en ont commandé le plus. L'on comprend donc pourquoi elle œuvre pour que les livraisons de l'aéronef reprennent et que le public retrouve la confiance dans cet avion. À ce propos, quelques commentaires recueillis dans la communauté au sujet du vol test de mercredi montrent que les gens sont toujours sur leur garde.
« Peu importe. Montrez-moi un vrai mouvement sur l'état d'esprit de l'entreprise. L'avion est un problème qui peut être résolu par les ingénieurs STEM. Le désordre de l'entreprise qui a fait passer ce problème dans les autorisations de vol ne l'est pas. Je viserai à piloter un Airbus jusqu'à ce que Boeing comprenne cette différence et en répare la cause », a déclaré un pilote, faisant référence aux dysfonctionnements du MCAS cachés par Boeing, et découverts plus tard après les accidents mortels, ainsi qu'aux circonstances dans lesquels l'avion a été autorisé à voler par la FAA.
« Ce qui m'a le plus énervé, c'est le refus de Boeing d'admettre sa responsabilité et la lutte contre les autorités qui clouaient l'avion au sol. Ils savaient que des gens mouraient et étaient prêts à laisser d'autres personnes mourir sans remords. Dans mon esprit, c'était une action criminelle », a fait savoir un autre. « Ce type de comportement sociopathe est le résultat naturel d'une culture d'entreprise qui vise uniquement à maximiser la valeur pour les actionnaires. Je ne suis pas sûr de ce que l'on peut faire pour y remédier », a écrit un autre.
Il y a eu une bonne dose de critiques négatives au sujet de ce premier vol d'essai transportant des civils. « On peut faire beaucoup pour arranger les choses. Poursuite rapide contre la direction, y compris des accusations d'homicide involontaire, le cas échéant. Il ne s'agit plus d'un "clin d'œil, clin d'œil, coup de pouce" étirant les règles qui prévalent. Des centaines de personnes ont déjà perdu la vie », a recommandé un autre en réponse au commentaire précédent.
Une campagne de propagande intensive sur le 737 Max se prépare
Selon le rapport de Reuters, des sources du secteur lui ont révélé que Boeing se prépare à une publicité intense, même en cas de pépins de routine, en mettant en place une "salle de crise" ouverte 24 heures sur 24 pour surveiller tous les vols du 737 MAX dans le monde, et a informé certains commentateurs de l'industrie sur les détails de la remise en service. « Nous continuons à travailler en étroite collaboration avec les régulateurs mondiaux et nos clients pour remettre la flotte en service commercial en toute sécurité », a déclaré un porte-parole de Boeing.
En outre, les gestes de soutien devraient également se multiplier pendant les prochaines semaines et les prochains mois. Reuters a rapporté mercredi que le brésilien Gol Linhas Aereas Inteligentes prévoit un événement médiatique pour le MAX remanié ce mois-ci. De même, selon une personne connaissant bien le sujet, United Airlines devrait recevoir la première livraison d'un Max depuis l'immobilisation de l'avion. Toujours selon le rapport, si tout va bien, les initiatives européennes pour soutenir le retour du 737 Max devraient se faire sentir très prochainement.
Les efforts de relations publiques sont conçus pour mettre en avant les mises à jour des logiciels et des formations qui, selon la FAA, lèvent tout doute sur la sécurité de l'avion. Cela dit, les familles des victimes des crashs ont protesté contre la reprise du service, affirmant qu'il est prématuré avant la publication d'un rapport d'enquête final sur le second crash en Éthiopie. Par ailleurs, selon certaines sources industrielles, Boeing a réduit ses plans initiaux pour la remise en service de l'avion, car la crise a duré plus longtemps que prévu, abandonnant une campagne de publicité très médiatisée, une cérémonie dans la région de Seattle et une tournée avec un 737 MAX d'Oman.
Source : Reuters
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