Le ministère américain de la Justice a intenté mardi 20 octobre 2020 une action antitrust en justice contre Alphabet Inc., la maison-mère de Google, affirmant que la société utilise son pouvoir de marché pour évincer ses rivaux. Le ministère a déclaré que rien n'était hors de propos, y compris une dissolution de la société de recherche et de publicité sur Internet.
« Aujourd'hui, des millions d'Américains dépendent d'Internet et des plateformes en ligne pour leur vie quotidienne », a déclaré le procureur général William Barr dans un communiqué. « La concurrence dans ce secteur est d'une importance vitale, c'est pourquoi la poursuite d'aujourd'hui contre Google pour violation des lois antitrust est une affaire de la plus haute importance à la fois pour le ministère de la Justice et pour le peuple américain ».
« Au cours des 16 derniers mois, la division antitrust a recueilli des preuves convaincantes que Google ne fait plus de concurrence uniquement sur le fond, mais utilise à la place son pouvoir de monopole – et des milliards de profit de monopole – pour verrouiller les voies clés de recherche sur les téléphones mobiles et les navigateurs ainsi que les appareils de nouvelle génération, privant les concurrents de la distribution et de l'évolutivité », a-t-il ajouté.
« Le résultat final est que personne ne peut contester la domination de Google en matière de recherches et de publicité relatives aux recherches ».
Des moteurs alternatifs de recherche loin d'être satisfaits par les propositions de Google
Le 27 octobre 2020, des moteurs de recherche alternatifs (notamment les Français Lilo et Qwant, le Tchèque Seznam, l'Allemand Ecosia et l'Américain DuckDuckGo) ont demandé à la Commission européenne une réunion tripartite avec Google. Ils ont estimé que la réponse de Google pour ouvrir le marché à la concurrence en leur proposant de participer à des enchères pour être proposé comme choix par défaut aux utilisateurs européens était loin d'être une solution aux problèmes d'abus de position dominante :
« Nous sommes des entreprises exploitant des moteurs de recherche qui rivalisent avec Google. Comme vous le savez, nous sommes profondément mécontents du prétendu remède créé par Google pour remédier aux effets néfastes de son comportement anticoncurrentiel dans l'affaire Android. Nous comprenons que Google vous informe régulièrement de ses enchères payantes, mais il semble que vous ne receviez peut-être pas des informations complètes ou exactes.
« Nous vous écrivons pour demander une réunion trilatérale avec votre bureau, nous-mêmes et Google, dans le but d'établir un menu de préférences efficace. Nos délégués respectifs pourraient travailler à l'avance pour créer un ordre du jour serré pour cette réunion afin de garantir qu'elle soit productive et collaborative.
« Nous soutenons de tout cœur l’ambition de la Commission de remédier aux préjudices enracinés de la concurrence de Google. Nous vous demandons de mettre ces intentions en pratique dès maintenant, en utilisant pleinement vos outils existants.
« Merci d'avance pour votre considération ».
Le PDG de Qwant félicite l’action menée à l’endroit de Google et demande que la concurrence puisse s’exprimer
Dans ce contexte, Jean-Claude Ghinozzi, PDG de Qwant, a adressé une lettre au Procureur général des États-Unis :
« L’innovation produit de Google apportée au marché de la recherche générale est indéniable et personne ne remet en question leur capacité technologique. À l'instar d'autres entreprises américaines remarquables telles que Microsoft, Amazon ou Facebook, Google a acquis sa réputation et s'est hissée en position dominante avant tout grâce à ses mérites.
« Google a pu faire connaître ces mérites au public et gagner ses parts de marché, car les concurrents historiques n'abusaient pas de leur propre domination de l'époque. Hélas, Google abuse de sa position dominante pour empêcher la concurrence de se développer.
« Qwant se trouve dans une situation typique de celles que vous décrivez dans votre réclamation, car Google nous a également empêchés de pénétrer la plupart sinon la totalité du marché de la recherche mobile, en raison de ses pratiques anticoncurrentielles. Malgré le grand intérêt manifesté par les partenaires commerciaux et industriels qui estiment que notre respect renommé de la vie privée des utilisateurs peut être d'une valeur ajoutée significative pour leurs produits, nos tentatives pour obtenir des accords de distribution de smartphones avec Qwant préinstallé en tant que moteur de recherche ont échoué en raison des effets de dissuasion du système de licence Android et Google Apps. L’objectif de longue date de Google était que ses pratiques contractuelles empêchent la plupart des consommateurs de voir, de choisir et d’utiliser le service de recherche d’un concurrent, et cette stratégie est malheureusement toujours très efficace aujourd’hui.
« Ce comportement nuit à la concurrence et donc à tous les consommateurs du monde entier qui manquent de choix alternatifs. Il exige l'application la plus stricte de la réglementation antitrust. À ce sujet, veuillez noter qu'à ce jour, la réponse de Google à sa condamnation à une amende de 4,34 milliards d'euros dans l'affaire COMP / AT.40099 est d'exiger de ses propres concurrents qu'ils paient Google pour la publicité, sous la forme d'un placement – appelé « écran de choix » – affiché aux consommateurs européens lorsqu'ils achètent un nouveau smartphone basé sur Android. Cela signifie que seuls quelques choix alternatifs sont proposés aux consommateurs, non pas sur la base de leurs mérites et d'un processus équitable, mais uniquement sur leur volonté de payer le plus à Google.
« Cela signifie également qu'au lieu d'investir leur marge bénéficiaire dans le développement de nouveaux services de recherche ou d'améliorer ceux qui existent, les concurrents de Google doivent en donner l'essentiel à Google pour son propre développement et ses propres avantages. Cette proposition d'écran de choix est donc inacceptable et Qwant, avec d'autres moteurs de recherche (DuckDuckGo, Ecosia, Lilo, Seznam), attend de Google des solutions plus convaincantes avec des effets positifs réels et forts pour les consommateurs et l'industrie de la recherche ».
Qwant termine 2019 dans le rouge, avec un résultat net de -23 millions d'€
La situation du moteur de recherche français n'est pas des plus reluisante. Ses comptes sociaux indiquent qu’il a affiché un résultat net de -23 millions d’euros en 2019, soient des pertes de 70 % par rapport à l’année antérieure. Cela est arrivé alors que le chiffre d’affaires de Qwant en 2019 est de 5,8 millions d’euros, soit une hausse de 27,5 % par rapport à 2018, qui était de 4,6 millions d’euros. En outre, 90 % du chiffre d’affaires en 2019 provient de Microsoft.
Ces deux dernières années, le moteur de recherche français, qui a émis le rêve de détrôner Google, nage dans une mer de scandales et de pertes financières. Après avoir enregistré un résultat net de -13,8 millions d’euros en 2018, Qwant creuse encore plus ses pertes en 2019, année au cours de laquelle son résultat net est de -23,5 millions d’euros. Et avec un chiffre d’affaires de 5,8 millions d’euros pour le compte de 2019, il est très loin des 30 millions d'euros prévus au départ.
Il n’a pas non plus pu atteindre les 7 millions d’euros annoncé en novembre lorsque les actionnaires ont exigé une nouvelle équipe managériale pour conduire sa transformation. Avant ça, en 2017, son chiffre d’affaires n’était que de 3 millions d’euros. Jean-Claude Ghinozzi, qui a pris la place d’Eric Leandri en tant que nouveau président du groupe, n’a pas non plus réussi à tenir son pari sur l’année écoulée. Selon les comptes sociaux de l’entreprise, les pertes subies en 2019 sont majoritairement dues à 8,5 millions d'euros de dépréciations et provisions.
Outre cela, le groupe a subi encore plus de pertes d’exploitation pendant l’année écoulée. En effet, ces pertes ont évolué à 22 % pour atteindre -15,6 millions d’euros. Sur la base de ceci, les analystes craignent pour ce qui va suivre. Par rapport à l’année en cours, l’on estime que Qwant a été négativement impacté par le Covid-19 alors que les autres géants du numérique ont tous su tirer profit de la situation. En raison de la pandémie et du confinement, il a eu recours au chômage partiel dès le mois de mars. Ces observations devraient être le signe annonciateur de nouvelles pertes.
Source : Qwant
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Le , par Stéphane le calme
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