Pour ce faire, la Commission australienne de la concurrence a publié un projet de code obligatoire qui va définir un cadre qui permettra « aux entreprises de médias d’information de négocier individuellement ou collectivement avec Google et Facebook sur le paiement de l’inclusion de contenus » sur leur plateforme respective. Dans ce projet de loi, il est stipulé que « si les entreprises de presse et les plateformes numériques ne peuvent pas conclure un accord dans le cadre d’un processus formel de négociation et de médiation de trois mois, un arbitre indépendant choisirait alors l’offre finale des deux parties la plus raisonnable dans un délai de 45 jours ouvrables ». « Des accords de paiement pourraient être conclus dans les six mois suivant l’entrée en vigueur du code si un arbitrage est nécessaire », souligne la Commission australienne de la concurrence australienne.
Si ce projet de code aboutit, l’Australie deviendrait ainsi le premier pays à obliger Google et Facebook à payer les éditeurs pour les contenus dès qu'ils sont affichés sur leurs vitrines en ligne. En outre, si le projet de code ne s’applique qu’à Google et Facebook pour l’instant, d’autres plateformes numériques pourraient être ajoutées si elles atteignent à l’avenir un déséquilibre du pouvoir de négociation avec les entreprises de médias d’information australiennes.
Pour mieux comprendre les motivations du gouvernement australien, il faut savoir que depuis 2018, l’ACCC a publié un rapport sur la santé du marché de la presse et la puissance des plateformes numériques américaines. Dans son rapport, ACCC déclare avoir identifié un déséquilibre fondamental du pouvoir de négociation entre les entreprises de médias d’information australiennes et Google et Facebook. Comme recommandations, le régulateur australien a préconisé l’introduction de codes de conduite pour réguler les rapports de force inégale entre les deux partis. Le 12 décembre 2019, le gouvernement australien a demandé à l’ACCC de travailler avec Google et Facebook et les entreprises des médias d’information pour mettre en œuvre des codes de conduite volontaires. Les discussions n’ayant pas abouti, le gouvernement australien a demandé le 20 avril dernier à l’ACCC d’élaborer un code de conduite obligatoire, avec un projet de code pour consultation publique avant la fin de juillet 2020, ainsi qu’un code final à définir peu après. C’est ce projet de code qui a été mis à la disposition du public.
Google joue la carte des données de recherche qui peuvent être mises en péril
Fin août, dans une lettre ouverte adressée aux Australiens par Mel Silva (Managing Director chez Google Australia), Google a déclaré :
« Nous devons vous informer de la nouvelle réglementation gouvernementale qui nuira à la manière dont les Australiens utilisent la recherche Google et YouTube. Un projet de loi, le code de négociation des médias d'information, nous obligerait à vous fournir une recherche Google et YouTube considérablement pires, pourrait conduire à la transmission de vos données à de grandes entreprises d'information et compromettrait la gratuité des services que vous utilisez en Australie. »
Dans sa lettre, elle explique que la façon dont les Australiens effectuent chaque jour des recherches sur Google est menacée par la nouvelle réglementation : « Vous vous êtes toujours appuyé sur la recherche Google et YouTube pour vous montrer ce qui est le plus pertinent et le plus utile pour vous. Nous ne pouvons plus garantir cela en vertu de cette loi. La loi nous obligerait à donner un avantage injuste à un groupe d'entreprises - les entreprises des médias d'information - par rapport à tous ceux qui possèdent un site Web, une chaîne YouTube ou une petite entreprise. Seules les entreprises de médias d'information recevraient des informations qui les aideraient à gonfler artificiellement leur classement par rapport à tout le monde, même si quelqu'un d'autre fournit un meilleur résultat. Nous avons toujours traité équitablement tous les propriétaires de sites Web en ce qui concerne les informations que nous partageons sur le classement. Les modifications proposées ne sont pas équitables et signifient que les résultats de la recherche Google et YouTube seront pires pour vous ».
Elle a joué la carte des données de recherche qui peuvent être mises en péril : « Vous nous faites confiance quant à vos données et notre travail est de les protéger. En vertu de cette loi, Google doit indiquer aux entreprises de médias d'information ‘comment elles peuvent accéder’ aux données relatives à votre utilisation de nos produits. Il n’y a aucun moyen de savoir si les données transmises seraient protégées ou comment elles pourraient être utilisées par les entreprises de médias d’information ».
Google menace de geler son espace News Showcase en Australie
Il y a quelques jours, Google a annoncé qu'il prévoyait de payer 1 milliard de dollars aux éditeurs du monde entier pour leurs actualités au cours des trois prochaines années. Par le biais de son PDG Sundar Pichai, l'entreprise a expliqué que :
« News Showcase est composé de panneaux d'histoire qui apparaîtront initialement dans Google Actualités sur Android. Le produit sera bientôt lancé sur Google Actualités sur iOS, et viendra à l'avenir sur Google Discover and Search. Ces panneaux permettent aux éditeurs participants de regrouper les articles qui apparaissent dans les produits d’actualité de Google, en fournissant une narration plus approfondie et plus de contexte grâce à des fonctionnalités telles que des chronologies, des puces et des articles connexes. D'autres éléments comme la vidéo, l'audio et les briefings quotidiens viendront ensuite.
« Cette approche est distincte de nos autres produits d'information, car elle s'appuie sur les choix éditoriaux que font les éditeurs individuels concernant les articles à montrer aux lecteurs et la manière de les présenter. Elle commencera à être déployée aujourd'hui auprès des lecteurs au Brésil et en Allemagne, et s'étendra à d'autres pays dans les mois à venir où des cadres locaux soutiennent ces partenariats ».
En clair, dans le cadre de ce partenariat, les médias vont disposer d’un outil pour personnaliser les articles qu’ils envoient à Google News Showcase. Dans un premier temps, il s’agira d’une ligne temporelle du déroulé des événements, des listes à puce récapitulatives et des articles de contexte liés à l’article en cours de lecture. Par la suite, Google envisage d’incorporer du contenu vidéo, audio ainsi que du direct.
Plusieurs accords avec des éditeurs ont été signés à cet effet, y compris avec des éditeurs australiens (accords qui ont été ratifiés en juin). Mais l'entreprise envisage de geler ce programme en Australie, au motif que le projet de code de négociation des médias d'information était « irréalisable » :
« Les accords que nous avons signés en Australie et dans le monde montrent que non seulement nous sommes prêts à payer pour obtenir une licence de contenu d'actualité pour un nouveau produit, mais que nous sommes en mesure de conclure des accords avec des éditeurs sans le cadre de négociation onéreux et normatif du projet de code et un modèle d'arbitrage latéral.
« Nous ne nous opposons pas à un code et à un système de résolution des litiges entre les parties. Mais le système d'arbitrage décrit dans le projet est irréalisable. Outre les problèmes que nous avons soulevés le 27 septembre, nous sommes préoccupés par ses conditions de paiement injustes et ses définitions et obligations peu claires.
« Nous pensons que ces conditions pourraient être modifiées pour en faire un code juste et réalisable : un code qui peut fonctionner avec des accords commerciaux et des programmes comme News Showcase ».
Google a fait valoir que le code était trop large et noter qu’il s’agit d’un système « must include, must pay » déraisonnable
« Le projet de code propose, en effet, un système "must include, must pay", ce qui est extrême et sans précédent. Cela oblige essentiellement Google à offrir un avantage aux entreprises de presse australiennes et à les payer pour bénéficier de cet avantage.
« Un régime "must include" est rare. Et lorsque ce type de système est utilisé, les parties ont le droit d'être incluses, mais pas le droit d'être incluses gratuitement - encore moins d'être en mesure d'exiger que le paiement soit inclus.
« Selon le projet de code, si nous "mettons à disposition" du contenu d'actualités (en fournissant des liens vers des sites Web d'actualités lorsque vous effectuez une recherche en ligne, d’après ce que nous supposons, bien que cela ne soit pas défini dans le code), nous devons négocier des paiements à cette entreprise, même si l'analyse montre qu'ils bénéficient davantage des liens que nous. En 2018, la valeur que nous avons fournie aux éditeurs était estimée à plus de 200 millions de dollars par an (alors que les actualités sur Google ne généraient que 10 millions de dollars de revenus, sans but lucratif). Comme nous l'avons dit, aucune de la valeur que nous apportons à la table de négociation ne serait prise en considération par l'arbitre.
Google craint de pouvoir être condamné à une amende « pouvant atteindre 10 % de nos revenus australiens pour une seule infraction »
« Ce qui est particulièrement préoccupant, c’est qu’il ne s’agit pas d’une seule négociation inégale. Nous serions contraints de nous engager dans ces négociations unilatérales avec toutes les entreprises de presse enregistrées en Australie qui gagnent plus de 150 000 dollars par an.
« Cela signifie que nous pourrions faire face à des demandes de paiement extrêmes et peu commerciales - ce qui n'est financièrement viable pour aucune entreprise. Le projet de code créerait un dangereux précédent en Australie, étant donné qu'un régime similaire unilatéral et forcé pourrait être imposé dans d'autres secteurs, affectant d'autres sociétés.
« Le code est extrêmement large et manque de définitions essentielles. Cela rend difficile de savoir comment se conformer à ses nombreuses dispositions et entraîne des sanctions financières potentiellement énormes. Nous pourrions être condamnés à une amende pouvant atteindre 10% de nos revenus australiens pour une seule infraction. Aucune entreprise en Australie ne devrait avoir à gérer l'énorme risque associé à des sanctions aussi sévères pour des dispositions aussi incertaines.
« En fait, aucun autre code en Australie n'impose des sanctions aussi énormes. Les pénalités pour infractions à d'autres codes passibles de sanctions (et bon nombre d'entre elles ne le font pas) sont d'un maximum de 66 000 $.
« À l'heure actuelle, ces problèmes - et les autres que nous avons soulevés - signifient que le code est inapplicable pour nous. Nous voulons trouver un moyen et nous pensons que la solution devrait consister à amener News Showcase en Australie, ce qui aiderait les éditeurs à élargir leur audience et contribuerait à leur durabilité. Nous avons proposé des changements à l'ACCC et au gouvernement, et nous continuons à collaborer avec eux de manière constructive afin que nous puissions parvenir à un code équitable pour tous ».
Source : Google
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