
TikTok, qui a été la première entité à s'exprimer, a déclaré :
« Dans le cadre de cet accord, Oracle deviendra le fournisseur de technologie de confiance, responsable de l'hébergement de toutes les données des utilisateurs américains et de la sécurisation des systèmes informatiques associés pour s’assurer que les exigences américaines en matière de sécurité nationale soient pleinement satisfaites. Nous travaillons actuellement avec Walmart sur un partenariat commercial. Les deux sociétés participeront à un tour de financement avant introduction en bourse de TikTok Global dans lequel elles pourront prendre jusqu'à 20 % de participation cumulée dans l'entreprise. Nous allons également maintenir le siège de TikTok Global aux États-Unis, tandis que nous apporterons 25 000 emplois à travers le pays ».
Mais Oracle a joué un autre air quelques jours plus tard : « Au moment de la création de TikTok Global, Oracle et Walmart vont faire leur investissement et les actions de TikTok Global vont être distribuées à leurs propriétaires, les Américains seront majoritaires et ByteDance n'aura aucune participation dans TikTok Global ». La déclaration d’Oracle diffère sensiblement des rapports antérieurs, qui montraient qu'Oracle et Walmart ne prenaient qu'une participation de 20 % dans la nouvelle entreprise et que ByteDance conservait le contrôle des 80 % restants.
Face à cette situation qui pourrait ne pas trouver une issue dans le délai imparti, TikTok a saisi le tribunal mercredi 23 septembre pour lui demander de s’opposer à l’interdiction imminente comme prévue par l’administration Trump ce dimanche si un accord avec une entité américaine n’était pas trouvé.
« Les demandeurs TikTok, Inc. et ByteDance Ltd. (collectivement les «demandeurs»), par l'intermédiaire de leur avocat soussigné, demandent par la présente à cette Cour, conformément à la règle 65 des Règles fédérales de procédure civile et à la règle locale 65.1, une injonction préliminaire contre les défendeurs Donald J. Trump, en sa qualité officielle de président des États-Unis; Wilbur L. Ross, Jr., en sa qualité officielle de secrétaire au commerce; et le département américain du commerce ».
TikTok pointe du doigt le décret de Donald Trump du 6 août 2020 dans lequel le Président américain a déclaré : « TikTok capture automatiquement de vastes étendues d'informations de ses utilisateurs, y compris Internet et d'autres informations sur l'activité du réseau telles que les données de localisation et les historiques de navigation et de recherche. Cette collecte de données menace de permettre au Parti communiste chinois d'accéder aux informations personnelles et exclusives des Américains - permettant potentiellement à la Chine de suivre les emplacements des employés et des sous-traitants fédéraux, de constituer des dossiers d'informations personnelles pour le chantage et de mener de l'espionnage d'entreprise. »
TikTok évoque également le communiqué du secrétaire au Commerce, Wilbur Ross, pour son application dudit décret. Il indique entre autres qu'à compter du dimanche 27 septembre, les mesures suivantes seront appliquées :
- Toute fourniture de service pour distribuer ou maintenir les applications mobiles WeChat ou TikTok, le code constitutif ou les mises à jour d'applications via une boutique d'applications mobiles en ligne aux États-Unis.
- Toute fourniture de services via l'application mobile WeChat dans le but de transférer des fonds ou de traiter des paiements aux États-Unis.
La société affirme qu'une ordonnance de l'administration Trump viole son droit à une procédure régulière et à la liberté d'expression, et a demandé à un juge du district de Columbia de bloquer une règle qui obligerait Apple et Google à supprimer l'application de leurs magasins dimanche à minuit. « En l’absence de mesure d’injonction préliminaire, l’ordonnance du 6 août et les interdictions causeront aux demandeurs un préjudice irréparable » regrette TikTok qui estime avoir « droit à une réparation ».
En général, dans le cadre d’affaires similaires, si un gouvernement vient à lancer une investigation, il en informe l'entreprise en lui remettant une citation à comparaître ou un autre type d'avis exigeant une réponse aux allégations de faute ou de malversation. Il arrive aussi que des enquêteurs appellent les représentants de l'entreprise pour une réunion confidentielle au sujet d'une mesure d'exécution imminente. Cette procédure n’a pas été respectée, d’après le retour de l’équipe d’avocats de TikTok. Dit autrement, l’administration Trump n’a pas permis aux responsables de l’application de partage de vidéos d’exercer leur droit de réponse.
Enfin, Trump a émis les décrets en vertu des pouvoirs contenus dans la loi de 1977 sur les pouvoirs économiques d'urgence internationaux. Seulement, il semble que la loi américaine fixe des limites à l’utilisation de ce levier par le président. Par exemple, il ne peut pas être utilisé pour réglementer ou interdire les communications personnelles ou le partage de films et d'autres formes de médias. Or, le partage de vidéos est bien la filière dans laquelle se trouve TikTok. C’est également un argument sur lequel les responsables de l’application veulent s’appuyer.
Le DoJ s'oppose à la demande d'injonction
Vendredi, le ministère américain de la Justice a déposé son opposition à la demande d'injonction de TikTok. Le DOJ affirme que le blocage de l'interdiction « enfreindrait le pouvoir du président de bloquer les transactions économiques interentreprises avec une entité étrangère au milieu d'une urgence déclarée en matière de sécurité nationale ».
Le DOJ allègue également que Zhang Yiming, le PDG de la société mère de TikTok (ByteDance), est un « porte-parole » du Parti communiste chinois (PCC), et s’est « engagé à promouvoir le programme et les messages du PCC ».
De grandes parties du dossier du DOJ sont expurgées, y compris une section détaillant où le DOJ affirme que TikTok stocke les données des utilisateurs américains. La partie visible affirme que « les données des utilisateurs américains stockées en dehors des États-Unis présentent des risques importants dans ce cas ».
TikTok a poursuivi l'administration le mois dernier, affirmant que la décision de l'interdire dépassait les limites du pouvoir du président d'interdire une application pour des raisons d'urgence nationale. La société affirme avoir «fait des efforts extraordinaires pour essayer de satisfaire les demandes toujours changeantes du gouvernement et les prétendues préoccupations de sécurité nationale», notamment en modifiant la propriété et la structure de l’entreprise.
Les responsables de TikTok l’ont clairement fait savoir en réponse à la publication par l'administration Trump de deux décrets l’interdisant aux USA : « nous épuiserons tous les recours dont nous disposons afin de garantir que l’état de droit ne soit pas écarté et que notre société et nos utilisateurs soient traités équitablement par les tribunaux américains si l’administration s’y refuse. » L’application de partage de vidéos basée en Chine entend appuyer sur un certain nombre de leviers dont : l’absence de preuves de collusion avec le gouvernement chinois et l’anti-constitutionnalité de la mesure.
Interrogée sur la question de la possible collusion entre ByteDance et le gouvernement chinois, la CIA a répondu qu’ « il est possible que les autorités chinoises du renseignement interceptent des données ou utilisent l'application pour s'introduire dans les smartphones. Mais il n'y a aucune preuve qu'elles l'ont fait, malgré les appels du président Trump et du secrétaire d'État Mike Pompeo pour neutraliser une menace provenant de la présence de l'application sur des millions d'appareils américains. » Le manque de preuves de coopération avec le gouvernement chinois : c’est l’un des arguments que les responsables de TikTok entendent mettre en avant. Une redite du positionnement des responsables de la plateforme exprimé dans un récent billet de blog : « Nous avons clairement indiqué que TikTok n'a jamais partagé les données des utilisateurs avec le gouvernement chinois, ni censuré le contenu à sa demande. » Toutefois, « en vertu d'une loi chinoise introduite en 2017, les entreprises ont l'obligation de soutenir et de coopérer avec le travail de renseignement national du pays », a rapporté Reuters.
Une audience sur la requête en injonction préliminaire est prévue dimanche à 9h30 Heure de l'Est.
Sources : demande de TikTok, réaction du ministère de la Justice