Pékin a décidé samedi son intention de créer une liste noire d'entreprises étrangères considérées comme menaçant sa sécurité nationale ou agissant contre les intérêts commerciaux chinois. Cette liste noire, dont le contenu n'a pas été évoqué, semblait être une mesure de représailles à la décision de l'administration Trump de bannir les applications chinoises TikTok et WeChat des App Store américains dimanche.
Les tensions entre Pékin et Washington se sont intensifiées ces derniers mois, accélérant une spirale descendante dans les relations économiques et diplomatiques. La confrontation englobe désormais les politiques des deux pays en matière de commerce et de technologie, ainsi que sur Taiwan, Hong Kong, les droits de l’homme et d’autres sujets.
De nombreuses actions récentes des États-Unis ont incité la Chine à réagir. L’Armée populaire de libération a envoyé 19 avions de combat et bombardiers dans le détroit de Taiwan samedi et 18 la veille pour protester contre une visite dans l’île démocratique, que la Chine revendique comme son territoire, par un haut responsable du Département d’État.
En plus d'interdire TikTok et WeChat, l'administration Trump a empêché des dizaines d'entreprises chinoises d'acheter des produits américains. Le département du commerce a ajouté l’année dernière la grande enseigne technologique chinoise Huawei à son « Entity List », ce qui a limité la capacité de la société à utiliser des puces, des logiciels et d’autres technologies d’origine américaine.
Le ministère chinois du Commerce a publié samedi des règles décrivant une « liste d'entités non fiables » similaire, bien qu'il n'ait pas nommé d'entreprises ou d'individus spécifiques qui seraient inclus.
Les règles, qui sont entrées en vigueur immédiatement, indiquent que les entités étrangères figurant sur la liste pourraient se voir interdire d'exporter ou d'importer quoi que ce soit de Chine ou d'investir dans le pays. Les entreprises pourraient également se voir infliger une amende et leurs employés pourraient être empêchés d'entrer en Chine ou d'y travailler. Il en va de même pour ceux qui disposent déjà d'un permis de travail, d'un titre de séjour ou de résidence, tous ces documents pourraient être révoqués. Les entreprises concernées pourraient ne plus avoir la possibilité de faire entrer dans le pays tout actif qui leur servirait dans leurs activités (personnel, véhicules de fonction, etc.).
La Chine indique par ailleurs que la liste des mesures n'est pas exhaustive ; d'autres mesures pourraient être prises si elles s'avèrent « nécessaires »
La Chine condamne les actions de l'administration Trump contre WeChat et TikTok
Dans une déclaration distincte samedi, le ministère du Commerce a condamné les actions de l'administration Trump contre WeChat et TikTok, affirmant qu'un tel agissement avait nui à l'image des États-Unis en tant que destination des investissements étrangers :
« Les États-Unis ont interdit les transactions connexes avec les applications mobiles WeChat et TikTok pour des raisons de "sécurité nationale", portant gravement atteinte aux droits et intérêts légitimes des entreprises concernées et perturbant l'ordre normal du marché. La Chine s'y oppose fermement.
« Sans preuves, les États-Unis ont utilisé à plusieurs reprises le pouvoir national pour "chasser" et supprimer les deux sociétés susmentionnées pour des raisons injustifiées, perturbant gravement les activités commerciales normales des entreprises et sapant la confiance des investisseurs internationaux dans l'environnement d'investissement américain. Détruire l'ordre économique et commercial international n'est pas normal.
« La Chine exhorte les États-Unis à abandonner l'intimidation, à cesser immédiatement les actes répréhensibles et à maintenir sérieusement des règles et un ordre internationaux justes et transparents. Si les États-Unis insistent pour suivre leur propre chemin, la Chine prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder résolument les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises ».
La Chine est le plus grand fabricant mondial et domine l’offre mondiale d’une longue liste de produits dont les États-Unis ont besoin, notamment des métaux pour l’électronique grand public. Mais la menace de Pékin de réduire les exportations pourrait nuire à la propre réputation de la Chine en tant que fournisseur fiable.
Les multinationales ont fait de la Chine leur base de production afin de produire des marchandises rapidement, à moindre coût et efficacement. Les investissements étrangers en Chine ont non seulement créé des dizaines de millions d'emplois dans le pays, mais ont également élargi son savoir-faire technologique.
Ker Gibbs, le président de la Chambre de commerce américaine de Shanghai, a exprimé sa méfiance face aux nouvelles règles samedi, tout en soulignant que les entreprises américaines étaient déterminées à rester en Chine. « Chaque partie doit protéger ses propres intérêts en matière de sécurité, mais les entreprises ont besoin d'un environnement sûr et fiable pour continuer à investir », a-t-il déclaré.
Dans un article que le ministère chinois du Commerce a publié samedi sur son site Web, Liao Shiping, professeur à l'Université normale de Pékin, a déclaré que la liste noire ne signifiait pas que la Chine fermait son marché intérieur. « Face à la propagation du protectionnisme et à la baisse continue des investissements internationaux dans le monde, la Chine ne cesse de continuer à élargir la libéralisation », a déclaré Liao.
Le gouvernement chinois a lancé pour la première fois l'idée d'une liste d'entités non fiables l'année dernière, après que l'administration Trump a mis Huawei sur sa propre liste noire. Des responsables américains ont accusé Huawei d'avoir volé des secrets commerciaux et d'encourager l'espionnage par Pékin, ce que la société nie.
Depuis lors, le département du commerce a ajouté une variété d'autres organisations chinoises à sa liste, y compris des fabricants de matériel de surveillance et des entreprises aidant l'armée chinoise à construire des îles artificielles dans la mer de Chine méridionale contestée.
Des entreprises qui auraient beaucoup à perdre si la Chine venait à les ajouter dans sa liste noire
L’administration Trump a considérablement intensifié la lutte technologique entre les États-Unis et la Chine vendredi en définissant un calendrier pour réduire les activités de TikTok et WeChat aux États-Unis. Le président Trump avait publié des décrets visant les deux applications le mois dernier, affirmant que des données qu'elle recueille sur les Américains seraient accessibles au gouvernement chinois.
La société mère de TikTok, ByteDance, a depuis entamé des pourparlers avec Oracle et d’autres sociétés américaines au sujet d’une éventuelle acquisition et d’un partenariat. Samedi, TikTok en a un peu plus dit sur la manière dont le nouvel accord répond aux préoccupations du président en matière de sécurité :
« Nous sommes heureux que la proposition de TikTok, Oracle et Walmart résoudra les problèmes de sécurité de l’administration américaine et réglera les questions concernant l’avenir de TikTok aux États-Unis.
« Dans le cadre de cet accord, Oracle deviendra le fournisseur de technologie de confiance, responsable de l'hébergement de toutes les données des utilisateurs américains et de la sécurisation des systèmes informatiques associés pour s’assurer que les exigences américaines en matière de sécurité nationale soient pleinement satisfaites. Nous travaillons actuellement avec Walmart sur un partenariat commercial. Les deux sociétés participeront à un tour de financement avant introduction en bourse de TikTok Global dans lequel elles pourront prendre jusqu'à 20% de participation cumulée dans l'entreprise. Nous allons également maintenir le siège de TikTok Global aux États-Unis, tandis que nous apporterons 25 000 emplois à travers le pays ».
De son côté, le président Trump a déclaré avoir approuvé « dans son concept » l'offre d'Oracle pour TikTok. « J'ai donné ma bénédiction à l'accord », a déclaré Trump à des journalistes devant la Maison Blanche samedi alors qu'il partait pour un rassemblement en Caroline du Nord. « J'ai approuvé l'accord dans son concept ».
WeChat, une application de messagerie, de médias sociaux et de paiement omniprésente en Chine, devrait être largement inutilisable aux États-Unis après dimanche 27 septembre. Cela pourrait priver les Américains ayant des liens familiaux, commerciaux ou éducatifs en Chine d'un outil clé pour communiquer avec les gens à travers le Pacifique. La Chine a longtemps bloqué de nombreux services Internet occidentaux, notamment Facebook et Google.
D'autres entreprises étrangères ont beaucoup à perdre si la Chine décide de les ajouter à sa nouvelle liste noire.
Apple, par exemple, assemble la plupart de ses produits dans le pays. L’année dernière, la région de la Grande Chine représentait un sixième des ventes de l’entreprise. En juillet, Apple a commencé à assembler l’un de ses appareils phares, l’iPhone 11, dans l’usine Foxconn près de Chennai. C'est la première fois qu'Apple demande à un partenaire d'assemblage de produire le modèle d'iPhone de la génération actuelle en Inde.
Un petit lot d'iPhone 11 assemblés localement a déjà été expédié dans des magasins de vente au détail, mais le rendement de production est actuellement limité. La production sera intensifiée par étapes et Apple pourrait envisager d'exporter l'iPhone 11 « fabriqué » en Inde. La production locale des modèles actuels d’iPhone 11 illustre l’engagement supplémentaire d’Apple en Inde, le deuxième marché mondial de smartphones, alors qu’elle explore des moyens de réduire sa dépendance à la Chine, qui produit la grande majorité des modèles d’iPhone d’aujourd’hui.
Tesla a récemment ouvert une usine automobile géante à Shanghai. L'année dernière, la Chine a accusé FedEx d'avoir retardé les expéditions effectuées par Huawei après que le géant de la technologie ait été mis sur liste noire, ce qui a incité les médias d'État à suggérer que Pékin place la société de livraison sur toute liste d'entités non fiables.
Sources : ministère chinois du commerce (mesures), ministère chinois du commerce (commentaire sur les actions de l'administration Trump), ministère chinois du commerce (professeur Liao Shiping)
Après le bannissement de TikTok par Trump, la Chine prépare des mesures similaires.
Pékin a publié une série de règles qui pourraient lui permettre d'arrêter les activités d'entreprises étrangères
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Le , par Stéphane le calme
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