La question du monopole des GAFAM sur les différentes sphères du Web est sur la table depuis des années déjà, et la majorité des gouvernements conviennent qu’il y a lieu de trouver une solution en vue de développer un marché équitable pour toutes les entreprises, mais aussi pour encourager la concurrence. Ainsi, dans le cadre des enquêtes antitrust qui le visent, un haut cadre de Google, en la personne de Donald Harrison, a été confronté mardi au Sénat à un interrogatoire bipartite sur la domination de l'entreprise dans le domaine de la publicité numérique.
Google nie détenir un monopole et estime qu’il existe une concurrence
Notons que les activités de recherche et de publicité massives de Google sont au cœur des enquêtes du ministère de la Justice et de presque tous les procureurs généraux de l'État. Le ministère s'apprêterait à intenter un procès à la société dans les prochaines semaines. Mardi, les sénateurs ont interrogé Donald Harrison, le président de la division “Global Partnerships and Corporate Development” de l’entreprise, sur la portée et l'ampleur de l'activité de publicité numérique de Google. Les questions ont concerné dans un premier les outils publicitaires de la société.
« Connaissez-vous une autre société qui exerce ce genre de concentration et de domination à tous les niveaux de la pile publicitaire », a demandé le sénateur Josh Hawley, R-Mo, en référence à la collection d'outils reliant les annonceurs aux éditeurs. « Google est impliqué dans presque toutes les étapes de la chaîne, partant des annonceurs qui cherchent à placer leurs annonces aux éditeurs qui vendent de l'espace sur leurs sites Web », a fait remarquer le sénateur. En plus de cela, le sénateur Hawley n’a pas hésité à rappeler les conclusions du régulateur antitrust du Royaume-Uni, la CMA.
Harrison, témoignant à distance par vidéo, a répondu que « les éditeurs et les annonceurs ont d'autres choix que Google ». Il a souligné le fait que les prix de la publicité numérique ont baissé au fil des années, la preuve que la concurrence est robuste. La réponse de Harrison signifie en effet que les annonceurs portent volontairement leur choix sur l’entreprise. Selon lui, il s’agit d’une chose qui n’a aucun trait monopoliste. Cet aspect de la chose, certains l’expliquent par le fait que Google représente un opérateur historique aux yeux des annonceurs et des gens en général.
Il bénéficie d’avantages considérables sur le marché, dont le trafic Web via son moteur de recherche et les données qui en découlent. Il faut en effet avoir accès à des données personnelles pour faire de la publicité ciblée, ce qui n’est pas le cas de toutes les entreprises engagées dans le secteur, mis à part Facebook. Ainsi, les analystes estiment que c’est cela qui lui confère une position dominante. Google utilise ensuite les données acquises grâce à sa position dominante sur le marché pour créer des filiales afin de faire une concurrence déloyale aux autres entreprises du secteur.
La sénatrice Amy Klobuchar (D-Minn.) a demandé à Harrison “pourquoi le secteur de la publicité numérique ne devrait pas être réglementé pour éviter les conflits d'intérêts, les opérations personnelles inappropriées et les transactions qui utilisent des informations privilégiées, car les marchés financiers sont réglementés”. « Je pense qu'il y a un choix énorme. Je pense qu'il y a de nombreux concurrents. Je pense que les prix ont baissé. Je ne vois pas la défaillance du marché qui nécessiterait une réglementation », a déclaré Harrison en réponse à la question.
Par la suite, les sénateurs républicains ont aussi profité de l'occasion pour demander à Harrison si Google a un parti pris contre les conservateurs. La question fait référence à une plainte de longue date déposée par la droite et pour laquelle il existe peu de preuves. Les républicains, dont Hawley, Ted Cruz du Texas, ainsi que le président de la sous-commission Mike Lee de l'Utah, ont quand même tenté de présenter leurs plaintes sur les préjugés anti-conservateurs comme des preuves de l'influence indue de Google. Il aurait interdit un site Web conservateur de son réseau de publicité.
« Ce comportement n'est-il pas la preuve d'un pouvoir de marché ? », a demandé le sénateur Mike Lee. Harrison a répondu que les commentaires sur le site Web, le fédéraliste, avaient violé les politiques de Google contre le racisme. « Nous avons été clairs dans nos politiques que nos publicités ne peuvent pas apparaître à côté de ce genre de commentaires », a-t-il dit. Les enquêtes antitrust sur les grandes entreprises technologiques sont de plus en nombreux. Les PDG de Google, Facebook, Apple et Amazon ont témoigné ensemble devant une commission de la Chambre en juillet.
Les conclusions de l’enquête de la CMA sur Google et Facebook
Dans son rapport sur la publicité numérique en décembre 2019, la CMA a démontré que Google détient des positions dominantes dans différentes parties du marché des technologies publicitaires, allant de 40 % à plus de 90 %. Elle a révélé que, si les services fournis par ces entreprises (Google et Facebook) semblent être gratuits, les utilisateurs les paient d’une façon indirecte en fournissant leur attention et leurs données personnelles, que les plateformes utilisent pour vendre de la publicité. Au Royaume-Uni, les gens passeraient en moyenne 3 heures et 15 minutes en ligne chaque jour.
La CMA explique que plus d'un tiers de ce temps est passé sur des sites appartenant soit à Google (y compris YouTube), soit à Facebook (y compris Instagram et WhatsApp). De ce fait, le secteur de la publicité numérique a connu une croissance massive et vaut aujourd'hui environ 13 milliards de livres sterling, soit bien plus que toute autre forme de publicité. Selon les conclusions de l’enquête, Google a généré plus de 90 % de l'ensemble des revenus provenant des annonces de recherche au Royaume-Uni en 2018, avec des recettes d'environ 6 milliards de livres sterling.
La même année, Facebook a représenté près de la moitié des revenus de la publicité par affichage au Royaume-Uni, atteignant plus de 2 milliards de livres sterling. « “Grand” ne signifie pas nécessairement “mauvais” et ces plateformes ont déployé sur le marché des produits et des services très innovants et de grandes valeurs. Mais la CMA craint que leur position ne se soit ancrée, avec des conséquences négatives pour les personnes et les entreprises qui utilisent ces services au quotidien », a écrit l’organisme de régulation dans son rapport.
Selon la CMA, l'absence de réelle concurrence avec Google et Facebook pourrait signifier que les gens passent déjà à côté de la prochaine grande nouvelle idée d'un rival potentiel. Cela pourrait également se traduire par un manque de choix approprié pour les consommateurs et des prix plus élevés pour les annonceurs, ce qui pourrait entraîner la hausse des coûts des biens et services, notamment les vols, l'électronique et les assurances achetés en ligne. Mais ce n’est pas tout. L’enquête de la CMA a également étudié le sujet concernant la presse et les éditeurs.
À ce propos, elle estime que la position de Google et de Facebook sur le marché peut potentiellement saper la capacité des journaux et des autres éditeurs à produire du contenu de valeur, puisque leur part de revenus est réduite par les grandes plateformes.
Sources : Audience des sénateurs, L’enquête de la CMA
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