Une ex-employée de Facebook s’affiche désormais comme dénonciateur et a publié un mémo de plus 6 000 mots dans lequel il démontre comment l’entreprise était au courant du fait que les dirigeants des pays du monde entier utilisaient son site pour manipuler les électeurs et n'a pas agi. Selon lui, Facebook a ignoré ou mis du temps pour agir sur la preuve que les faux comptes sur sa plateforme ont sapé les élections et les affaires politiques dans plusieurs pays. Ce rapport intervient à un moment où la société est plus que jamais critiquée sur sa politique de modération.
Il semble que plus aucun mois ne passe sans que le nom de Facebook soit cité dans un scandale. Cette fois, c’est une employée que Facebook a renvoyée récemment qui est à l’origine de la dénonciation. Sophie Zhang, ancienne spécialiste des données de Facebook, a rédigé un mémo de 6 600 mots au sein duquel elle a donné de nombreux exemples concrets de chefs de gouvernement et de partis politiques en Azerbaïdjan et au Honduras qui ont utilisé de faux comptes ou se sont présentés sous un faux jour pour influencer l'opinion publique dans leur pays.
Dans d’autres pays, comme l'Inde, l'Ukraine, l'Espagne, le Brésil, la Bolivie et l'Équateur, Zhang a recensé des preuves de campagnes coordonnées de tailles diverses visant à stimuler ou entraver les candidats ou les résultats politiques. Même si Zhang n’a pas toujours précisé dans le rapport qui était derrière ces campagnes, les experts pensent que ce comportement qu’a eu Facebook mérite d’être examiné de près. Toutefois, un autre problème est de savoir par qui cet examen pourrait être fait, car ce sont les élus censés protéger les citoyens de ces attaques qui s’y adonnent finalement.
« Au cours des trois années que j'ai passées chez Facebook, j'ai découvert de multiples tentatives flagrantes de gouvernements étrangers d'abuser de notre plateforme à grande échelle pour tromper leurs propres citoyens, et de provoquer des nouvelles internationales à de multiples occasions », a écrit Zhang. Son profil LinkedIn indique que celle-ci a travaillé en tant que spécialiste des données au sein de l'équipe “Facebook Site Integrity” qui surveille les faux engagements et qu'elle s'est spécialement concentrée sur les “robots qui influencent les élections et autres".
« J'ai personnellement pris des décisions qui ont affecté des présidents nationaux sans aucune supervision, et j'ai pris des mesures pour les faire appliquer contre tant de politiciens éminents dans le monde que j'ai perdu le compte », a-t-elle confié. Selon les analystes ayant parcouru le mémo, il s’agit d’un compte rendu accablant des échecs de Facebook. C'est l'histoire de Facebook qui a abdiqué sa responsabilité, celle de surveiller et réprimer les activités malveillantes sur son site pouvant affecter le destin politique de nations en dehors des États-Unis ou de l'Europe occidentale.
C'est en outre l'histoire d'un employé subalterne exerçant des pouvoirs de modération extraordinaires qui ont affecté des millions de personnes sans véritable soutien institutionnel, et le tourment personnel qui s'en est suivi. « Je sais que j'ai du sang sur les mains maintenant », s’est indignée Zhang. L'échec de l’entreprise à éradiquer les bots, ou les comptes automatisés, opérant au nom de personnalités politiques soulève de plus en plus de questions sur l'efficacité avec laquelle elle peut contrôler une plateforme utilisée par plus de 2,7 milliards de personnes.
Voici par exemple une dénonciation du mémo de Zhang. Elle explique qu’il a fallu neuf mois aux dirigeants de Facebook pour agir dans le cadre d'une campagne organisée “qui a utilisé des milliers de moyens non authentiques afin de donner un coup de pouce massif au président du Honduras, Juan Orlando Hernandez, pour tromper le peuple hondurien”. Deux semaines après que Facebook ait pris des mesures contre les auteurs de ces actes en juillet, ceux-ci sont revenus, ce qui a entraîné Facebook et les agents derrière les faux comptes dans une partie du jeu de la taupe.
Zhang a été licenciée en août et a quitté Facebook début septembre. Dans son mémo, elle a spéculé que la raison pour laquelle elle a perdu son emploi chez Facebook est en grande partie due au fait qu'elle a négligé les tâches routinières de son travail afin de se concentrer sur l'activité politique des faux comptes. En réponse aux allégations de son ex-employée, Facebook a déclaré à travers un porte-parole que l’entreprise supprime régulièrement les campagnes d'influence coordonnées et dispose aussi d'une importante équipe travaillant sur la sécurité.
« Nous avons formé des équipes spécialisées, travaillant avec des experts de premier plan, dans le but d’empêcher les mauvais acteurs d'abuser de nos systèmes, ce qui a abouti à la suppression de plus de 100 réseaux pour comportement coordonné inauthentique », a déclaré lundi Liz Bourgeois, porte-parole de Facebook. « C'est un travail très impliqué que ces équipes effectuent à plein temps. Notre objectif principal est de lutter contre les comportements non authentiques coordonnés, mais nous nous attaquons également aux problèmes de spam et des faux engagements ».
« Nous étudions minutieusement chaque question, y compris celles que Zhang soulève, avant d'agir ou de faire des déclarations publiques en tant qu'entreprise », a-t-elle continué. Ces révélations de Zhang traduisent en effet un manque de volonté de la part des hauts dirigeants de protéger les processus démocratiques dans les petits pays. Selon Zhang, Facebook a donné la priorité à certaines régions, dont les États-Unis et l'Europe de l'Ouest, et n'a souvent agi que lorsqu'elle a insisté à plusieurs reprises sur cette question dans des commentaires sur Workplace, le babillard interne de l'entreprise réservé aux employés.
Le rapport de Zhang obtenu et publié lundi par BuzzFeed News continent d’autres révélations que celles-ci et des détails plus approfondis sur la façon dont Facebook s’est privé d’exercer sa responsabilité dans certaines zones du monde. Les premières critiques appellent à mettre en place des lois qui permettront de punir sévèrement voire de fermer entièrement les réseaux sociaux qui se laissent aller à ce type d’agissements. Alors, faut-il en venir à interdire Facebook ? Cette solution est avancée par plusieurs personnes et d’autres appellent à commencer par réduire la taille de l’entreprise.
Les élections US sont dans environ deux mois et Facebook ne prévoit pas de fermer ses offres publicitaires ou autres formes de campagnes au moins un mois avant le jour du vote. L’entreprise entend permettre aux candidats de mener tout type de campagnes jusqu’à sept jours avant le jour du vote avant de fermer boutique. C’est une approche que beaucoup dénoncent et critiquent, rappelant les événements qui ont eu lieu en 2016 où Cambridge Analytica a pu obtenir et exploiter les données personnelles de millions d'Américains dans le cadre des élections.
Source : The New York Times
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Le , par Bill Fassinou
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