
« Ces dernières semaines, alors que le climat politique a fortement changé, j'ai mené une réflexion importante sur ce que les changements structurels de l'entreprise vont nécessiter, et ce que cela signifie pour le rôle mondial auquel j'ai souscrit », a confié Mayer à ses employés mercredi dernier dans un courrier électronique auquel Financial Time a eu accès. « Dans ce contexte, et comme nous espérons parvenir à une résolution très bientôt, c'est avec le cœur lourd que je voulais vous faire savoir que j'ai décidé de quitter l'entreprise », a-t-il ajouté.
En effet, les derniers mois n’ont pas été des meilleurs pour TikTok. Il fait l’objet d’une impressionnante pression de la part des États-Unis visant à le forcer à vendre son activité américaine à une entreprise nationale, une action qui empiète sur le rôle de Mayer. Celui-ci a loué les efforts des employés, en disant « qu'il n'y a aucun doute que l'avenir [de TikTok] est incroyablement brillant ». Mais en même temps, il a dit être sûr que le rôle pour lequel il a signé, y compris la gestion de TikTok sur le plan mondial, sera très différent à la suite de cette vente.
Kevin Mayer
Pour rappel, Kevin Mayer a rejoint TikTok en juin. Avant cela, il était l'un des principaux dirigeants de Disney, chez qui il a dirigé avec succès le lancement du service de streaming Disney+. En février, alors que plusieurs le jugeaient le mieux placé pour être le prochain PDG, il a été inopinément remplacé par Bob Chapek pour succéder au PDG sortant de Disney, Bob Iger. Trois mois plus tard, il a annoncé qu'il prenait la direction de TikTok, ce qui a donné lieu à des dizaines d'articles sur la croissance fulgurante de TikTok et sur son potentiel à devenir une force médiatique importante.
Cela dit, le tumulte autour de lui ne lui laisse pas le champ libre pour exécuter pleinement sa mission de dirigeant. « Nous reconnaissons que la dynamique politique de ces derniers mois a fortement modifié l'étendue du rôle de Kevin et nous respectons pleinement sa décision », a déclaré un porte-parole de TikTok dans une déclaration au sujet du départ de Mayer. « Nous le remercions pour le temps qu'il a passé dans l'entreprise et lui souhaitons bonne chance ». Selon le rapport de Financial Time, Vanessa Pappas, directrice générale de TikTok, prendra le poste par intérim.
Par ailleurs, depuis le déclenchement de l’action américaine contre l’entreprise chinoise, les principaux acteurs ayant entamé des pourparlers avec ByteDance, le propriétaire de TikTok, sont Microsoft et Oracle. À ce jour, plusieurs rapports révèlent que l’entreprise est plus proche de vendre à Microsoft qu’aux autres intéressés. Le détaillant américain Walmart s’est sûrement également aperçu que la balance pesait plus du côté de la firme de Redmond puisqu’il a annoncé cette semaine qu'il se joignait à Microsoft dans une offre pour les actifs américains de TikTok.
Selon Reuters, ByteDance a l'intention de démarrer des pourparlers exclusifs avec un soumissionnaire dans les prochaines 24 à 48 heures et de conclure un accord d'ici le 15 septembre. Le média londonien rapporte que Walmart est persuadé qu’un partenariat tripartite serait une bonne chose. « Nous sommes convaincus qu'un partenariat entre Walmart et Microsoft répondrait à la fois aux attentes des utilisateurs américains de TikTok et aux préoccupations des autorités américaines de régulation », a annoncé Walmart dans un communiqué.
Walmart a loué l'intégration par TikTok des capacités de commerce électronique et de publicité sur d'autres marchés. Plus précisément, un tel accord aiderait Walmart à atteindre ses clients par le biais de canaux de vente à la fois virtuels et physiques et à développer son marché en ligne et ses activités publicitaires. Les parts de Walmart ont augmenté de 6 % à la suite de cette déclaration. Outre le marché américain, ByteDance est aussi confronté au même défi en Inde, mais Zhang Yiming, le fondateur et PDG de ByteDance, a dit qu’il s’employait à rapidement résoudre ces problèmes.
Selon ses dires, Mayer a rejoint l'entreprise au moment où celle-ci « entrait dans une période qui est sans doute la plus difficile de sa vie ». « Il n'est jamais facile d'arriver à un poste de direction dans une entreprise qui évolue aussi rapidement que nous, et les circonstances qui ont suivi son arrivée ont rendu la chose d'autant plus complexe », a déclaré Zhang. Pour l’heure, ByteDance doit vendre les opérations de TikTok en Amérique du Nord, en Australie et en Nouvelle-Zélande, des ventes qui pourraient valoir entre 25 et 30 milliards de dollars, selon les experts.
Au milieu de la méfiance croissante entre Washington et Pékin, c’est les entreprises chinoises, à l’instar de Huawei et de TikTok, qui semblent actuellement payer le prix fort. De son côté, TikTok a intenté une action en justice contre l'administration Trump, qui le classe comme une menace pour la sécurité nationale. « L'administration [Trump] a ignoré nos efforts considérables pour répondre à ses préoccupations, ce que nous avons fait pleinement et de bonne foi », a déclaré TikTok dans un communiqué de presse la semaine passée.
« Nous ne prenons pas les poursuites contre le gouvernement à la légère. Cependant, nous pensons que nous n'avons pas d'autre choix que de prendre des mesures pour protéger nos droits, ainsi que ceux de notre communauté et de nos employés », a ajouté l’entreprise. D’autre part, il y en a qui pense que les efforts de l’administration Trump pour forcer la vente des activités américaines de TikTok à une entreprise nationale mettent à mal la liberté sur Internet. « Si les États-Unis interdisaient TikTok, ce serait le début d’une plus sérieuse balkanisation d’Internet », estime Eva Galperin, directrice de la cybersécurité à l’Electronic Frontier Foundation.
Selon elle, l’excuse de la menace contre la sécurité nationale émise par Trump ne permet pas un pouvoir illimité. Galperin pense qu’il ne peut pas simplement décider qu’une chose représente une menace à la sécurité nationale américaine et le faire bannir du pays. « Il doit venir à bout du droit au premier amendement de TikTok de distribuer son code en vertu de la liberté d’expression, mais également du droit d’Apple et Google de distribuer TikTok dans leurs magasins d’applications », a-t-elle confié au micro du journal Le Monde.
Source : Reuters
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