Comme d'autres pays d'Europe, la France prépare le terrain pour son marché mobile 5G de nouvelle génération au milieu d'une tempête géopolitique croissante entre deux superpuissances mondiales. Les États-Unis affirment que les équipements de Huawei pourraient être utilisés par le gouvernement chinois à des fins d'espionnage (une déclaration tout de suite contestée par Huawei et Pékin) et ont fait pression sur leurs alliés pour qu'ils l'interdisent à leur tour.
Comme pour rassurer l’entreprise chinoise, l’administration Macron a déclaré en novembre 2019 par la voix d’Agnes Pannier-Runacher, la secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, que Huawei qui détient quasiment 30 % du marché de la 4G dans le pays ne serait pas particulièrement ciblé. « Il n’y aura pas d’exclusion et le gouvernement procédera au cas par cas dans le choix des équipementiers pour le déploiement de la 5G ».
Pour rassurer l’Europe et principalement la France, eu égard aux risques d’espionnage décriés par l’administration Trump contre Huawei, l’entreprise chinoise a annoncé en février dernier un investissement de 200 millions d’euros pour la construction d’une usine de production d’équipements réseau 4G et 5G en France. Une fois achevée, il s’agira de la plus grande usine du constructeur hors de Chine. En effet, en dehors de la Chine, Huawei détient jusqu’à présent seulement une usine de production en Inde où sont conçus des smartphones. Ailleurs dans le monde, il s’agit de sites d’assemblage. Le projet devrait créer 500 emplois directs.
« Le site va fournir toute l’Europe, pas seulement la France », a indiqué le président de Huawei, Liang Hua, lors d’une conférence de presse, ajoutant que les activités de Huawei étaient mondiales et que le groupe se devait à ce titre d’avoir une empreinte industrielle globale. « Le site commencera à fabriquer des équipements radio et se développera ensuite vers d'autres produits à l'avenir, en fonction des besoins du marché européen », a-t-il expliqué. Il n'a pas précisé où l'usine, qui produira environ un milliard d'euros d'équipement par an, serait située ni quand elle commencerait sa production.
Néanmoins, en juillet 2020, les autorités françaises ont déclaré aux opérateurs de télécommunications prévoyant d'acheter des équipements Huawei 5G qu'ils ne seraient pas en mesure de renouveler les licences une fois expirées, ce qui a pour effet d'éliminer progressivement la société chinoise des réseaux mobiles. Durant le même mois, l'agence française de cybersécurité, l'ANSSI, a déclaré qu'elle permettrait aux opérateurs d'utiliser des équipements, y compris ceux de Huawei, sous des licences de trois à huit ans. Mais elle a ajouté qu'elle exhortait les opérateurs télécoms n'utilisant pas actuellement l'équipement de la société chinoise à éviter de se tourner vers celui-ci.
Officiellement, l’équipementier ne fait l’objet d’aucune mesure ciblée pour l'évincer de notre territoire comme c'est le cas aux États-Unis ou dans d'autres pays d'Europe. Officieusement, un décret a été pris pour limiter l’emprise de ses futures antennes 5G sans jamais le nommer.
Une situation qui est donc particulièrement gênante pour Bouygues Telecom et Altice Europe SFR, les deux opérateurs télécoms français qui utilisent déjà les équipements de Huawei dans leur réseau mobile actuel. Les nouvelles autorisations pour les équipements de réseau 5G sont liées aux équipements 4G existants, ce qui signifie que si un opérateur choisit un fournisseur différent pour la 5G, il devra également remplacer son infrastructure 4G existante. Les entreprises ont déjà déclaré à plusieurs reprises cette année qu'un tel scénario, dans lequel elles pourraient être contraintes de remplacer une partie de leur réseau à un coût élevé, les conduirait à demander une compensation à l'État.
Des sources annonçaient déjà que de telles restrictions équivaudraient à une élimination de facto de Huawei dans les réseaux 5G français d'ici 2028, compte tenu du court laps de temps des licences. Et les illustrations n'ont pas tardé à se dessiner.
En effet, lors d’une conférence sur les résultats financiers du groupe Bouygues qui a eu lieu jeudi, Olivier Roussat, le directeur général adjoint de Bouygues, a annoncé que Bouygues va remplacer 3000 antennes mobiles fabriquées par Huawei en France d’ici 2028 à la suite d’une décision des autorités du pays de retirer les équipements fabriqués par la société chinoise des zones très peuplées.
« Un certain nombre de sites devront progressivement être démantelés », a déclaré à la presse le directeur général adjoint de Bouygues Olivier Roussat lors d'un appel, ajoutant qu'il y avait 3000 sites équipés d'équipements Huawei.
« Le démantèlement sera réalisé sur une période de huit ans, avec un impact limité sur nos résultats d'exploitation », a déclaré Roussat.
Bouygues, qui a également publié jeudi des résultats du premier semestre supérieurs aux prévisions, n’a pas précisé quel équipement de la société il utiliserait à la place de celui de Huawei.
Roussat a déclaré que l'équipement mobile de Huawei était déjà interdit dans les villes de Brest, Strasbourg, Toulouse et Rennes. Les équipements mobiles fabriqués par la firme chinoise ne peuvent pas non plus être utilisés à Paris.
Bouygues, dont les activités couvrent les médias, la construction et les télécoms, a déclaré à plusieurs reprises qu'il demanderait une compensation à l'État français s'il devait remplacer les équipements Huawei. Le directeur général adjoint a déclaré que le groupe a lancé plusieurs procédures judiciaires en parallèle contre l'État français. Le PDG adjoint n'a pas hésité à rappeler que les interdictions ne visaient jusqu'à présent que les zones très peuplées.
Source : Reuters
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Bouygues Telecom va retirer environ 3000 antennes mobiles fabriquées par Huawei d'ici 2028
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Le , par Stéphane le calme
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