Mettre Huawei sur liste noire l'a peut-être empêché de profiter des licences sur une technologie américaine critique, mais Huawei cherche à générer des revenus par d'autres moyens. Huawei a déposé des demandes de violation de brevet contre Verizon ainsi que pour des produits que Verizon acquiert auprès d'autres sociétés américaines telles que Cisco et Hewlett-Packard ; Huawei exige le paiement de royalties pour des centaines de brevets. Les brevets de Huawei ne sont pas nécessairement utilisés dans les produits des entreprises, mais Huawei est autorisé à utiliser le processus juridique pour contraindre le tribunal à se pencher sur les informations confidentielles de Verizon et de ses fournisseurs. Des observateurs pensent que Huawei pourrait alors utiliser illégalement ces données pour enrichir ses connaissances sur les produits et technologies de ses concurrents.
Pour ne rien arranger, un changement de politique des États-Unis sur les technologies standardisées a involontairement suralimenté le jeu de brevets de Huawei, donnant la possibilité au Chinois de revenir sur ses engagements antérieurs d'accorder des licences équitables sur ses brevets. Cela pourrait empêcher les titulaires de licence en aval d'expédier et de vendre des produits, ce qui pourrait nuire à de nombreuses entreprises américaines.
En ce qui concerne l'industrie mobile, l'analyste Richard Windsor explique que si la 5G était un avion, les brevets des moteurs, les ailerons et les ailes (les brevets essentiels standard ou SEP) sont détenus par Qualcomm, Nokia et Ericsson tandis que Huawei détient les brevets pour les chariots de boissons ainsi que pour les sièges. En 2019, Nokia a généré 740 millions de dollars de revenus en royalties ; Ericsson, environ 800 millions de dollars. Le seul chiffre comparable pour Huawei est un « gain / (perte) net » de 98 millions de dollars pour 2018, noté dans ses états financiers. Ce chiffre montre la faible valeur des brevets de Huawei.
Cependant, bien que tous les brevets ne soient pas égaux, les titulaires de brevets ont un accès égal aux tribunaux américains. En tant que tel, Huawei, récemment considéré comme une société-écran pour l'armée chinoise, utilise ses brevets de manière spéculative alors qu'il fait face à un éventail d'accusations : vol de secrets commerciaux, fraude électronique et obstruction à la justice ; blanchiment d'argent, complot en vue de frauder les États-Unis et violations des sanctions ; et complot de racket et complot pour voler des secrets commerciaux.
Les technologies standardisées utilisées dans de nombreuses entreprises et produits (5G, Bluetooth, WiFi, etc.) sont basées sur les propriétaires de brevets qui acceptent volontairement de concéder sous licence leurs brevets en vertu des accords FRAND (équitables, raisonnables et non discriminatoires). Les propriétaires de brevets adoptent cette structure, car elle leur permet de tirer des revenus de leurs brevets tandis que d'autres entreprises paient des frais pour mettre en œuvre la norme (souvent de manière innovante, en générant des produits plus nombreux, différents et meilleurs pour le consommateur). Mais FRAND et d'autres accords de bonne foi contraignent également les titulaires de SEP, les empêchant de s'engager dans des pratiques de licence discriminatoires telles que refuser à un concurrent l'accès à la technologie. Une fois qu'un accord FRAND est conclu, les titulaires de brevets ne peuvent plus reculer et retenir captives les entreprises en refusant d'accorder une licence. Comme l'explique Michael Rosen, avocat plaidant en matière de brevets et associé à l'American Enterprise Institute, « les propriétaires de SEP sont, par définition, obligés de négocier de bonne foi pour fournir une licence aux conditions FRAND. S'ils abusent de leurs obligations FRAND, ils ne devraient pas avoir le droit d'en récolter les bénéfices ».
Auparavant, la politique américaine obligeait en fait les titulaires de SEP à tenir leurs accords FRAND. Cependant, la nouvelle politique publiée conjointement en 2019 par le ministère de la Justice (DOJ), le US Patent and Trademark Office (USPTO) et le National Institute of Standards and Technology (NIST), modifie l'équilibre des pouvoirs entre le propriétaire et le licencié du SEP en supprimant d'importants obstacles juridiques au refus d'un titulaire de brevet de concéder sous licence ses brevets à des concurrents ou à des fournisseurs de composants. Huawei, malheureusement, est susceptible de militariser ce changement pour punir les entreprises américaines. En outre, Huawei peut également refuser d'accorder des licences à des fournisseurs de composants tiers pour les entreprises américaines, voire demander une injonction pour fermer efficacement les chaînes d'approvisionnement pour les produits américains.
Il est probable que l'administration Trump n'avait tout simplement pas réfléchi à la manière dont Huawei retournerait la loi américaine sur les brevets contre les entreprises américaines, car le président Donald Trump et son équipe ont constamment mené la charge pour débarrasser les infrastructures de communication aux États-Unis et chez leurs alliés du contrôle des entreprises chinoises, en particulier en ce qui concerne la 5G. Néanmoins, le Ministère pourrait étouffer cette initiative de l'entreprise chinoise dans l’œuf en clarifiant quelles parties peuvent demander une licence et en interdisant que des injonctions soient introduites par des parties qui ont accepté un engagement FRAND. Dans cette optique, les Sénateurs Marco Rubio (R-FL) et John Cornyn (R-TX) ont proposé des projets de loi pour empêcher Huawei (et potentiellement toute entreprise ajoutée à la liste noire) d'abuser de ces avantages qui sont censés profiter aux acteurs légitimes du marché.
Source : nouvelle politique sur les brevets, analyse de Richard Windsor, analyse de Bird&Bird, chefs d'accusation contre Huawei au sein du ministère de la Justice (vol de secrets commerciaux, fraude électronique et obstruction à la justice; blanchiment d'argent, complot en vue de frauder les États-Unis et violations des sanctions; et complot de racket et complot pour voler des secrets commerciaux), proposition de loi des Sénateurs
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Huawei voudrait court-circuiter les approvisionnements d'entreprises US via la juridiction US sur les brevets
Pour avoir été écartée du marché de l'infrastructure réseau par l'administration Trump
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Le , par Stéphane le calme
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