Jeanna Matthews mène des recherches dans plusieurs domaines de l’informatique, dont les médias sociaux. Dans son billet, elle a déclaré qu’il est primordial que vous gardiez à l’esprit que des pirates informatiques et même certains gouvernements étrangers utilisent les médias sociaux pour vous manipuler et vous attaquer. Premièrement, elle estime que la menace vient des robots et des marionnettes qu’ils utilisent sur les différents types de réseaux sociaux. Selon son analyse, ces derniers ne se contentent pas de vous alimenter en messages que vous suivez.
En effet, ils utilisent des algorithmes afin d’organiser ce que vous voyez en fonction de vos goûts ou de vos votes. Un message est montré à certains utilisateurs, et plus ces personnes réagissent, de façon positive ou négative, et plus il sera mis en valeur auprès des autres. Malheureusement, ce sont les mensonges et les contenus extrêmes qui suscitent souvent plus de réactions et se répandent donc rapidement et largement. Selon elle, ce vote est très souvent réalisé par une armée de comptes, appelés “bots”, qui ne correspondent pas à des personnes réelles.
Jeanna Matthews, professeur d’informatique à l’université de Clarkson
En fait, ils sont contrôlés par des hackers, souvent à l'autre bout du monde. Elle cite en exemple une autre étude selon laquelle des chercheurs ont rapporté que plus de la moitié des comptes Twitter qui discutent de Covid-19 sont des bots. Mais elle estime que les choses vont bien plus loin que cela. « En ma qualité de chercheur sur les médias sociaux, j'ai vu des milliers de comptes avec la même photo de profil comme des messages à l'unisson. J'ai vu des comptes poster des centaines de fois par jour, bien plus que ce qu'un être humain pourrait faire », a-t-elle déclaré.
« J'ai vu un compte qui s’est présenté comme étant une “femme de l'armée patriotique américaine” de Floride publier en anglais des messages obsessionnels sur les immigrants. Cela dit, l'historique du compte a révélé que les messages ont été publiés depuis l'Ukraine », a-t-elle ajouté. Selon Matthews, ce type de comptes sont connus sous le nom de “marionnettes à chaussettes”, ce qui suggère une main cachée parlant à travers une autre identité. Elle a expliqué que dans de nombreux cas, cette tromperie peut être facilement révélée en examinant l'historique du compte.
Mais dans certains cas, il y a un gros investissement pour que les comptes de marionnettes à chaussettes semblent réels. Comme exemple, elle cite un compte utilisateur du nom de Jenna Abrams, un compte de 70 000 adeptes, qui aurait été cité par les grands médias à l’instar du New York Times à cause de ses opinions xénophobes et d'extrême droite. Mais, il s'agissait en effet d'une invention contrôlée par l'Agence de recherche Internet, une ferme de trolls financée par le gouvernement russe, et non d'une personne vivante qui respire.
Deuxièmement, elle estime qu’en procédant ainsi, ces trolls sèment le chaos. Cela crée ensuite la division entre les gens et les amène à devenir méfiants. Par exemple, des chercheurs ont conclu en 2018 que certains des comptes les plus influents des deux côtés des questions conflictuelles, comme Black Lives Matter et Blue Lives Matter, étaient contrôlés par des fermes de trolls. Les trolls ne se contentent pas d'attiser le désaccord, ils veulent encourager la croyance selon laquelle la vérité n'existe plus. Elle estime qu’en fin de compte, l’idée est de diviser pour mieux régner.
La société tout entière est subtilement manipulée pour faire croire qu'ils sont aux antipodes sur de nombreuses questions alors qu'il existe un terrain d'entente légitime. Matthews a annoncé qu’elle s’est surtout basée sur des exemples aux États-Unis, mais que ces attaques se produisent partout dans le monde. À la fin de son analyse, elle a présenté quelques idées sur ce que vous pouvez faire à ce sujet. En premier lieu, elle recommande d’utiliser les réseaux sociaux de manière plus délibérée. Cela signifie que vous devez éviter de consommer le fil d’actualité par défaut.
Plus précisément, il est beaucoup mieux que vous suiviez quelqu’un en particulier. Vous pourriez être surpris de voir ce que vous avez manqué. Ensuite, aidez vos amis et votre famille à trouver vos messages en utilisant des fonctionnalités comme l'épinglage de messages clés en haut de votre flux. En second lieu, faites pression sur les plateformes de médias sociaux pour qu'elles suppriment les comptes qui présentent des signes évidents d'automatisation. Demandez plus de transparence dans la façon dont les messages sont promus et qui passe des annonces.
À titre d’exemple, vous pouvez vous plaindre directement du flux d'informations de Facebook ou bien faire part de vos préoccupations aux législateurs. Troisièmement, Matthews, recommande d’être conscient des sujets favoris des trolls et d'être sceptique à leur égard. Ils sont peut-être plus intéressés par la création du chaos, mais ils montrent aussi des préférences claires sur certains sujets. Par exemple, les trolls veulent rouvrir rapidement les économies sans une véritable gestion pour aplatir la courbe de la pandémie de Covid-19.
Ils soutiennent aussi clairement l'un des candidats à la présidence américaine de 2016 plutôt que l'autre. Elle estime qu’il est important que vous vous demandiez en quoi ces positions pourraient être bonnes pour les trolls, mais mauvaises pour vous ainsi que votre famille. Enfin, Matthews pense qu’il serait peut-être encore mieux d’utiliser les médias sociaux avec parcimonie, comme toute autre substance toxique créant une dépendance, et d'investir dans des conversations plus concrètes visant à créer une communauté. « Écoutez de vraies personnes, de vraies histoires et de vraies opinions, et construisez à partir de là », a-t-elle conclu.
Sources: Jeanna Matthews, Hootsuite
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