Lors d'un vote consultatif (donc non contraignant) qui a clôturé 4 heures d'un débat toujours accessible sur la plateforme numérique de l'Assemblée nationale, les députés ont donné leur feu vert à l'application StopCovid ce mercredi 27 mai. La déclaration du gouvernement relative à l'application a été approuvée par 338 voix pour (215 contre et 21 abstentions). Dans l'hémicycle, les membres du gouvernement ont insisté sur l'importance de cette application à l'approche d'une nouvelle phase de déconfinement, dont les grandes lignes doivent être présentées jeudi à 16 h par le Premier ministre, Édouard Philippe. En toute fin de soirée, c’est le Sénat, où le gouvernement ne dispose pourtant pas de la majorité, qui a donné son aval, par 186 voix contre 127.
L'exécutif veut lancer dans les jours qui viennent, pour la deuxième étape du déconfinement, cet outil de traçage. Pour rappel, l’application sera téléchargeable volontairement, les données seront « pseudonymisées » et supprimées au bout de 14 jours. L’application s’arrêtera « 6 mois » après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Pour la transparence, une partie du code source a été publiée pour permettre entre autres aux experts d'indiquer les failles à corriger s'ils venaient à en trouver.
« Lorsque deux personnes se croisent pendant une certaine durée, et à une distance rapprochée, le téléphone portable de l'un enregistre les références de l'autre dans son historique. Si un cas positif se déclare, ceux qui auront été en contact avec cette personne sont prévenus de manière automatique », a expliqué le secrétaire d’État au Numérique Cédric O. L'application Stop Covid fonctionnerait grâce au bluetooth. Il ne s'agit donc pas de géolocaliser les personnes, mais de retracer l'historique de leurs interactions sociales les jours précédents une contagion. « Ce n'est pas une application qui trace vos déplacements », a tenu à rassurer Cédric O. Et de préciser qu'il n'y aurait « aucune consultation extérieure ni transmission de données ». « Un certain nombre de paramètres sont pris en compte sur l'ergonomie pour que l'application soit simple à utiliser et accessible aux personnes en situation de handicap » a tenu à rassurer Cédric O.
Selon Cédric O, « StopCovid n'est pas magique », mais « offre un complément utile et nécessaire » aux équipes sanitaires, qui retracent les personnes en contact avec des malades du coronavirus. « La seule technologie utilisée est celle du Bluetooth, la seule information disponible est la notification anonyme reçue, et reçue de vous seul, lorsque vous avez été en contact prolongé avec une personne depuis testée positive. Nulle utilisation de la géolocalisation, nul accès ni à vos contacts, ni à la liste des personnes que vous avez croisées, nulle possibilité de savoir de qui vient l'information pour qui que ce soit, ni pour vous, ni pour les autres, ni pour l'État » a-t-il défendu devant les députés.
Les défenseurs de l'application ont fait valoir que StopCovid a reçu le feu vert de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), qui a estimé que ses recommandations avaient été suivies et que l'application permettait « des alertes plus rapides ».
Si des entreprises privées, aux côtés du public, ont apporté leurs matières grises gratuitement pour le développement, il n’en sera pas de même pour la suite. L’application coûtera « quelques centaines de milliers d’euros par mois » affirme le secrétaire d’État au Sénat.
L’application sera disponible au plus tard mardi. Le gouvernement veut en faire un outil « de la deuxième partie du plan de déconfinement », aux côtés des brigades, dont le principe est similaire. Il est même « complémentaire et renforce le travail des brigades », car il apporte « une capacité de couvrir les cas de transmission anonymes », qui dans « plus de 50 % des cas » ne se savent pas malades. Mais ici, le secrétaire d’État vante un moyen encore plus rapide, car quasi instantané, qui permet de savoir si on a été en présence d’un malade.
Un comité de contrôle et de liaison indépendant sera là pour contrôler l’usage de l’application. On y trouvera notamment « un membre de la conférence nationale de santé », un du Conseil de l’ordre des médecins, un du Comité scientifique, ou encore deux députés et deux sénateurs. « C’est pour nous une condition qu’il faut remplir » a insisté Philippe Bas, président LR de la commission des lois. Cédric O n’exclut pas que le comité de contrôle créé, à la demande du Sénat, pour le système de traçage des brigades, puisse « servir de comité de contrôle » pour l'application.
Les sénateurs se sont posé beaucoup de questions. Par exemple, Philippe Bas a dit être attentif à « ce que les moyens ne soient pas disproportionnés » face « à l’impératif de la protection de la vie privée et des données personnelles ». Le sénateur de la Manche veut bien même « considérer que les risques sont limités, que les données personnelles sont limitées, mais c’est encore trop si ça ne devait être qu’un gadget ». Il entend « vérifier que le jeu en vaut vraiment la chandelle ».
Néanmoins, malgré toute l’énergie qui a été mise, l’application n'est pas infaillible. Cédric O reconnaît une « difficulté » qui a été de calibrer le Bluetooth à 1 mètre, alors que l’outil peut capter jusqu’à « 10 mètres » et au travers des murs, souligne Marie-Pierre de la Gontrie. StopCovid sera efficace en réalité à « 80 % » explique Cédric O. Conséquence : « Il est probable qu’il y ait des personnes faux positifs qui soient prévenues, car elles étaient à 2 mètres et pas 1 mètre par exemple ». Mais Cédric O assume et « préfère avoir quelques faux positifs et que ça marche, que de limiter les faux positifs et de ne pas attraper assez de gens ». Il insiste : « Je préfère avoir un taux de vrais positifs bas et de sécurité sanitaire haut, plutôt que l’inverse ».
Autre question de Philippe Bas : StopCovid ne va-t-il pas vider la batterie ? Laisser brancher le Bluetooth peut en effet réduire plus rapidement la durée d’utilisation de son téléphone. Sur ce point, Cédric O se veut rassurant : « Globalement, ça marche bien et ça ne vide pas votre batterie », même s’il n’exclut pas des problèmes sur de vieilles versions d’Android ou de l’iOS.
StopCovid fonctionnera « très bien » notamment sur iPhone, a assuré Cédric O, même si des problèmes techniques persistaient sur certains « vieux téléphones » et des modèles Apple. Les tests ont impliqué dix-sept marques de téléphones, soit plus de cent modèles parmi les plus utilisés en France, à des niveaux de batterie variables, et utilisant des versions d’Android et d’iOS différentes.
La véritable épreuve du feu pour StopCovid sera celle de son adoption ou non par les Français. Néanmoins, de l'association La Quadrature du net à la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), plusieurs organisations de défense des libertés ont pris position contre l'application.
Proposé par Cédric O, StopCovid est au centre d'un projet européen mené par 130 institutions, laboratoires de recherches et entreprises, pour développer ce qui s'appelle le PEEP PT (pan europen privacy preserving proximity tracing). À noter que l'Allemagne et la Suisse, initialement moteur du projet, se sont retirées, préférant opter pour la solution proposée par Apple et Google. Le gouvernement allemand a dénoncé le fait que l'application de traçage envisagée avait recours à un serveur qui centralise toutes les données. En France, c'est l'INRIA qui pilote, sous la supervision du gouvernement, la task force française composée de chercheurs et développeurs issus du public comme du privé. Dans le lot, l'Anssi, Capgemini, Dassault Systèmes, l'INSERM, l'Institut Pasteur, Orange et Santé Publique France. Mais aussi 16 entreprises dont Withings, Lunabee Studio et des start-ups issues de la french tech comme BoforCure, C4Diagnostic, Enalees, Lifen, NamR ou encore Semeia.
Source : Assemblée nationale (débat, annonce), Sénat
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Le Sénat et l'Assemblée nationale approuvent l'application StopCovid de contact tracing
Qui sera disponible sur les vitrines de téléchargement d'iOS et Android dans les prochains jours
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Le , par Stéphane le calme
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