C’est sur la base de ses modèles que le Premier ministre britannique, Boris Johnson, a fait volte-face, à la fin mars. Partisan jusqu’alors d’un certain « laisser-faire » face au nouveau virus, il avait finalement opté pour le confinement de la population, alignant sa politique sur celle de la plupart des autres pays européens. Les États-Unis ont également utilisé le modèle, qui prévoyait plus de 2,2 millions de décès aux États-Unis sans action appropriée. La projection a contribué à influencer la Maison-Blanche à adopter une approche plus sérieuse de la pandémie.
Les critiques ont donc fait suite à cette série de revirements politiques.
Ce modèle est un « méli-mélo qui ressemble plus à de la programmation spaghetti qu’à un programme finement ajusté », a regretté David Richards, co- fondateur de la société britannique de technologie de données WANdisco. « Dans notre réalité commerciale, nous licencierions n'importe qui pour avoir développé un code comme celui-ci et toute entreprise qui en dépendrait pour produire des logiciels à vendre ferait probablement faillite ».
Ferguson, le modélisateur de virus de l'Imperial College de Londres et conseiller scientifique du gouvernement, a averti le 16 mars que 500 000 personnes pourraient mourir de la pandémie sans action significative. Le modèle de l’Imperial College fonctionne en utilisant du code pour simuler les liaisons de transport, la taille de la population, les réseaux sociaux et les services de santé pour prédire comment le coronavirus se propagerait. Les chercheurs ont publié le code derrière celui-ci, que les développeurs ont critiqué comme étant illisible.
D’ailleurs, sur Github, un collectif d’ingénieur a fait passer une pétition pour demander à tous les articles qui s’appuyaient sur ce code d’être supprimés :
« Des milliards de vies ont été perturbées dans le monde entier sur la base du fait que l'étude produite par la logique contenue dans cette codebase est exacte, et puisqu'il n'y a pas de tests pour le prouver, les résultats de cette étude (et de toute autre qui s’appuie sur cette codebase) ne sont pas une base solide pour la politique publique en ce moment.
« Je veux être clair que ce problème n'est pas destiné à dénigrer les auteurs de ce code - nous avons tous écrit du code qui n'est pas notre meilleur travail et du code qui n'a pas été testé. Mais lorsqu'une codebase est utilisée pour élaborer des publications dans le monde scientifique qui sont à leur tour utilisées pour influencer les politiques publiques, les auteurs de ces publications (et, en fin de compte, les politiques) doivent s'assurer que la science est vérifiable dans un sens public ».
Neil Ferguson était l'un des architectes clés derrière le modèle de l'Impérial College
Pour leur part, les scientifiques de l'Université d'Édimbourg ont affirmé qu'il était impossible de reproduire les mêmes résultats à partir des mêmes données en utilisant le modèle. L'équipe a obtenu des résultats différents en utilisant des machines différentes, et même des résultats différents pour les mêmes machines.
« Il semble y avoir un bogue dans la création ou la réutilisation du fichier réseau. Si nous tentons deux exécutions complètement identiques, ne variant que dans la mesure où la seconde doit utiliser le fichier réseau produit par la première, les résultats sont assez différents », ont écrit les chercheurs d'Édimbourg sur Github.
Un correctif a été fourni, mais c'était le premier de nombreux bogues trouvés dans le programme.
« Les modèles doivent être capables de passer le test scientifique de base de produire les mêmes résultats avec le même ensemble initial de paramètres ... sinon, il n'y a tout simplement aucun moyen de savoir s'ils seront fiables », a déclaré Michael Bonsall, professeur de biologie mathématique à l’université d’Oxford.
Un porte-parole de l'équipe de réponse COVID19 de l'Imperial College a déclaré :
« Le gouvernement du Royaume-Uni ne s'est jamais appuyé sur un modèle de maladie unique pour éclairer la prise de décision. Comme cela a été répété à plusieurs reprises, la prise de décision concernant les mesures de confinement était basée sur une vision consensuelle des preuves scientifiques, y compris plusieurs études de modélisation par différents groupes universitaires.
« L'épidémiologie n'est pas une branche de l'informatique et les conclusions concernant les mesures de confinement ne reposent pas sur un modèle mathématique, mais sur le consensus scientifique selon lequel COVID-19 est un virus hautement transmissible avec un taux de mortalité par infection supérieur à 0,5 pc au Royaume-Uni ».
Neil Ferguson, l’épidémiologiste vedette de l’Imperial College, éminent membre du SAGE, le comité scientifique du gouvernement Johnson, a dû démissionner en début de mois à la suite de révélations du Telegraph. Le journal assure qu’il n’a pas respecté les règles de confinement à la mise en place desquelles, par ses modélisations, il avait fortement contribué. À « au moins deux reprises », une femme mariée de 38 ans a traversé Londres depuis son domicile conjugal, au sud de la capitale, pour « passer du temps » avec le scientifique de 51 ans. Or, depuis le 23 mars, le gouvernement recommande aux Britanniques d’éviter tous les déplacements « non essentiels » hors de leur domicile.
Sources : Telegraph, GitHub, Curry
Et vous ?
Que pensez-vous de cette situation ?
Pourrait-elle, selon vous, illustrer les délais souvent très serrés donnés aux développeurs ?
Dans ce genre de condition est-il préférable de livrer une application sans tests ou retarder la livraison pour avoir le temps d'effectuer des tests ? Cela est-il tributaire de la finalité de l'application (plus elle est sensible - domaine, type de données collectées, etc. -, plus impérative est la nécessité de faire des tests, quitte à se faire taper sur les doigts par le client) ?