La technologie de reconnaissance faciale est toujours un sujet de controverse dans certains pays, mais d’autres n’ont pas hésité à la déployer à grande échelle. Cela a permis à des sociétés comme Clearview AI de se lancer et de créer des bases de données de millions de photos d’individus appartenant à n’importe quel rang de la société. Plusieurs personnes ont dénoncé ces agissements, mais sans beaucoup de succès. D’autres comme Thomas Smith ont essayé d’obtenir le fichier que Clearview AI possède sur eux et ce qu’ils ont trouvé risque de vous surprendre.
Clearview AI est une entreprise fondée en 2017, mais qui s’est révélée récemment au monde par le biais de nombreux scandales de violation de données. Clearview AI crée des applications de reconnaissance faciale et les commercialise à l’endroit des organismes d’application de la loi. L’une des plus connues de ces applications est Clearview. Selon l’entreprise, c'est un outil de recherche pour identifier les auteurs et les victimes de crimes. Elle a d’ailleurs écrit sur son site Web que la technologie a déjà aidé les forces de l'ordre à traquer des terroristes et des trafiquants sexuels.
Selon Hoan Ton-That, cofondateur de la société, le système se base sur une base de données de plus de 3 milliards d'images que son équipe et lui ont récupérées sur Facebook, YouTube, Venmo et des millions d'autres sites Web. Chose légale ou pas, plusieurs rapports de janvier à aujourd’hui ont montré que de nombreuses autorités américaines s’en sont servis dans le cadre d’une enquête. De même, selon un rapport du Times ce mois, avant les forces de l’ordre, Clearview aurait été librement utilisé par les investisseurs et les clients de la start-up pour espionner le public.
Clearview est-il une menace pour la confidentialité en ligne ?
Dans un rapport présenté récemment, Thomas Smith, cofondateur et PDG de Gado Images, il faut réfléchir à mille fois aujourd’hui avant de partager une photo de vous, de votre entourage ou n’importe quelle photo sur Internet. Il a expliqué qu'il a reçu un dossier contenant ses données de la part de Clearview AI et ce qu’il a découvert est très intriguant. « Je me rends compte que tout cela ressemble à un ramassis de balivernes sur la théorie du complot. Pourtant, ce n'est pas le cas. La technologie de Clearview AI est très réelle, et elle est déjà utilisée », a-t-il écrit.
Pendant le mois de janvier, un rapport du New York Times concluait que l’application Clearview pouvait mettre fin à la confidentialité telle que nous la connaissons. D’après Smith, avec une telle base de données d’images, Clearview peut identifier qui il souhaite. En effet, l'entreprise fait passer son énorme base de données d'images par un système de reconnaissance faciale, identifiant toutes les personnes présentes sur chaque image en fonction de leur visage. Les images sont ensuite regroupées, ce qui permet à l'entreprise de créer un profil détaillé, lié au visage, de presque toutes les personnes qui ont publié une photo d'elles-mêmes en ligne.
Clearview regroupe cette base de données dans un service facile à consulter (portant le nom de Smartcheckr). Par la suite, il vend ce service aux agences gouvernementales, aux services de police et à une poignée d'entreprises privées. Les clients de Clearview AI peuvent y télécharger la photo d'un inconnu. La photo peut provenir d'une caméra de surveillance, d'une vidéo anonyme mise en ligne ou de toute autre source. En quelques secondes, Clearview localise la personne dans sa base de données sous la base de son visage uniquement.
Que contient un profil Clearview ?
Selon Smith, au début de l'année 2020, plus de 2200 clients utilisaient le service. Que contient alors un profil Clearview ? Smith a soumis une demande à Clearview dans la semaine qui a suivi la sortie du rapport du New York Times. La société lui a demandé de remplir un formulaire Web un mois après sa demande. Elle lui a ensuite envoyé un message lui demandant une photo nette de lui et une copie de son permis de conduire. Quelques minutes après, il recevait son profil Clearview.
« En me basant sur le timing des mails et les données de l'article du Times, j'estime que Clearview a extrait mon profil en moins d'une minute. La profondeur et la variété des données que Clearview a recueillies sur ma personne sont stupéfiantes. Mon profil contient, par exemple, un article publié sur moi dans le magazine des anciens élèves de mon "alma mater" à partir de 2012, et un article de suivi publié un an plus tard », a déclaré Smith. Mais ce n’est pas tout ce que contient son profil Clearview.
Il comprend également une page de profil d'un groupe de rencontre de codeurs Python auquel il dit avoir oublié être un membre, ainsi qu'une grande variété de messages provenant d'un blogue personnel que sa femme et lui ont créé juste après leur mariage. En outre, le profil contient l'URL de sa page Facebook, ainsi que les noms de plusieurs personnes ayant des liens avec lui, dont son conseiller pédagogique et un membre de sa famille. « J'ai été tellement choqué par les données disponibles que j'ai rendu mon profil Facebook privé après avoir reçu le rapport de Clearview », a-t-il ajouté.
Certaines informations dont dispose Clearview seraient erronées
Il est clair qu’avec ces diverses informations, quelqu'un qui essaie de vous retrouver, en particulier une personne ayant des pouvoirs de police à sa disposition, il en sait suffisamment sur vous pour le faire. Par ailleurs, le plus inquiétant selon lui est le fait que certaines des données de Clearview sont erronées. Selon lui, le dernier clic sur son profil est un lien vers une page Facebook pour une personne qu’il ne connaît pas. S’agit-il d’un biais ou Clearview complète certaines informations sur les millions de profils qu’il établit ? Toujours est-il que cela peut porter préjudice.
Par exemple, si un enquêteur suivait cette piste (en soupçonnant peut-être que cette personne était votre pseudonyme), il est possible que vous soyez accusé d'un crime commis par la personne inconnue et sans lien de parenté apparue dans le profil Clearview. L’outil de l’entreprise est quand même surprenant, car toutes ces informations ont été récupérées à partir d’une seule image. D’ailleurs, selon Smith, il a délibérément envoyé une photo où il se passe beaucoup de choses visuellement, et où son visage n'est pas éclairé ou traité par un professionnel.
Clearview IA profile les internautes sans leur consentement éclairé ou sans une cause satisfaisante. Smith recommande à chaque individu de demander un rapport sur son profil Clearview afin de savoir ce que la société détient sur lui. Auparavant, il aurait été presque impossible d'avoir ces données, mais la donne change peu à peu. Avec l’apparition du règlement général sur la protection des données (RGPD) en 2018 au sein de l’Union européenne et l’adoption de loi californienne sur la protection de la vie privée des consommateurs (CCPA), vous pouvez désormais réclamer vos données.
Ces deux lois vous permettent d’avoir un accès sans précédent aux données personnelles que les entreprises comme Clearview AI recueillent à votre sujet. Un refus de leur part pourrait entraîner des millions de dollars ou d’euros d’amendes. Selon Smith, si vous soumettez votre demande à Clearview AI, vous devez vous montrer persévérant. De plus, une fois que vous avez reçu vos données, vous avez la possibilité de demander à Clearview AI de les supprimer de sa base de données ou de les modifier si vous le souhaitez.
Quels sont les problèmes que pose Clearview ?
Pour finir, Smith estime qu’il existe de nombreux problèmes autour des agissements de Clearview AI. Son logiciel pourrait être utilisé pour enquêter sur des crimes graves. Mais il pourrait aussi être utilisé pour identifier chaque personne ayant participé à un rassemblement ou une manifestation politique, en utilisant uniquement des photos ou des images de surveillance publiées sur les médias sociaux. Il peut être utilisé pour faire chanter presque tout le monde. Il peut également être utilisé pour rechercher des personnes sans discernement, sans aucune raison.
Comme la rumeur l'indique, Clearview a posé les bases de l'accès à son système par le biais de lunettes RA (réalité augmentée). Cela signifie qu'il est concevable qu'un policier puisse traverser une foule portant une lunette RA, et voir le nom et les informations de fond de chaque personne dans son champ de vision superposés sur la tête de la personne en temps réel. « Nous supposons que nous pouvons jouir d'un niveau d'anonymat, même dans les espaces publics. La technologie de Clearview permet de renverser cette hypothèse », a déclaré Smith.
Le fondement de Clearview pose d'autres problèmes majeurs. Son traitement des droits d'auteur, par exemple. Sur ce plan, la société tente de se cacher derrière le Digital Millennium Copyright Act (DMCA). Le DMCA offre une sphère de sécurité aux plateformes comme Facebook ou Google si leurs utilisateurs publient des documents protégés par des droits d'auteur. Mais Clearview n'est pas une plateforme. D’après lui, la société a besoin d'une législation claire dictant quand la reconnaissance faciale et d'autres technologies connexes peuvent ou non être utilisées.
Source : Tomas Smith
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« J'ai obtenu mon profil auprès de Clearview AI et ça m'a fait peur », a déclaré Thomas Smith
Dont le profil contient des articles, des images, des URL, des pages de réseaux sociaux et autres
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Dont le profil contient des articles, des images, des URL, des pages de réseaux sociaux et autres
Le , par Bill Fassinou
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