
Les entreprises de télécommunications ont-elles le droit de vendre les données personnelles des utilisateurs ? Big Telecom pense que oui. Après avoir fait pression pour supprimer les règles de protection de la vie privée des consommateurs au niveau fédéral, les grandes entreprises de télécommunications s'attaquent maintenant aux efforts individuels des États pour protéger la vie privée en ligne. Vendredi dernier, elles ont déposé une plainte auprès d’un tribunal du district américain de Portland contre une loi votée par le Maine qui les empêche d’agir ainsi.
La loi a été votée en 2019 et doit entrer en vigueur cette année. Elle exige des fournisseurs d'accès Internet qu'ils divulguent clairement les données collectées et les personnes à qui elles sont vendues. En plus, elle veut que le choix soit laissé aux utilisateurs de décider s’ils veulent vendre ou pas leurs données financières ou géographiques sensibles. Plus loin, elle interdit également aux FAI de vous facturer des frais supplémentaires si vous souhaitez que votre vie privée soit protégée, une pratique qu'AT&T et d’autres fournisseurs pratiquent depuis des années.
Cependant, la plainte de 32 pages déposée il y a quelques jours par l'industrie de la large bande allègue que la loi viole les droits de l'industrie à la liberté d'expression. « La loi du Maine impose des restrictions sans précédent et excessivement lourdes sur la protection de la parole des FAI », allègue la plainte. La loi violerait également les protections garanties par le premier amendement en empêchant, entre autres, les FAI de faire de la publicité ou d'offrir des services marketing aux clients ou d'offrir des remises ou des récompenses dans les programmes de fidélité.
« La décision du Maine d'imposer des charges uniques sur la liberté d'expression des FAI tout en ignorant les entreprises en ligne et hors ligne qui possèdent et utilisent les mêmes informations à des fins identiques et similaires à celles des FAI, représente une discrimination entre des locuteurs se trouvant dans une situation similaire, qui n'est pas autorisée par le premier amendement », affirme la partie accusatrice. Tout le monde ne partage pas toutefois le même avis.
Selon les experts en télécommunications, l'industrie s’accroche à la paille tentant d'échapper à ses responsabilités après une décennie entière marquée par des abus de la vie privée liés principalement aux télécommunications. « Le haut débit est clairement en train d'essayer des arguments non testés du premier amendement dans l'espoir que quelque chose colle », a expliqué Gigi Sohn, un ancien avocat de la FCC (Federal Communication Commission). Selon lui, cette loi n’est en aucun cas une limitation inconstitutionnelle.
« Depuis quand donner aux consommateurs un droit de contrôle sur leurs informations personnelles est-il une limitation inconstitutionnelle de la liberté d'expression des sociétés de haut débit ? », a demandé Sohn. « Et depuis quand les entreprises de haut débit sont-elles devenues une classe protégée méritant une protection juridique spéciale contre cette soi-disant discrimination ? », s’est-il aussi demandé. Le procès ferait partie d'un effort beaucoup plus large de l'industrie pour éliminer toutes les protections significatives des États et du gouvernement fédéral.
Selon certains médias américains, « c'est un gambit qui a connu un énorme succès jusqu'à présent ». « Alors que la presse et le public se concentrent à juste titre sur les nombreux problèmes des monopoles Big Tech, les grandes entreprises de télécommunications obtiennent discrètement un laissez-passer gratuit pour adopter des comportements identiques », ont conclu ces derniers.
Sources : Loi du Maine (PDF), Plainte de Big Telecom (PDF)
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