La Toile s’est très vite tissée au cours de ses premières années et continue aujourd’hui également de l’être. Les idées qui lui ont donné la vie sont meilleures, mais il semblerait que très vite son utilisation s’est étendue à des domaines qui ne ravirent plus tout le monde aujourd’hui. Selon Abib Omar, un développeur qui partage sur un blogue personnel la façon dont il voit le Web aujourd'hui, le Web moderne s’est peu à peu éloigné de l’idée d’apporter uniquement des informations et de la connaissance aux usagers et est devenu un lieu où la maximisation du profit est la règle numéro un.
« Le Web moderne devient un terrain vague inutilisable et hostile aux utilisateurs », a-t-il déclaré. « [...] C'est la même chose qui se passe avec le Web moderne : si vous ajoutez une autre publicité à vos pages, vous générez plus de revenus. Si vous suivez mieux vos utilisateurs, vous pouvez désormais proposer des publicités sur mesure et vos taux de conversion sont plus élevés. Si vous empêchez les utilisateurs de quitter votre écosystème de jardin clos, vous obtenez maintenant tout le jus de leur attention, quelle qu'elle soit », a-t-il ajouté.
Eh bien ! à quel moment atteignons-nous le point de rupture ? Omar pense que nous avons déjà atteint ce point de rupture. Selon lui, la plupart des sites Web modernes, en particulier les réseaux sociaux comme Twitter et Facebook, ont transformé le Web en une ressource presque inutilisable pour les utilisateurs. Omar estime que la chose la plus visible que ces sites ont en commun est qu’ils ne vous fournissent pas l’information dont vous avez besoin, ou pas la totalité, si vous n'êtes pas inscrit sur leur plateforme pour qu’ils vous transforment en une source de revenus.
Par exemple, dès l'inscription, Facebook propose de parcourir les contacts qu'un utilisateur a enregistrés dans sa boite mail. Le réseau social offre ainsi la possibilité de retrouver plus rapidement ses amis sur le réseau. Cependant, plusieurs personnes et plusieurs fuites de données liées à l’entreprise ont signalé au fil du temps qu'en vertu des conditions générales, Facebook s'autorise à « louer » à des sociétés les réseaux d'amis appartenant aux inscrits ; chose que les jeunes internautes ni la plupart des gens d’ailleurs ne voient pas, car ils n'ont pas l'habitude de lire les « conditions générales ».
Sous d’autres cieux, l’on estime que ces plateformes ou sites Web ont donné vie ou ont contribué à l’émergence de nouvelles technologies qui empoisonnent la vie de milliards d’internautes dans le monde. Ils citent le Big Data qui a contribué à rendre les entreprises, peu importe leur rang et leur domaine d’activité, « avides de données personnelles de leurs utilisateurs ou de simples visiteurs », les développeurs et les ingénieurs informatiques en « chasseurs de primes » et la plupart des gouvernements du monde en « Big Brother » modernes.
Cette année, à l’occasion des 30 ans du Web, Tim Berners-Lee a annoncé que nous pouvons encore sauver le Web et le faire sortir de son adolescence. Ainsi, à la fin du mois dernier, Berners-Lee et la World Wide Web Foundation ont officiellement lancé un plan d’action pour réparer Internet et nous empêcher de sombrer dans une « dystopie numérique ». Ils ont présenté un plan dénommé « Contract for the Web », un ensemble de lignes directrices pour éliminer les maux dont souffre le Web, qui a déjà obtenu le soutien de plusieurs entités différentes.
Le plan est composé de 9 principes pour les trois groupes d’acteurs d’Internet. Ensemble, les principes visent à garantir que tout le monde ait accès à Internet et que la confiance dans le Web puisse être rétablie. Le plan est soutenu par plus de 150 organisations, notamment des géants de l'Internet tels que Google, Microsoft et Facebook, ainsi que des groupes d'intérêt tels que Reporters sans frontières. De même, les gouvernements allemand, ghanéen et français ont également manifesté leur soutien au plan de l’informaticien britannique.
En gros, voici comment Abib Omar décrit en quelques points son expérience sur le Web aujourd’hui :
- les sites Web demandant de se connecter, de s'inscrire ou d'entrer un courriel ;
- les sites Web qui demandent votre numéro de téléphone après que vous ayez abandonné votre courriel ;
- les sites Web qui demandent d'autoriser les notifications HTML5 ;
- les sites Web qui téléchargent 50 Mo de données et font des centaines de demandes pour servir 6 Ko de texte ;
- les sites Web qui ne fonctionnent pas parce qu'ils ont trop de JavaScript ;
- les sites Web qui ne fonctionnent pas parce qu'une partie du JavaScript a été capturée par uBlock Origin ;
- les sites Web qui demandent à désactiver le bloqueur de publicité ;
- les sites Web qui demandent à accepter les cookies de 41 484 façons différentes ;
- les sites Web demandant à télécharger leur application mobile qui n'est pas native et qui nécessite environ 200 Mb de stockage ;
- des popups pour acheter une affaire ou télécharger des trucs au hasard ;
- reCaptcha avec des images de rue aléatoires, qui sont parfois impossibles à résoudre ;
- protection DDoS de CloudFlare en pensant que je suis un bot ;
- YouTube diffusant une publicité de 2h30 pour un clip de 3h30 ;
- la vidéo ou le site Web n'apparaît pas parce que je ne suis pas dans le pays en question ;
- Linkedin qui continue d'envoyer des dizaines d'emails malgré de multiples désabonnements ; et qui échappe d'une manière ou d'une autre au filtre antispam.
Pour finir, même si de nombreux scientifiques et activistes du Web se battent pour rétablir les valeurs sur lesquelles s’est reposé le Web à ses débuts, certains estiment qu’il n’est plus possible d’arrêter la machine et que cela va continuer à empirer dans les années à venir.
Source : Abib Omar
Et vous ?
Le Web est-il devenu si inutile et inutilisable tel que les gens le présentent ?
Comment en est-on arrivé là ? Y a-t-il des technologies ou des acteurs qui ont eu un impact négatif sur le Web ?
Quelle expérience faites-vous du Web en 2019 ?
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