Il y a deux ans, un groupe d’une dizaine de personnes, composé de citoyens américains et d’un résident permanent légal des États-Unis, a lancé une procédure judiciaire à l’encontre du ministère de la Sécurité intérieure des USA. Ce groupe est formé par des personnes qui estiment avoir été victimes d’abus de la part de la CBP (Customs and Border Protection), le service des douanes et de la protection des frontières de l’oncle Sam, au cours de leurs précédents voyages. Il comprend, entre autres, un développeur en informatique, un vétéran de l’armée, un ingénieur de la NASA et deux journalistes.
L’Electronic Frontier Foundation et l’American Civil Liberties Union, deux organismes qui sont chargés de représenter les voyageurs, ont déclaré que plusieurs des demandeurs remettant en cause les pratiques de la CBP, un organe du ministère de la Sécurité intérieure, sont des musulmans ou issus de minorités. Les plaignants reprocheraient à l’administration Trump d’encourager la poursuite de pratiques contraires à la Constitution du pays au sein de certains organes de l’État, notamment lors de recherches effectuées sans mandat sur les téléphones et les ordinateurs portables des citoyens américains qui sont arrêtés à la frontière par les agents du CBP.
Pour être plus précis, les demandeurs soutiennent que les recherches et la confiscation prolongée de leurs appareils électroniques (smartphones et ordinateurs portables) violent les lois encadrant la protection de la vie privée et la liberté d’expression telles qu’elles sont définies la Constitution des États-Unis. La plainte a été déposée devant un tribunal de district des États-Unis dans le Massachusetts. Ce procès a été lancé dans un contexte où l’on notait une forte augmentation du nombre de fouilles sur les appareils électroniques et la désapprobation grandissante des défenseurs des droits civiques.
Des fouilles d'appareils électroniques qui augmentent de façon considérable
En effet, la CBP a publié un rapport en mars 2017 dans lequel on apprenait que les agents de ce service avaient fouillé plus d’appareils électroniques pendant le seul mois de février 2017 que pour toute l’année 2015. Le nombre d’appareils fouillés était passé de 8383 à 14 993, ce qui correspond à une augmentation de 80 % entre octobre 2016 et mars 2017. En avril 2017, la CBN avait signalé que le nombre de recherches était passé de 8500 au cours de l’exercice 2015 à environ 19 000 au cours de l’exercice 2016.
Un peu plus tôt, en février 2017, le sénateur américain Ron Wyden s’était adressé au ministre américain de la Sécurité intérieure pour lui communiquer ses inquiétudes au sujet de certaines pratiques non respectueuses des libertés individuelles des citoyens américains qui avaient cours au CBP. Il souhaitait ainsi clarifier une situation peu réjouissante liée à la pratique « profondément troublante » des agents des frontières qui profitaient des contrôles pour réclamer aux voyageurs américains leurs mots de passe pour ensuite accéder à leurs comptes sur les réseaux sociaux. Le ministre avait, par la suite, confirmé dans une lettre datée du 20 juin 2017 que les agents des douanes n’ont pas le droit de rechercher des données liées à des serveurs distants sur le téléphone des voyageurs.
Suhaib Allababidi, un citoyen américain qui vit au Texas et un demandeur dans l’affaire, a déclaré lors d’un entretien en septembre 2017 qu’il a été arrêté par les douanes et la patrouille frontalière le 21 janvier 2017 à l’aéroport de Dallas après son retour d’un voyage d’affaires à Dubaï. Il a confié qu’il avait refusé de débloquer son téléphone personnel pour les officiers après leur avoir permis de fouiller son second téléphone professionnel.
Allababidi a précisé que les officiers lui auraient alors confisqué ses deux téléphones et que son téléphone professionnel ne lui a été a rendu que deux mois plus tard. Cependant, le gouvernement ne lui avait toujours pas rendu son téléphone personnel après plus de sept mois d’attente. « Vous êtes livré à vous-même, sans aucune réponse », s’est-il offusqué. « Est-ce que je récupérerai mon téléphone, est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? Ils ont pris mon téléphone, et c’est tout ce que je sais ».
Les États-Unis ont violé la Constitution en fouillant les téléphones sans raison valable, a estimé le juge
En général, les lois des USA prévoient qu’il est nécessaire d’obtenir un mandat avant de pouvoir procéder à la fouille du contenu des appareils électroniques d’un citoyen américain. Mais une disposition spéciale baptisée « border search exception » permet aux autorités fédérales à perquisitionner et à fouiller les appareils électroniques sans mandat à moins de 160 km d’une frontière américaine. En cas de refus, l’appareil peut être saisi.
Cependant, bien que les fonctionnaires disposent de pouvoirs étendus pour contrôler les voyageurs à la frontière, ils ne peuvent pas fouiller les appareils électroniques sans soupçon raisonnable d'actes répréhensibles, selon la décision du tribunal datée du 12 novembre 2019. L'ordonnance d'un tribunal de district américain dans le Massachusetts limite les recherches pouvant être effectuées par le service américain de la protection des frontières (CBP) et par le service américain de l'immigration et des douanes (ICE).
« L'ordonnance du tribunal de district met fin au pouvoir affirmé du CBP et de l'ICE de rechercher et de saisir les appareils des voyageurs à des fins bien différentes de l'application des lois sur l'immigration et les douanes », a déclaré la cour dans le document partagé par l'ACLU. « Les agents des services frontaliers doivent désormais avoir des soupçons raisonnables avant de pouvoir fouiller le terminal d'un voyageur ».
Grâce à cette décision, les voyageurs pourront « franchir la frontière internationale sans craindre que le gouvernement, en l'absence de tout soupçon, fouille dans les informations extrêmement sensibles que nous portons tous dans nos appareils électroniques », a déclaré Sophia Cope, avocate principale de l'EFF.
Le gouvernement américain pourrait faire appel de la décision.
Le juge estime que les fouilles nécessitent des soupçons raisonnables
La décision du juge de district américain Denise Casper va dans le sens des demandeurs puisqu'elle estime que le gouvernement a violé leurs droits constitutionnels en procédant à des perquisitions et à des saisies « d'appareils électroniques sans mandat soutenu par une cause probable ».
Selon la décision :
« La Cour déclare que les politiques du CBP et de l'ICE relatives aux recherches "de base" et "avancées", telles que définies actuellement, violent le quatrième amendement dans la mesure où elles n'exigent pas un soupçon raisonnable que les dispositifs contiennent de la contrebande pour lancer une fouille non superficielle et / ou des saisies de dispositifs électroniques ; et que les fouilles non superficielles et / ou les saisies des dispositifs électroniques des plaignants, sans ce soupçon raisonnable, violaient le quatrième amendement ».
Le CBP définit les « recherches avancées » comme celles « dans lesquelles un agent connecte un équipement externe, via une connexion filaire ou sans fil, à un appareil électronique, non seulement pour accéder à l'appareil, mais également pour en réviser, copier et / ou analyser le contenu ». En deçà de cela est une recherche « de base ».
La décision de la cour a indiqué que la politique du CBP consistait à « exiger une suspicion raisonnable ou un problème de sécurité nationale pour toute fouille avancée, mais aucune preuve d'un motif justifiant une fouille de base ». Le juge a statué que les deux types de fouilles exigent un soupçon raisonnable.
« Bien que les intérêts des pouvoirs publics soient primordiaux à la frontière, les recherches non superficielles - même les recherches "de base" au sens large du CBP et des politiques ICE, ainsi que les recherches "avancées" sur les appareils électroniques des plaignants constituent des recherches non systématiques , ils exigent des soupçons raisonnables que les dispositifs contiennent de la contrebande », a estimé Casper.
Mais ce n'était pas une victoire totale pour les demandeurs. La juge Casper a toutefois rejeté leur demande d'une injonction qui aurait plus strictement limité la capacité du gouvernement à perquisitionner et à saisir des appareils. Pour appliquer une injonction à l'échelle nationale, le tribunal aurait besoin de « nouvelles informations des parties » impliquées dans l'affaire, a décidé Casper.
Malgré cela, l'ACLU a déclaré que la décision devrait entraîner un réel changement dans la politique du gouvernement.
« Cette décision renforce considérablement les protections du quatrième amendement pour les millions de voyageurs internationaux qui entrent aux États-Unis chaque année », a déclaré l'avocate du personnel de l'ACLU, Esha Bhandari. « En mettant fin à la capacité du gouvernement de mener des expéditions de fouille sans motif valable, la cour réaffirme que la frontière n'est pas un lieu sans loi et que nous ne perdons pas notre droit à la vie privée lorsque nous voyageons ».
Source : décision de justice
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Une cour américaine estime que la fouille des dispositifs électroniques des voyageurs sans suspicion préalable
Est inconstitutionnelle
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Le , par Stéphane le calme
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