En septembre 2016, le Wall Street Journal a rapporté des informations selon lesquelles Facebook avait considérablement surestimé les statistiques de vues des annonces vidéo sur sa plateforme, ce que l'entreprise n'a d'ailleurs pas démenti. C'était donc une confirmation des doutes de nombreuses marques qui étaient déjà sceptiques face au manque de transparence de Facebook et d'autres grandes enseignes de la technologie en ce qui concerne leurs données publicitaires internes.
Facebook a révélé le problème dans un message publié dans son centre d'aide aux annonceurs en août de la même année : pendant deux ans, le réseau social bleu n'avait compté que les visionnages de vidéos d'une durée supérieure à trois secondes dans le calcul de sa métrique « durée moyenne de visionnage de vidéos ». Les vues vidéo de moins de trois secondes n’ont donc pas été prises en compte, ce qui a surestimé la durée moyenne d’une vue. Pour corriger ce problème, la société a remplacé la métrique par une autre qui reflète toutes les vues de vidéos, peu importe la durée du visionnage.
Après ces révélations, un groupe de petits annonceurs a engagé une action en justice devant un tribunal fédéral de Californie en 2016, alléguant que la firme de Mark Zuckerberg a eu un comportement déloyal en diffusant des statistiques inexactes qui surestimaient considérablement le temps passé par les utilisateurs à regarder des annonces vidéo. Dans le cadre des procédures judiciaires, les plaignants avaient obtenu quelque 80 000 pages de documents internes de Facebook à examiner. À la suite de l'examen des documents, les annonceurs ont déposé en octobre 2018 une nouvelle plainte pour fraude contre le numéro un des réseaux sociaux.
En fait, en révélant le problème en 2016, Facebook avait affirmé avoir « récemment découvert » l'erreur, mais sur la base des documents examinés, les annonceurs ont soutenu que Facebook connaissait le problème dans la manière dont l'entreprise mesurait l'audience des annonces vidéo sur sa plateforme pendant plus d'un an avant de les divulguer en 2016. Les documents montreraient en effet qu'en juillet 2015, la société avait reçu des demandes de plusieurs annonceurs concernant des métriques vidéo qui paraissaient suspectes et Facebook avait compris la nature de l'erreur de calcul assez rapidement. La société n'aurait toutefois pas divulgué les informations à ce sujet pendant plus d'un an.
En plus, la plateforme a déclaré à certains annonceurs qu'elle surestimait probablement le temps moyen passé à regarder des vidéos de 60 % à 80 %. Mais dans la plainte déposée fin août 2018, les annonceurs ont affirmé que l'erreur était beaucoup plus grande et que les chiffres d'audience moyens avaient été gonflés de 150 % à 900 %.
Facebook a déclaré à l’époque que l’erreur n’affectait pas la facturation. Mais cela ne résolvait pas la question pour les plaignants. Pour ces derniers, le problème est que les déclarations fausses de Facebook « ont incité » les annonceurs à acheter des annonces vidéo et à payer davantage pour les annonces vidéo de Facebook, car ils estimaient que les utilisateurs visionnaient des vidéos plus longtemps qu'il en était en réalité. Après tout, si personne ne regarde les vidéos Facebook, pourquoi les annonceurs y miseraient-ils ? On pourrait donc penser que Facebook a gonflé ses chiffres pour faire croire aux annonceurs que les annonces vidéo sont plus efficaces qu'elles le sont en réalité.
La plainte visait à obtenir le statut de recours collectif et des dommages-intérêts d'au moins 100 millions pour punir la fraude à laquelle s'est adonnée l'entreprise. Dans un accord à l'amiable rendu public cette semaine, Facebook a consenti à verser 40 millions de dollars pour mettre fin à la procédure. Dans cette enveloppe, 12 millions iront aux avocats qui représentaient ces agences de publicité, le reste est une sorte de remboursement pour le fait que les sociétés n'ont pas obtenu les résultats promis.
« Si les plaignants pensent que la loi et les faits sont ultimement en leur faveur, l'accord proposé est à même d'offrir un soulagement significatif sans délai ou coût supplémentaires » indique le texte du règlement. Dans l’accord rendu public, il est stipulé que les annonceurs étaient en droit de toucher entre 100 et 200 millions de dollars de dédommagement de la part de Facebook en cas de procès. Toutefois, l’incertitude du résultat, la longueur de la procédure judiciaire et son coût ont poussé les annonceurs à accepter cet accord à l’amiable. Néanmoins, rien n'empêche d'autres annonceurs de sauter sur l'occasion pour tenter d'obtenir les mêmes compensations de la part de la plateforme.
Même après avoir accepté de payer 40 millions de dollars pour le règlement, Facebook a maintenu que les poursuites sont sans fondement, précisant que « nous pensons que le règlement de cette affaire est dans l’intérêt supérieur de la société et des annonceurs ». Il faut aussi noter que le groupe américain a lancé en août 2018 dans le monde entier, sa plateforme de vidéos à la demande, Watch. Facebook a sans doute préféré un accord plutôt qu’un procès, pour éviter de faire de la mauvaise publicité auprès des annonceurs vidéo.
Source : accord à l'amiable
Et vous ?
Accepter de payer des dommages et intérêts est-il un aveu de culpabilité ? Dans quelle mesure ?
Le lancement de son service vidéo Watch peut-il en partie expliquer pourquoi Facebook a choisi l'accord à l'amiable plutôt que le procès ?
Les annonceurs ont obtenu moins de 40 % des 100 millions qu'ils espéraient obtenir (12 millions ont été destinés aux avocats), bonne opération tout de même ?
Ce type de fraude publicitaire est-il fréquent dans l'industrie ?
Avez-vous déjà menti sur les statistiques de vos sites pour attirer les annonceurs ? Ou avez-vous plutôt déjà été victime de cette pratique ?
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Pour avoir surestimé ses métriques vidéo de 150 % à 900 %
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Le , par Stéphane le calme
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