Qwant est un moteur de recherche français. Lancé le 16 février 2013 en version bêta, puis lancé en version définitive le 4 juillet 2013. Depuis son lancement, Qwant a toujours promis qu'il ne trace pas ses utilisateurs et ne vend pas leurs données personnelles pour garantir leur vie privée. Il se veut neutre dans l'affichage des résultats. L'extension du moteur de recherche pour le navigateur Mozilla Firefox fait partie de la liste des logiciels libres préconisés par l'État français dans le cadre de la modernisation globale de ses systèmes d’information où il est indiqué comme publiée sous licence MIT/X11 ; toutefois, le moteur en lui-même n'est pas open source.
Qwant ambitionne de concurrencer Google tout en garantissant la vie privée de ses utilisateurs
L’objectif ultime de Qwant depuis sa création est de concurrencer le géant de la recherche Google. Mais comment battre ses plus de 3,3 milliards de requêtes par jour ? Les créateurs de Qwant, Jean-Manuel Rozan, Éric Leandri et Patrick Constant ont certainement trouvé la bonne formule pour réaliser cette prouesse : « il faut s’attaquer à Google sur son côté le plus sombre, celui de la collecte et de la commercialisation des données personnelles des utilisateurs ». La confidentialité et la vie privée étant devenues les denrées les plus rares sur Internet aujourd’hui, l’on pouvait espérer que cela marche pour que Qwant prenne son envol quelques années après son lancement. La phrase magique de l’entreprise est donc : « Nous sommes le moteur de recherche qui respecte votre vie privée ».
D’après Éric Leandri qui dirige aujourd’hui l’entreprise, Qwant est la seule entreprise numérique dans le monde qui garantit à cent pour cent le respect de la vie privée. Ainsi, à l’inverse de son concurrent américain, Qwant a développé son modèle d'affaires sur la protection des données des consommateurs et la protection de la vie privée. Les cookies ne sont pas installés sur le navigateur de l’internaute. L’historique des requêtes n’est pas non plus enregistré. Concrètement, il n’y a pas de marchandisation des données récoltées lorsque l’utilisateur effectue une recherche. Si Qwant ne vous trace pas lors de vos recherches, la société a par ailleurs indiqué que les données transversales sont monétisées.
C’est là qu’il se différencie d’autres moteurs de recherche. Qwant affirme utiliser uniquement les données fournies volontairement et publiquement par les internautes. Par exemple lorsqu’un internaute publie de son plein gré sur un réseau social, l’avis est réutilisé par Qwant pour le vendre à des clients qui ont besoin de ces données. De cette manière, une marque peut se rapprocher des internautes, une ville voire une région peut utiliser ces données pour constituer un ensemble d’informations pertinentes, informations récoltées de manière « transverse, globale, sociale et complète ». Pourtant, jusqu’à l’heure actuelle, il subsiste encore de nombreuses interrogations quant à la survie de Qwant face à des concurrents tels que Bing et Google.
Avec cette politique, l’entreprise gagne-t-elle suffisamment d’argent pour financer son expansion ? Et d’ailleurs, la confidentialité des données et la vie privée sont-elles réellement garanties ? Pour l’instant, il n’est pas du tout aisé de répondre à ces différentes questions. L’État français, et particulièrement Emmanuel Macron, mise énormément sur Qwant pour redorer le blason de la tech européenne tout en défendant la vie privée de millions de citoyens. Mais Qwant a devant lui de nombreux goulots d’étranglement. Pour contrer l’expansion de Google et en même temps protéger la vie privée de ses utilisateurs, le moteur de recherche français ne dispose que de 50 millions d’euros sur la table et des subventions du gouvernement alors que son concurrent en dépense des milliards chaque année.
L'entreprise dispose d'une charge salariale importante
En plus d'un chiffre d'affaire assez bas par rapport à ses concurrents, Qwant aurait une charge salariale importante. En effet, La Lettre A, une publication d’informations confidentielles, a publié le premier juillet dernier que Qwant a été interpellé par la Caisse des dépôts sur les hauts salaires payés à ses employés. Les équipes de la Caisse ont adressé un mail à la direction générale de Qwant pour réclamer des éclaircissements sur la façon dont Qwant gère ses finances : « Notre équipe de gestion interne de gestion de participation nous alerte formellement sur le niveau de rémunération » de vos employés, déclare la Caisse.
Ils sont nombreux, en plus du président français, ceux qui souhaitent l’émergence d’une alternative française ou européenne à Google, qui occupe plus de 95 % du marché français et rafle la quasi-intégralité des recettes publicitaires de la recherche sur Internet. Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, n’a pas pu faire mieux l'année passé que de promettre que le moteur de recherche français serait bientôt installé par défaut sur les postes de 2,5 millions de fonctionnaires grâce à une circulaire dédiée. « Qwant est le seul moteur qui remplit toutes nos exigences en termes de protection de la vie privée », assurait le secrétaire d’État lors du salon Viva Tech à Paris cette année.
Qwant gagne-t-il suffisamment d’argent pour financer son expansion ?
Qwant à tous les prérequis du Référentiel général de sécurité établi par l’agence nationale de sécurité et de sûreté des systèmes de l’information (Anssi), a-t-il fait savoir. Pourtant, l’avenir de Qwant semble être plus flou pour la jeune entreprise que jamais. Cela dit, il se pourrait tout aussi bien que le véritable problème vienne de l’intérieur de l’entreprise. Selon des sources indiscrètes, proches d’un dossier d’audits menés par le secrétariat d’État au numérique pour aller « vérifier ce qui se passe sous le capot » de Qwant et s’assurer que l’entreprise progresse sur le plan technologique, les causes seraient internes à l'entreprise. À en croire ce qu’ils ont expliqué sur les deux missions d’audits, « Qwant joue son avenir sur ce dossier ». Depuis ses neuf ans d'existence, l’entreprise peine à se faire un chiffre d’affaires au-delà des cinq millions d’euros, et ce, malgré ses nombreuses communications. Mais le problème va plus loin.
Les pertes se multiplient pour l’entreprise qui n’arrive pas à atteindre ses objectifs. Selon les chiffres rapportés par ces derniers, l’entreprise n’affiche qu’un maigre chiffre d’affaires. En 2018 par exemple, son activité n’aura généré que 5 millions d’euros, ce qui n'est pas mieux qu’un an auparavant (3 millions). Un résultat très éloigné des pronostics d’Éric Léandri, son patron. Début 2018, il affirmait au Figaro vouloir atteindre un chiffre d’affaires de 15 millions d’euros. Ce nombre a rapidement été revu à 10 millions pour finalement atterrir à 5 millions. Il apparaît qu’actuellement, l’entreprise s’enfonce dans le rouge, avec 11,2 millions d’euros de pertes en 2018 après 10 millions en 2017 et 4,7 millions en 2016. Trois années ont suffi à l’entreprise pour jeter un peu plus de 25 millions d’euros.
Qwant dépend fortement de Microsoft Bing
L'un des plus gros problèmes à souligner dans la démarche interne de l’entreprise est sa forte dépendance de Microsoft. Oui, l’entreprise n’a pas les ressources suffisantes ou elle n’en dispose pas du tout pour élaborer son propre index de tri des résultats de recherche sur le Web. À sa création en 2013, l’entreprise n’a pas cessé de répéter qu’il utilisait son propre algorithme de tri, mais ses premiers utilisateurs ont remarqué qu’il ne s’agissait pas du tout d’une nouveauté. En effet, ces derniers ont souligné le fait qu’il existait une similitude remarquable par rapport à l’affichage et le tri des résultats de recherches entre le moteur de recherche français et le moteur de recherche de Microsoft Bing. Pourquoi Qwant utilise les technologies américaines pour ensuite essayer de rivaliser avec elles ?
Retenez que le moteur de recherche Bing créé par Microsoft permet à n’importe qui de créer un « métamoteur », c’est-à-dire un moteur de recherche qui s’appuie sur sa technologie moyennant un coût d’utilisation à chaque requête. C’est ainsi que fonctionne DuckDuckGo, un autre métamoteur qui rajoute comme Qwant une surcouche logicielle pour protéger la vie privée des internautes, mais se fonde en fait sur les résultats de Yahoo, Yandex, Yelp et Bing. Au début, Qwant n’a ni démenti ni infirmé ces allégations, mais environ cinq ans après ses débuts, Qwant a décidé ouvertement de s’allier à Microsoft. Selon les informations rapportées par l’AFP en 2018, Qwant va ainsi pouvoir utiliser les serveurs de Microsoft, et recourir à certains services publicitaires et d'indexation de sites Internet du géant américain.
Qwant a considéré cette collaboration avec l’entreprise américaine comme un atout majeur dans sa progression, mais beaucoup voient en cela une démonstration d’infériorité de la part du français. Aujourd’hui, Qwant a changé radicalement de discours et reconnaît dépendre de Microsoft. À travers cet accord, Microsoft met désormais à la disposition de Qwant la puissance de calcul additionnelle de son service Azure Cloud (ses services d'informatique dématérialisée en ligne). Le moteur de recherche de Microsoft vient ainsi compléter celui de Qwant dans les zones du Web où Qwant ne référence pas de contenus : par exemple pour certaines images, ou les sites de certaines zones géographiques.
« Qwant reste maître de sa technologie, y compris de son algorithme, son index, et son infrastructure clients sans collecte de données personnelles de ses utilisateurs », avaient annoncé les deux entités l’année passée, mais il est difficile de croire cela. Qu’un champion de la souveraineté numérique française dépende d’une infrastructure cloud d’un acteur américain, soumis au Cloud Act, qui donne au gouvernement fédéral des permissions d’accès extensives aux données stockées sur son territoire, paraît paradoxal. Cet accord s'est heurté aux critiques les plus sévères de quelques internautes qui utilisent le moteur de recherche et de quelques autres organisations.
« Si Qwant recherchait de bonnes ressources pour exploiter la puissance du cloud, il pouvait se tourner vers les fournisseurs français comme OVH et Orange », avaient-ils reproché à l’entreprise. Pour eux, ces entités ne sont pas des plus conseillées en matière de respect de la vie privée. À ce propos, Éric Léandri avait assuré qu’aucune donnée personnelle des utilisateurs n’est envoyée dans le cloud d’Azure. Une vérité ou une supposition ? De plus, Qwant doit sa principale source de revenus à Microsoft. La publicité sponsorisée dans les résultats de recherche s’affiche grâce à Bing Ads. Pour cette fois encore, le patron revient à la charge pour donner de l’assurance. « Microsoft ne pourra pas faire de la publicité ciblée, mais seulement de la publicité contextualisée grâce à des données anonymisées auparavant par nos soins », a affirmé Éric Léandri.
Le comble, c’est qu’en 2015, la CNIL avait signifié à Qwant lors d’un contrôle que ses mesures d’anonymisation n’étaient pas suffisantes. Si l’entreprise affirme s’être améliorée depuis, aucun régulateur ou tiers certificateur n’est en mesure de l’attester. Pour l’heure, Qwant qui se présente comme un rival de Google dépend de Microsoft pour son moteur de recherche, sa capacité de calcul et sa régie. Selon certains, Qwant n’existe plus. « Quand je regarde Qwant aujourd’hui, j’ai du mal à penser qu’il ne s’agit pas d’une filiale de Microsoft. Presque toutes les technologies que l’entreprise utilise viennent de Microsoft et même ses revenus les plus importants dépendent de ce dernier. Il faut croire que Qwant a perdu de vue son objectif de départ quand il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas survivre face aux carnivores de la Silicon Valley », a laissé entendre l’un d’entre eux.
D’autres petits soucis subsistent également au sein de l’entreprise. En mars 2018, l’entreprise a fait l’objet d’une grosse panne, rendant ses services inaccessibles pendant plusieurs heures. L’événement avait été décrit comme la rançon du succès. Les serveurs auraient flanché en raison d’une très forte audience. Interrogé à ce sujet, Éric Léandri a rappelé qu’à l’époque, il ne disposait pas de suffisamment de serveurs pour répondre à la demande. Il en aurait aujourd’hui 500 et il lui en faudrait 2000. La communication des chiffres d’audience est aussi sujette à un certain « flou artistique », pour reprendre l’expression de Qwant.
Il y a un an, Médiamétrie lui avait attribué 8 % de part d’audience. Un an plus tard, s’appuyant sur des chiffres de Similarweb, le PDG a assuré au Figaro que Qwant représente 71,5 millions de visites mensuelles (dont 60 millions en France qui fournit 80 % de l’audience, le reste étant en Allemagne, Italie et Suisse) contre 530 millions chez Google en France. Il estime qu’il dispose de 5 à 6 % de parts de marché en France. « Si l'on bascule l’administration française sur Qwant, on atteindra plus de 20 % de part de marché », a affirmé Éric Léandri. Cependant, certains estiment que ces nombreux problèmes découlent du manque de financement et croient que le moteur français n’a pas vraiment le choix.
Comment bâtir un rival de Google avec seulement 50 millions d’euros en poche ? Là où les startups françaises comme Meero, BlaBlaCar et OVH ont chacune levé plusieurs centaines de millions d’euros, Qwant a du mal à convaincre ses actionnaires de remettre au pot. Actuellement, la société cherche à lever 30 millions d’euros à travers des obligations convertibles. Si elle peut compter sur le soutien de la Caisse des Dépôts et des consignations (CDC), qui souscrira à hauteur de 20 %, son autre actionnaire, l’allemand Springer, n’a pas encore donné une réponse. Il faut dire que ce dernier est actuellement en passe d’être racheté par le fonds américain KKR.
Qwant doit donc encore trouver plus de 20 millions d’euros. Éric Léandri souligne que de nombreux autres candidats sont intéressés et sur le point de signer. Il espère que dans quelque temps, la société sera valorisée entre 500 et 700 millions d’euros et pourra alors lever beaucoup d’argent. Elle entrerait ainsi dans le club très fermé des licornes françaises. Pour y arriver, Qwant multiplie les partenariats avec des collectivités ou entreprises qui utiliseront son moteur de recherche pour leurs services, ou feront appel à ses équipes d’experts en mégadonnées pour mieux comprendre le flux de données émises par les objets connectés. « Grâce à ce type de contrats, nous pouvons atteindre 10 millions d’euros de chiffres d’affaires et devenir rentables », assure le PDG, qui doit dépenser 1,3 million d’euros par mois en moyenne pour fonctionner.
Sources : AFP, Le Figaro
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Le , par Bill Fassinou
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