Cette semaine, l’administration Trump a fourni une liste des raisons qui la poussent à interdire les équipements réseau de Huawei, mais ces motifs qui ont conduit à l’embargo sur la société chinoise ont été jugés inacceptables. Certains ont même sous-entendu que les États-Unis ne veulent juste pas accepter l’idée selon laquelle l’entreprise chinoise pilote le déploiement de la 5G dans les zones les plus importantes du monde. Ils estiment que le rôle majeur qu’aura à jouer Huawei serait en partie l’une des raisons qui expliquent l'acharnement des Américains sur la société chinoise.
L’administration Trump entend attirer également ses alliés de l’Union européenne dans le conflit qui l’oppose à Huawei. Les États-Unis veulent persuader leurs alliés de l’UE et des Big Five qu’en raison des forts soupçons de collusion qui existeraient entre Huawei et le gouvernement et l’armée de Chine, les logiciels et le matériel de cette société pourraient être utilisés par Pékin à des fins de cyberespionnage ou de sabotage. Pour l’instant, il n’est pas observé de réaction de notable au sein de l’UE contre l’entreprise chinoise. De plus, le président français Emmanuel Macron a précisé que son gouvernement et lui n’entendent pas céder à la pression des États-Unis.
Après la signature du décret du bannissement de Huawei par Trump, la France, par le biais d’Emmanuel Macron, a assuré qu’elle n’a pas pour objectif d’interdire l’équipementier télécoms chinois Huawei, comme l’ont fait les États-Unis, et il ne lui paraît pas judicieux de déclencher une guerre technologique ou commerciale pour préserver sa sécurité nationale. « La France et l’Europe sont pragmatiques et réalistes : nous voulons développer l’emploi, l’activité, l’innovation et nous croyons en la coopération et dans le multilatéralisme », a dit en anglais le président français à l’occasion du salon Vivatech organisé à Paris. « En même temps, pour la 5G par exemple et beaucoup d’innovations, nous sommes extrêmement attentifs au sujet de l’accès aux technologies essentielles pour préserver notre sécurité nationale », a-t-il poursuivi en réponse à une question sur Huawei et la décision prise par son homologue américain Donald Trump.
Pour justifier la décision du bannissement de Huawei, l’administration Trump a expliqué que le matériel Huawei expose les États-Unis à un risque accru d’espionnage. D’après elle, « les adversaires étrangers créent et exploitent de plus en plus de vulnérabilités dans les technologies et services d’information et de communication ». Elle est persuadée que « l’acquisition ou l’utilisation sans restriction » d’équipements conçus par des adversaires étrangers aggrave ces vulnérabilités au point de constituer « une menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité nationale ». Le gouvernement US a-t-il raison de faire cette affirmation ?
Il existerait peut-être des éléments de preuve pouvant donner raison aux États-Unis. Selon le média, les législateurs américains ont fait part de leurs inquiétudes concernant le fournisseur chinois d'équipements de télécommunications depuis 2012. Il rapporte qu’à ce jour, personne ne sait même à qui appartient exactement la société, bien que la société affirme qu'elle appartient à ses propres employés. Les déroutes de la société chinoise ont commencé depuis le début des années 2000.
L’un des premiers éléments avancés comme élément de preuve remonte en 2007 où le FBI a arrêté Hanjuan Jin, ingénieur chez Motorola, qui avait été retrouvé avec 30 000 dollars en espèces, un sac rempli de documents Motorola confidentiels et un billet aller simple pour Pékin. L'enquête a révélé que l'ingénieur n'était pas seulement avec Motorola, mais aussi avec une autre société appelée Lemko. Selon les documents fournis à la cour, l'objectif de Lemko était de développer la technologie sans fil de Motorola pour Huawei. Dans un autre cas, il a toujours été question de vol de technologie de la part de Huawei, mais cette fois-ci avec une autre société américaine du nom de Akhan Semiconductor Inc.
Akhan Semiconductor Inc est une petite société américaine appartenant à Adam Khan. La société a développé le verre de diamant Miraj qui est jugé 6 fois plus résistant et 10 fois plus résistant aux rayures que le verre Gorilla. Il considérait Huawei comme un client potentiel et, dans le but d'obtenir une licence pour sa technologie, Khan envoya le prototype au laboratoire de Huawei à San Diego. Plus tard, Huawei a rendu le verre et il a été constaté qu'il était complètement endommagé. Lorsque la société d'Adam Khan et le FBI ont procédé à une opération d'infiltration, les représentants de Huawei ont admis sur cassette pour avoir rompu le contrat avec Akhan Semiconductor Inc et violé les lois américaines sur le contrôle des exportations.
Selon un rapport de Financial Post en 2012, Huawei aurait causé la disparition de la société canadienne Nortel Networks. D’après ce rapport, en 2000, les pirates chinois ont obtenu les mots de passe du PDG de Nortel et de plusieurs autres hauts dirigeants. Avec l’accès de personnes cruciales, les pirates ont ensuite téléchargé d’énormes quantités de données, y compris l’IP Huawei, le fournisseur de Nortel Networks, qui est devenu son concurrent. Huawei qui n'investit pas dans la recherche et le développement offrait des services à un prix inférieur et permettait à Nortel de quitter le marché. De plus, Cisco Systems, basée aux États-Unis, a accusé Huawei d'infraction à la propriété intellectuelle. Il a même accusé la société chinoise d'avoir volé le code logiciel de ses routeurs.
La poursuite a été intentée en 2003, mais elle a ensuite été réglée de manière confidentielle sans révéler aucun détail. Un autre scénario décrit dans les éléments de preuves parle d’un litige entre le chinois Huawei et la société américaine PanOptis. La société a envoyé ses dirigeants, à ses frais, à Shenzhen (ville d’origine de Huawei) pour discuter des accords de licence avec Huawei pour ses brevets. Huawei aurait refusé d'accorder une licence aux brevets de PanOptis, qui sont utilisés par les smartphones pour recevoir et afficher des vidéos. Cependant, la société chinoise a intégré la technologie dans tous ses smartphones. Lorsque la société PanOptis a intenté une action en contrefaçon de brevet au Texas, le tribunal a ordonné à Huawei de payer la lourde somme de 10,56 millions de dollars US pour contrefaçon volontaire de brevet.
En 2018, il a été constaté que Huawei est également entrée sur le marché de l'énergie solaire avec ses propres onduleurs solaires. SolarEdge, une petite société israélienne, a alors intenté une action en justice contre Huawei, l'accusant de violation de brevet et de vol de propriété intellectuelle. La société chinoise aurait suivi les mêmes astuces que dans le secteur des réseaux. Huawei a ensuite nié publiquement ces accusations et la décision est toujours en attente devant le tribunal. Un autre fait encore plus récent, un rapport publié plus tôt cette année a révélé que Huawei aurait tenté de voler les secrets commerciaux d’Apple Inc. Afin d'obtenir les détails de la production de composants Apple, Huawei aurait souvent attiré les fabricants et les fournisseurs d'Apple en leur promettant de grosses commandes.
Dans un exemple, les ingénieurs de Huawei auraient rencontré l'un des fournisseurs Apple et leur ont dit que la conception de leur smartwatch était similaire à celle d'Apple Watch, mais qu'elle ne partageait aucun schéma. Ils ont ensuite demandé au fournisseur de fournir un coût estimé des composants afin de mieux comprendre la structure de coûts d’Apple. De son côté, Vodafone aurait découvert des backdoors dans certains équipements du fournisseur Huawei et a ainsi suspendu certains de ses achats chez l’équipementier. Selon le télécom britannique, ces portes dérobées seraient là depuis 2011, même après de multiples tentatives de correction.
Cependant, quelques heures après ces annonces parues dans les revues Bloomberg et Reuters, Axios a annoncé que Vodafone niait ces informations. Vodafone aurait démenti les allégations de Bloomberg selon lesquelles il aurait découvert des backdoors cachés dans du matériel Huawei fourni à son entreprise italienne depuis plusieurs années. Vodafone a déclaré que les « portes dérobées » dont parle Bloomberg étaient en réalité un protocole industriel courant : il s'agit de Telnet, un protocole utilisé couramment par de nombreux fournisseurs du secteur pour fonctions de diagnostic.
Il n’aurait pas été accessible depuis Internet. « Bloomberg a tort d'affirmer que cela aurait pu donner à Huawei un accès non autorisé au réseau de téléphonie fixe de Vodafone en Italie », avait précisé Vodafone. L’opérateur de télécommunication explique qu'il n'avait aucune preuve démontrant un accès non autorisé de Huawei à ses équipements. N’empêche que désormais, Vodafone a fait une pause dans l’utilisation des équipements de Huawei dans ses réseaux centraux à travers l'Europe.
Cela dit, même après toutes ces accusations, enquêtes et procès, le gouvernement américain doit encore publier des preuves prouvant le lien qui existe entre le gouvernement chinois et Huawei. À ce jour, Huawei semble être mal lotie. Toutefois, la société pourrait bénéficier des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine. La question est de savoir jusqu'où le gouvernement américain peut-il aller pour protéger ses entreprises locales. En outre, les entreprises américaines sont-elles aussi blanches comme on le présente ? Pour l’instant, les impacts négatifs de la décision du gouvernement américain de mettre fin aux relations qui lient Huawei aux entreprises américaines sont grandissants.
Le nombre d’entreprises ayant cessé tout lien commercial avec le chinois se compte déjà dans la dizaine. Pas plus tard que le vendredi, les organismes de normalisation, la Wi-Fi Alliance et la SD Association, ont également été obligé de retirer Huawei de leurs activités respectives pour se mettre en conformité avec la réglementation US. Selon Reuters, cette situation risque non seulement de réduire considérablement (d’environ un quart) les livraisons mondiales de Huawei, mais si la sanction se maintenait, l’entreprise pourrait tout aussi bien disparaître de la scène internationale.
Sources : Reuters, Bloomberg (1, 2), NYT, Financial Post, The Information
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