Frappant. A la sortie de l'Assemblée Nationale, des journalistes de LCI se proposent de faire un sondage : « Condamnez-vous et faut-il interdire Wikipedia en France ? ». Schématiquement, la majorité des députés de droite répondent oui, ceux de gauche non. Vient ensuite la deuxième question, comme un couperet : « Pouvez-vous nous expliquer la différence entre Wikipedia et WikiLeaks ? ». Embarras chez les élus des deux bords.
Ce n'est qu'une anecdote. Mais après l'augmentation de la TVA sur les abonnements Triple Play, les taxes sur les stockages ou les propositions de filtrage d'Internet pour défendre les ayants droit, la question de la connaissance et de la confiance des élus dans les TIC semble se poser un peu plus chaque jour.
Dernière épisode en date : une taxe sur la publicité en-ligne. Seul problème, comme aucun groupe publicitaire important de la toile ne se situe en France (ce qui pose déjà, en soit, une question), l'idée serait de taxer ceux qui y sont : les annonceurs.
Derrière cette idée, le sénateur Marini, rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, qui cherche tous les revenus possibles pour combler les déficits publics.
Quite à hypothéquer l'avenir, rajoute 67 signataires, entrepreneurs IT français, dans une lettre ouverte parue hier dans La Tribune et intitulée « Le spectre du Silicon désert ».
« Tout le monde sait qu’il est essentiel d’aider les activités émergentes. Et pourtant, la France trouverait le moyen de faire exception et de devenir le seul pays au monde à compromettre sa propre compétitivité », écrivent-ils.
C'est surtout la mécanique d'une telle taxe qui leur paraît absurde : « le Sénat vient d’innover en inventant la taxe à tirer dans les coins », expliquent-ils, « Un : je veux taxer Amazon, Apple, eBay, Facebook, Google, Microsoft, Yahoo, etc. Deux : je constate que c’est une question avant tout européenne et que je ne peux la régler depuis la France. Trois : donc je taxe l’annonceur et pas les géants américains. Quatre : comme disait l’aîné des Volfoni dans les Tontons Flingueurs, "je sais, c’est injuste mais ça soulage…". ».
Les effets de cette taxe - rebaptisée Taxe Volfoni -sur l'économie numérique française seront « perdants-perdants ». Surtout pour les plus faibles : « En ne portant que sur les annonceurs fiscalement domiciliés en France, cette taxe dissuadera ceux qui n’ont pas la possibilité de délocaliser leurs achats d’espace ou qui ne disposent que de budgets limités. Donc les moins puissantes […] Et tout le monde sait le retard français des PME quant à l’usage du numérique ». Conséquence, les diffuseurs (les sites donc) verront aussi leurs revenus baisser. Et le consommateur n'aura plus que des publicités de gros annonceurs.
Un argumentaire partisan, certes. Mais qui pose la question de notre projet de société pour l'avenir. Et celle de savoir si les dirigeants politiques hexagonaux connaissent suffisamment les technologies pour les intégrer avec pertinence à leurs réflexions.
A cette dernière question, les signataires semblent penser que les hauts responsables du pays ne connaissent pas grand chose.
« Une telle taxation risquerait de faire rater à la France le train de l’avenir », regrettent-ils, « Internet peut à lui seul apporter à un pays jusqu’à un point de croissance par an. […] empêchons cette absurde taxation et tournons-nous vraiment vers le futur. Suivons l’exemple de certains de nos voisins européens qui, tel la Grande-Bretagne, investissent sur les technologies de l’information ».
Et d'appeler à ce que la France fasse de même « à moins que le rapatriement du numérique à Bercy ait signifié son rattachement au budget et non à l’industrie », concluent-ils, provocateurs, et visiblement très en colère.
Source : Appel des 67 contre la taxe sur la publicité sur Internet, publiée dans la Tribune
Et vous ?
Cette taxe vous parait-elle de nature à entraver le développement de l'économie numérique française ou cette lettre ouverte vous parait-elle exagérée, voire de mauvaise foi ?
Trouvez-vous que les politiques connaissent suffisamment les technologies ?
La France va-t-elle vers un « Silicon Desert » ?
67 entrepreneurs regrettent le peu de considération des politiques pour les TIC
La France va-t-elle vers un « Silicon Desert » ?
67 entrepreneurs regrettent le peu de considération des politiques pour les TIC
Le , par Gordon Fowler
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !