Dans un message publié hier sur Twitter, le député Éric Bothorel s'est félicité de l'adoption d'un amendement qu'il a porté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019. L'amendement en question a pour objet de mettre en place un tarif réduit de taxe intérieure de consommation d’électricité (TICE) au bénéfice des centres de stockage de données numériques, communément appelés data centers. L'amendement prévoit concrètement d'instaurer un tarif réduit de 12 € / MWh (contre 22,5 € / MWh pour le tarif plein) pour les consommations des data centers.
Cet amendement semble motivé par le contexte actuel sur l'accès aux données par les autorités américaines. Rappelons qu'en vertu du droit américain, la justice US peut contraindre les géants du cloud (presque tous américains) à fournir des données hébergées aux États-Unis, et éventuellement à l'étranger. Depuis 2014 par exemple, Microsoft tient tête au gouvernement fédéral qui veut accéder aux données d'un suspect stockées sur des serveurs en Irlande. Le gouvernement fédéral a fait valoir que Microsoft devrait se conformer au mandat, en vertu du Stored Communications Act, mais Microsoft a refusé de satisfaire à sa demande estimant que les mandats de perquisition US ne peuvent pas s'appliquer au-delà des frontières américaines. L'affaire est actuellement devant la Cour suprême. Entre-temps, Donald Trump a déjà signé le CLOUD Act, une loi qui vise à faciliter l’accès, par les forces de l’ordre, aux données stockées sur des serveurs à l’étranger. Il y a donc de quoi craindre pour la souveraineté des autres pays en matière d’hébergement de données. Ce que met en avant le député Éric Bothorel dans son amendement.
« L’indépendance nationale en matière d’hébergement de données et la sécurité juridique des données hébergées sont des enjeux cruciaux pour de nombreux secteurs industriels ». Or pour cette activité, poursuit-il, « le choix du positionnement géographique des data centers est fortement déterminé par le coût de l’électricité, qui représente près de 30 % des coûts d’exploitation. » Autrement dit-il, les entreprises auront intérêt à construire des data centers là où le coût d'électricité à supporter sera le plus faible.
Cela n'est donc pas à l'avantage de la France où le coût complet de l'électricité est en hausse depuis 2012, soit plus de 12 % pour les très gros consommateurs, d'après le député. Pendant ce temps, « il est stable, voire en baisse, dans d’autres pays hébergeurs. » Ce qui est « de nature à enrayer la dynamique de forte croissance des capacités françaises d’hébergement de données. »
Le motif est peut-être bon, mais il peut y a voir des effets indésirables...
Cela ne pourrait-il pas ralentir les efforts vers l'énergie renouvelable ?
Il est pertinent de se poser cette question. Aujourd'hui, plusieurs géants de la technologie (Apple, Google, Microsoft, Samsung, etc.) ont des projets pour alimenter complètement leurs data centers et bureaux à l'énergie renouvelable ou l'ont déjà fait. Ce n'est pas seulement parce qu'ils se soucient du bien de la Planète, mais c'est aussi parce que cela s'avère bien moins coûteux. Ainsi, si un coût d'électricité élevé devait inciter les entreprises à passer à l'énergie renouvelable moins coûteuse, la baisse du coût devrait leur faire traîner les pas.
Pour être sûr de ne pas voir ces effets indésirables, on pourrait par exemple lier cette réduction à une contrainte environnementale. C'est-à-dire faire en sorte que les data centers avec des pratiques ou initiatives écologiques aient une plus forte réduction et que les data centers qui ne se soucient guerre de l'environnement aient une plus faible réduction. Avec cela, on ferait d'une pierre deux coups : donner un coup de pouce au numérique français, mais aussi inciter à la rénovation des data centers. C'est en tout cas ce que propose un internaute en réponse au tweet du député Éric Bothorel.
Cela dit, il y a aussi des conditions pour bénéficier de ce tarif réduit. Comme il est indiqué dans l'amendement, « le bénéfice de ce tarif réduit est limité aux grosses consommations », c'est-à-dire « la part excédant 1 GWh annuel, évaluée sur l’ensemble des points de livraison du data center ». La réduction s'appliquera aussi aux « seuls sites pour lesquels la charge fiscale de l’électricité serait, sans l’application du tarif réduit, supérieure à 2,25 % de la valeur ajoutée créée (ou, de manière équivalente, ayant une consommation supérieure à 1 kWh par euro de valeur ajoutée) ». Il est encore précisé dans l'amendement que le tarif réduit « s’applique aux data centers internalisés et externalisés » et que « les consommations des data centers exploités par des entreprises qui bénéficient déjà des autres tarifs réduits existants (entreprises industrielles électro-intensives ou entreprises exploitant des installations hyper électro-intensives) ne seront pas affectées. »
Sources : Amendement, Éric Bothorel (Twitter)
Et vous ?
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Cela ne pourrait-il pas ralentir les efforts vers l'énergie renouvelable ?
L'Assemblée nationale vote pour la réduction du coût de l'électricité pour les data centers :
Le motif et les effets indésirables possibles
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Le , par Michael Guilloux
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