Le 10 octobre, les eurodéputés procédaient à un vote de routine sur la réglementation des voitures autonomes quand quelque chose d'inattendu s'est produit : la réforme des droits d'auteur, dont les souvenirs sont encore frais dans l'esprit de bien de gens, s'est invitée dans la réglementation des voitures autonomes.
Le texte à examiner contenait un amendement proposé par l'eurodéputé vert suédois Max Andersson ; lequel stipule que « les données générées par le transport autonome sont générées automatiquement et sont par nature non créatives, ce qui rend donc inapplicable la protection du droit d'auteur ou du droit sur les bases de données. » Cela semble normal comme clause, puisque le droit d'auteur protège le travail créatif, pas les données factuelles. Mais les eurodéputés de la commission des affaires juridiques (JURI) estiment que les données générées par les véhicules autonomes devraient être sujettes aux règles de droit d’auteur.
Juste avant le vote, des membres du PPE (Parti populaire européen), le même groupe qui a fait adopter la nouvelle directive controversée sur le droit d'auteur, ont demandé un vote par appel nominal, une rare procédure, à l'issue de laquelle ils ont rejeté l'amendement de Max Andersson. Irrité par cette décision, le député vert n'a pas manqué d'exprimer sa frustration sur Twitter :
« Si vous pensiez que les droits des organisateurs d’événements sportifs de la directive sur le droit d’auteur représentaient un point de vue extrême sur le droit d’auteur, attendez de savoir ce qui s’est passé lors du vote d’aujourd’hui sur les véhicules autonomes », dit-il avant de poursuivre dans un autre tweet : « J’avais un amendement apparemment non controversé au sujet des données générées automatiquement par les voitures autonomes et [le groupe PPE] a exigé un vote par appel nominal très inhabituel en commission et a voté contre. Sérieux ? » S'étonne-t-il.
Pour Max Andersson, « il semble que dans le monde du PPE, les données générées par une voiture autonome sont l’œuvre créative de quelqu’un – peut-être le constructeur – qui peut être vendue et achetée, et que ces données méritent donc la protection spéciale que nous accordons aux artistes ».
En d'autres termes, à travers ce vote, la commission JURI soutient que les données de télémétrie générées automatiquement par des véhicules autonomes (y compris les rapports de performance, les distances parcourues, les vitesses, etc.) doivent être la propriété de quelqu'un. Or ces données sont nécessaires pour évaluer l’efficacité, la fiabilité ou la sécurité des véhicules, en plus de s’assurer que leurs composants fonctionnent comme le prétend le constructeur. Vu leur utilité, il serait plus pertinent d'envisager de les rendre accessibles au public, ou au moins à un certain nombre d'acteurs ou d'autorités, plutôt que d'en faire la propriété exclusive de quelqu'un (probablement le constructeur) qui pourrait les mettre à disposition ou retenir selon son bon plaisir.
Pourquoi une telle mesure devrait-elle fait craindre ? C'est ce qu'explique l'activiste Cory Doctorow qui travaille pour l'organisation Creative Commons et qui milite à l'Electronic Frontier Foundation (EFF). D'après Doctorow, il est probable, comme l'indique d'ailleurs le député vert, que ce soit les constructeurs et non les propriétaires de véhicules autonomes qui détiennent les droits d'auteur sur les données gérées par les véhicules. Alors, si l'on veut se faire une idée des conséquences d'une telle mesure, il suffit de voir ce qui se passe actuellement pour les données générées par les agriculteurs propriétaires des tracteurs John Deere.
Ces tracteurs génèrent une richesse de données sur le sol, grâce à des capteurs d'humidité, des capteurs de localisation et des capteurs de couple ; lesquelles données fournissent une mesure précise au centimètre près des conditions du sol dans le champ de l'agriculteur. Mais toutes ces données sont confisquées par le constructeur John Deere, bloquées derrière le DRM de l'entreprise et mises en infime portion à la disposition de l'agriculteur qui les a générées. Pendant ce temps, la société John Deere vend les données collectées sur le marché à terme de l'agriculture.
Si l'on applique cela au secteur des voitures autonomes, Doctorow explique que les données de télémétrie provenant de millions de véhicules dans l'Union européenne ne seront pas seulement utiles aux analystes de la sécurité publique, aux défenseurs des droits des consommateurs, aux chercheurs en sécurité, mais c'est aussi une mine d'or potentielle que les constructeurs automobiles pourraient vendre à des assureurs, à des experts en études de marché entre autres.
Bien que le vote n'indique que la position de la commission des affaires juridiques, il donne le ton pour le débat à venir et il marque un premier pas important dans un long processus vers une possible protection des données générées par l’exploitation de véhicules autonomes.
Sources : Max Andersson, Cory Doctorow, Euractiv
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EU : les données de télémétrie générées par les voitures autonomes pourraient être protégées par le droit d'auteur
La commission JURI favorable
EU : les données de télémétrie générées par les voitures autonomes pourraient être protégées par le droit d'auteur
La commission JURI favorable
Le , par Michael Guilloux
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