Lorsque vous parcourez les bibliothèques, les forums ou même lorsque vous interrogez des personnes ayant réussi (ou simplement des aînés, pourquoi pas ?) vous obtenez des réponses mettant sur scène des caractéristiques personnelles (talent, compétence, force mentale, travail acharné, ténacité, optimisme, etc.) ou l’intelligence émotionnelle.
Mais bien sûr, la réussite n’est pas un objectif qui peut se limiter à des caractéristiques psychologiques. En effet, certaines études et livres ont suggéré que la chance et l'opportunité pourraient jouer un rôle bien plus important dans de nombreux domaines, y compris la finance, les affaires, le sport, l'art, la musique, la littérature et la science. Leur argument n'est pas que la chance seule suffit, bien entendu, le talent compte également. Ce que ces différentes conclusions suggèrent est qu’en nous focalisant uniquement sur les caractéristiques personnelles à développer nous pouvons passer à côté de pièces importantes qui constituent le chemin vers la réussite.
Mais alors, est-ce que les personnes qui ont connu du succès sont également les personnes les plus chanceuses de notre société ?
Pour tenter de faire la lumière sur cette question plutôt difficile, les physiciens italiens Alessandro Pluchino et Andrea Raspisarda se sont associés à l'économiste italien Alessio Biondo afin d’essayer de quantifier le rôle de la chance et du talent dans des carrières réussies.
Dans leur travail antérieur, ils ont mis en garde contre une « méritocratie naïve », dans laquelle les gens ne parviennent pas à donner des honneurs et des récompenses aux personnes les plus compétentes en raison de leur sous-estimation du rôle de l’aléatoire parmi les éléments déterminants du succès. Pour capturer formellement ce phénomène, ils ont proposé un « toy mathematical model » simulant l'évolution des carrières d'une population collective sur une vie de travail de 40 ans (de 20 à 60 ans).
Dans la modélisation de la physique, un « toy model » est un modèle délibérément simpliste avec de nombreux détails supprimés de sorte qu'il peut être utilisé pour expliquer un mécanisme de manière concise. Il est également utile dans une description du modèle plus complet. Lorsque cela s’applique aux modèles mathématiques, cela se fait généralement en réduisant le nombre de champs/variables ou en les restreignant à une forme symétrique particulière.
Les chercheurs italiens ont placé un grand nombre d'individus hypothétiques (« agents ») avec différents degrés de « talent » dans un monde carré. Ils ont défini le talent comme étant un ensemble de caractéristiques personnelles permettant à une personne d'exploiter des opportunités (événement chanceux, dans le cas d’espèce). Le talent peut inclure des traits tels que l'intelligence, la compétence, la motivation, la détermination, la pensée créative, l'intelligence émotionnelle, etc.
Configuration initiale des simulations (N = 1000 agents)
Tous les agents ont commencé la simulation avec le même niveau de succès (10 « unités »). Tous les six mois, les individus étaient exposés à un certain nombre d'événements chanceux (en vert) et à un certain nombre d'événements malchanceux (en rouge). Chaque fois qu'une personne rencontrait un événement malchanceux, son succès était réduit de moitié et chaque fois qu'une personne rencontrait un événement chanceux, son succès doublait proportionnellement à son talent (pour refléter l'interaction réelle entre le talent et l'opportunité).
Qu'ont-ils trouvé ? Tout d’abord, ils ont reproduit le fameux « principe de Pareto », qui prédit qu'un petit nombre de personnes finiront par atteindre le succès de la majorité de la population (Richard Koch l'appelle le « principe du 80/20 »). Dans le résultat final de la simulation de 40 ans, alors que le talent était normalement distribué, le succès ne l'était pas. Les 20 personnes les plus performantes détenaient 44 % du total des succès, tandis que près de la moitié de la population était en dessous des 10 unités de succès (qui, rappelez-vous, était le nombre d’unités distribuées au départ).
Bien qu'une répartition aussi inégale puisse sembler injuste, elle pourrait être justifiée s'il s'avérait que les personnes les plus performantes étaient en effet les plus douées/compétentes. Alors qu'est-ce que la simulation a trouvé ? D'une part, le talent n'est pas sans rapport avec le succès. En général, ceux qui avaient le plus de talent avaient plus de chances d'accroître leur succès en exploitant les possibilités offertes par la chance. En outre, les agents les plus performants étaient pour la plupart au moins talentueux. Donc le talent comptait.
Cependant, le talent n'était certainement pas suffisant, car les individus les plus talentueux étaient rarement les plus performants. En général, les gens médiocres, mais chanceux ont eu beaucoup plus de succès que les individus plus talentueux, mais malheureux. Les agents les plus performants ont tendance à être ceux qui ne sont que légèrement supérieurs à la moyenne en talent, mais avec beaucoup de chance dans leur vie.
Les chercheurs sont allés encore plus loin dans leur expérience et se sont également intéressés à la manière la plus effective de distribuer des récompenses, mais aussi l’impact que peut avoir le milieu dans lequel évoluent les agents s’ils se trouvent dans un milieu avec plus ou moins d’opportunités.
Évolution du succès pour la personne connaissant le plus de succès celle qui le connait le moins dans l'une de leurs simulations
Comme vous pouvez le voir, la personne qui a eu beaucoup de succès (en vert) a eu une série d'événements très chanceux dans sa vie, alors que la personne qui en a connu le moins (en rouge – et qui était encore plus talentueuse que l'autre) avait un nombre incroyable d'événements malchanceux. Comme le notent les auteurs, « même un grand talent devient inutile contre la furie du malheur. »
Conclusion générale
Les résultats de cette simulation, qui viennent s'ajouter à un nombre croissant d'études basées sur des données réelles, suggèrent fortement que la chance et l'opportunité jouent un rôle sous-estimé dans la détermination du niveau final de réussite individuelle. Comme le soulignent les chercheurs, étant donné que les récompenses et les ressources sont habituellement accordées à ceux qui sont déjà très récompensés, cela entraîne souvent un manque d'opportunités pour les personnes les plus talentueuses (c’est-à-dire les personnes qui ont le plus de potentiel de bénéficier réellement des ressources) et cela ne tient pas compte du rôle important de la chance, qui peut émerger spontanément tout au long du processus créatif.
Les chercheurs soutiennent que les facteurs suivants sont importants pour donner aux gens plus de chances de succès : un environnement stimulant riche en opportunités, une bonne éducation, une formation intensive et une stratégie efficace pour la distribution des fonds et des ressources. Ils soutiennent que pour ce qui concerne la macro de l'analyse, toute politique qui peut influencer ces facteurs se traduira par un plus grand progrès collectif et l'innovation pour la société (pour ne pas mentionner l'immense réalisation de soi d'un individu en particulier).
Sources : Scientific American, Toy model
Et vous ?
Pensez-vous avoir eu de la chance ou pas dans votre carrière ? Pouvez-vous partager vos expériences et anecdotes sur ce sujet ?
Voir aussi :
Trolldi : une brève histoire totalement exacte des langages de programmation, qui est complètement inspirée de faits
Trolldi : Alexa et Siri parmi les femmes les plus célèbres dans le domaine de la tech, aux yeux des consommateurs américains
Trolldi : des employés d'Apple blessés après avoir foncé dans les murs de verre trop transparent de l'Apple Park, le nouveau campus géant de la firme