Les membres des comités du Congrès des États-Unis doivent auditionner le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, dans le cadre de l’affaire Cambridge Analytica qui secoue l’industrie d’Internet depuis quelques semaines. Les entretiens qui ont débuté ce lundi entre les investigateurs et Zuckerberg devraient s’étaler sur deux jours et s’achever ce mercredi.
Afin de préparer l’audition ;de son PDG à Washington, Facebook aurait embauché une équipe du cabinet d’avocats WilmerHale ainsi que des consultants pour que Mark Zuckerberg soit en mesure de répondre correctement ou habilement aux différentes questions que les législateurs pourraient lui poser et qu’il sache comment se comporter ou utiliser sa gestuelle pendant son interrogatoire. Le New York Times confie même que le PDG de Facebook s’est entrainé à simuler ses futures audiences devant le Congrès afin de faire face aux différents schémas interrogatoires possibles.
Nul doute que cette idée lumineuse d’engager une équipe d’experts et de coach pour s’assurer qu’il disposera de la gestuelle, des mots et du charme adéquats lorsqu’il fera face aux membres des différentes commissions d’enquête du Congrès pourrait aider Zuckerberg à faire pencher la balance du côté de son entreprise. Mais Facebook aura besoin de bien plus qu’un simple relooking de son patron ou d’un sourire enchanteur sur le visage de ce dernier lors de son audition pour convaincre les politiques. L’entreprise disposerait-elle d’un autre joker qui, pour l’instant, nous aurait échappé ;?
Mark Zuckerberg doit d’abord s’expliquer devant les commissions de la Justice et du Commerce du Sénat avant de passer sous la loupe des membres de la commission de l’Énergie et du Commerce de la Chambre des représentants. Mais une nouvelle polémique en rapport direct avec les activités de lobbying menées par la firme de Menlo Park auprès des membres du Sénat US et de la Chambre des représentants depuis plusieurs années menace déjà la crédibilité de cette initiative du gouvernement américain.
D’après les informations fournies par le média USAToday, il semblerait que la neutralité des investigateurs accrédités par le Congrès US dans le cadre de cette affaire ne soit en réalité qu’apparente. La plupart des membres composant les différents comités d’évaluation désignés (46 personnalités sur 55 pour être plus précis) auraient été les principaux bénéficiaires des activités de lobbying de Facebook depuis plusieurs années, notamment celles initiées par le comité d’action politique de la firme de Menlo Park.
La Commission de l’énergie et du commerce de la Chambre des représentants serait le plus grand bénéficiaire des activités de lobbying de Facebook. Les membres de cette commission qui ont un pouvoir décisionnaire pouvant affecter les entreprises d’Internet auraient récolté au total près de 381 ;000 USD depuis 2007, un argent que leur aurait gracieusement offert Facebook. Le second plus grand bénéficiaire des activités de lobbying de Facebook au sein des différents comités d’évaluation désignés serait la Commission sénatoriale du commerce, de la science et des transports avec 369 ;000 USD récoltés. En troisième position, on retrouve la Commission judiciaire du Sénat qui aurait perçu environ 235 ;000 USD de la part de Facebook.
Sur les 55 membres de la Commission de l’énergie et du commerce en fonction, 46 auraient reçu des dons de Facebook au cours de la dernière décennie. Ces cadeaux étaient destinés aussi bien aux élus du parti démocrate qu’à ceux du camp républicain, les plus haut placés dans la sphère politique US parmi ces personnalités étant en général mieux « ;rémunérés ;» que les autres.
Dans l’ensemble, Facebook aurait versé environ 1,1 million USD aux membres de la Chambre des représentants et consacré 11,5 millions USD pour ses activités de lobbying auprès du Congrès l’année dernière, alors que ses dépenses totales en lobbying depuis 2009 s’élèvent à près de 52 millions USD. Il peut aussi être important de préciser que plusieurs membres du Congrès américain possèdent des actions chez Facebook, dont deux démocrates qui sont membres du comité chargé d’enquêter sur les récents développements autour du scandale Cambridge Analytica en interrogeant Zuckerberg cette semaine.
À ce propos, un porte-parole du géant des réseaux sociaux a déclaré qu’il est de l’intérêt de la société de « ;développer des relations avec les élus... qui partagent notre vision d’un Internet ouvert. » La firme accorderait préférentiellement ses faveurs aux personnalités dont les positions en matière de politique sont « ;conformes ;» à celles du groupe et qui, par ailleurs, occupent un poste stratégique dans l’échiquier politique.
Il faut néanmoins souligner que Facebook n’est assurément pas la seule entreprise technologique qui s’adonne à de telles activités aux États-Unis. De nombreux autres acteurs de cette industrie à l’instar de Google, Apple ou Amazon entretiennent des lobbies puissants qui leur permettent d’influer sur certaines décisions politiques. Mais un problème peut se poser lorsque le régulateur doit exercer son pouvoir de contrôle sur une entité qui « ;adoucit ses mœurs ;» et le rend plus conciliant vis-à-vis des actes répréhensibles qu’elle peut poser.
Les membres des comités d’évaluation du Congrès seront-ils capables de prendre une décision impartiale et dans l’intérêt du consommateur, sachant que la plupart d’entre eux roulent aux frais de l’accusé ;? Sur la base de ces informations, quelle crédibilité pourrait-on accorder aux « ;investigations ;» qui sont conduites actuellement par les membres des différents Comités d’investigation susmentionnés lors de l’audition de Zuckerberg ;?
En marge de ces investigations, une coalition d’associations européennes et américaines qui militent pour la protection des droits des consommateurs et de la vie privée est montée aux créneaux pour demander à Facebook d’implémenter le règlement général sur la protection des données (RGPD) afin que ce dernier devienne le « ;standard de référence pour tous les services Facebook ;».
Dans une lettre ouverte adressée à Mark Zuckerberg, ces organisations exhortent le géant des réseaux sociaux à confirmer l’engagement de sa société à respecter le RGPD et à fournir des détails en ce qui concerne le programme d’action du groupe pour aboutir à la mise en œuvre effective et rapide du RGPD lors de son audition devant le Congrès américain cette semaine. Cette lettre a été rédigée par le Trans Atlantic Consumer Dialogue, et cosignée par Jeffrey Chester, directeur général du Center for Digital Democracy aux États-Unis et Finn Lützow-Holm Myrstad, chef de la section des services numériques à l’association norvégienne des consommateurs.
Rappelons que le RGPD entrera en vigueur le 25 mai prochain et succédera à la Directive sur la protection des données personnelles adoptée en 1995. Le RGPD doit notamment permettre de renforcer la protection des données personnelles et d’uniformiser les lois qui s’y rapportent au sein de l’Union européenne.
Source : USAToday, New York Times, Lettre du TACD (PDF)
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Le , par Christian Olivier
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