Provenant d’une fusion des mots « hack » et « marathon », « hackathon » est un concept qui a su peu à peu se faire une place dans la culture de l’entreprise technologique, mais aussi des écoles d’ingénieurs. Le concept peut être défini de plusieurs façons. Wikipédia par exemple indique qu’un hackathon désigne à la fois le principe, le moment et le lieu d'un événement où un groupe de développeurs volontaires se réunissent pour faire de la programmation informatique collaborative, sur plusieurs jours. C'est un processus créatif fréquemment utilisé dans le domaine de l'innovation numérique.
Nous avons également cette définition : un hackathon est un lieu où des équipes d'étudiants se rencontrent, viennent avec une idée de projet et travaillent ensemble pour la mettre en œuvre dans un court laps de temps. Un groupe de juges va alors examiner les différents résultats pour déterminer l’équipe gagnante.
Ce sujet a été évoqué lors d’un trolldi où vous avez partagé ce que ce concept évoque pour vous. Plus de la moitié des répondants ont estimé que l’hackathon était en réalité du travail non rémunéré dissimulé.
Un avis vers lequel semblent converger les résultats d’une étude de Sharon Zukin, professeure de sociologie à l'université de Brooklyn et au CUNY Graduate Center, ainsi que son collègue Max Papadantonakis qui ont passé une année à observer sept hackathons à New York, principalement parrainés par des sociétés.
Ils ont interrogé participants, organisateurs et sponsors. Selon les conclusions de l’étude, ces compétitions de développeurs devenues rituelles reposent sur du « travail précaire et gratuit » qui bénéficie surtout aux entreprises et à leur image, le tout en glorifiant le travail acharné, voire l'épuisement à coup de slogans comme « Work is Play ».
Elle et son coauteur Max Papadantonakis soutiennent que les hackathons créent des « attentes fictives d'innovation qui profite à tous », que Zukin décrit comme étant une « stratégie puissante pour le consentement des travailleurs manufacturiers dans la “nouvelle” économie.» En d'autres termes, les institutions séduisent par des hackathons, avec des sponsors, des prix, des collations, et un potentiel d'avancement de carrière, pour amener les gens à travailler gratuitement.
Pour Sharon Zukin, ce phénomène est un problème, car les hackathons promeuvent une nouvelle norme de travail où l'insécurité de l'emploi et la précarité sont à l'honneur. Zukin n’a pas hésité à comparer les participants à ces hackathons à des mannequins qui devraient passer du temps à se faire connaître sur les réseaux sociaux, ou à des fêtardes qui fréquentent assidûment les discothèques dans l’espoir qu’un bourgeois les remarque. Selon elle, les participants combinent à la fois l'auto-investissement à l'auto-exploitation.
À l'image des professions artistiques, le travail des « hackers » est valorisé socialement. Pourquoi donc être rémunéré quand on a la chance de travailler dans un milieu si innovant et passionnant ?
Néanmoins, les participants des hackathons ne trouvent eux rien à y redire, souligne Sharon Zukin, qui a pu constater combien ces compétitions sont vues positivement. À en croire Mike Swift, entrepreneur interrogé par Wired qui a créé une entreprise dédiée à leur organisation, la Major League Hacking (impliquée dans plus de 200 hackathons rassemblant 65 000 participants l’an dernier), 86 % des participants étudiants disent y acquérir des compétences qu’ils n’ont pas pu acquérir en cours, et un tiers est persuadé que ces compétences les ont aidés à décrocher un job.
Zukin a observé que les sponsors des hackathons alimentent la « romance de l'innovation numérique en faisant appel à l'aspiration des hackers à devenir des agents de changement à de multiples niveaux. » Les niveaux d'épuisement (les participants travaillent souvent pendant 24 ou 36 heures consécutives), la réussite et la croyance que ce travail pourrait apporter une récompense financière à l'avenir étaient courants lors des événements qu'elle a observés.
Pour l'industrie de la technologie, c’est un processus commun. Pour la sociologue, il s’agit d’une exploitation. « De mon point de vue, ils font du travail non rémunéré pour les entreprises », a déclaré Zukin, rappelant au passage que même les hackathons lancés par les écoles, les organismes sans but lucratif, les éditeurs et les organisations civiques ont tendance à avoir des commanditaires corporatifs.
Ironiquement, les innovations produites ne survivent pas, la plupart du temps, à l'événement. Et les exemples de startups à succès nées dans des hackathons sont rares, souligne Wired. Un exemple populaire est GroupMe, l'application de messagerie créée lors d'un hackathon TechCrunch, qui a été vendue à Skype pour 85 millions de dollars un an plus tard. Mais de tels exemples sont rares. « Les hacks sont des hacks, pas des startups », a écrit Swift dans un billet de blog. « La plupart des hackers ne veulent pas travailler sur leur projet hackathon après la fin de l’hackathon. »
L’idée reste donc de « vendre un rêve d'accomplissement via la technologie », ce à quoi les entreprises veulent être associées, même si elles n'y trouvent pas un bénéfice immédiat.
Source : Wired, étude
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Les hackathons seraient en réalité du travail non rémunéré dissimulé
D'après les résultats d'une enquête
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Le , par Stéphane le calme
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