L’incident mortel qui a impliqué une voiture autonome d’Uber a poussé des investigations de diverses natures. C’est dans ce contexte que le New York Times a divulgué des documents internes qu’il a obtenus et qui suggèrent que le programme de voiture autonome de la société est loin derrière ses rivaux en termes de progrès en la matière.
Le quotidien affirme que « Les voitures avaient du mal à traverser les zones de construction et se trouvaient également en difficulté à côté des grands véhicules, comme les gros appareils de forage. Les conducteurs humains d'Uber ont dû intervenir beaucoup plus fréquemment que les conducteurs de projets de voitures autonomes concurrents. »
Pour mettre cette allégation en perspective, le quotidien rappelle que Waymo, la filiale d'Alphabet spécialisé dans le développement de la voiture autonome, a déclaré que lors de tests sur les routes en Californie l'année dernière, ses voitures ont parcouru en moyenne près de 5600 miles avant que le conducteur ne prenne le contrôle (désengagement [du pilote automatique]). Pourtant, en mars, Uber avait du mal à atteindre son objectif de 13 miles avant « l'intervention » d’un humain, selon les 100 pages de documents d'entreprise obtenus par le New York Times et deux personnes familières avec les opérations de la compagnie dans la région de Phoenix, mais qui ne sont pas autorisées à parler publiquement à ce sujet.
« Pourtant, on demandait aux pilotes d'Uber d'en faire plus – en solitaire quand ils avaient travaillé par deux.
« Et il y avait aussi une pression pour atteindre l'objectif d'offrir un service de voiture sans chauffeur d'ici la fin de l'année et d'impressionner les cadres supérieurs. Dara Khosrowshahi, chef de la direction d'Uber, devait se rendre en Arizona en avril, et les dirigeants du groupe de développement de la compagnie dans la région de Phoenix voulaient lui offrir un trajet sans problème dans une voiture autonome. Le voyage de Khosrowshahi était baptisé “Milestone 1 : Confidence” dans les documents de l'entreprise », a indiqué le quotidien.
Le Times a mis côte à côte Uber et Waymo, suggérant qu'ils sont directement comparables. Mais cela n’est pas évident. Les chiffres de Waymo concernent les désengagements liés à la sécurité, c'est-à-dire les situations où le conducteur doit prendre le relais pour éviter un accident. Les chiffres n'incluent pas les situations où le véhicule est perplexe par rapport à une situation qui n’est pas souvent rencontrée comme un chantier de construction et a besoin du pilote pour prendre le relais même s'il n'y a pas de danger immédiat d'accident.
Le rapport du Times ne précise pas si ce chiffre de 13 miles par désengagement est lié aux désengagements de sécurité (qui seraient dans ce cas comparables aux chiffres obtenus en Californie) ou à tous les désengagements (qui ne seraient donc pas comparables).
De plus, comme l'a souligné un porte-parole d'Uber au Times, le taux de désengagement dépend de nombreux facteurs, notamment le type de route sur lequel la voiture est testée, les types de tests effectués et la configuration du logiciel. Cependant, Uber teste ses voitures dans la région métropolitaine de Phoenix – une région dont les larges rues de banlieue sont généralement considérées comme étant parmi les plus faciles du pays.
Et le quotidien de préciser : « Uber a testé ses voitures autonomes dans le vide réglementaire de l’Arizona. Il existe peu de règles fédérales régissant les essais de voitures autonomes. Contrairement à la Californie, où Uber effectuait ses tests depuis le printemps 2017, les représentants de l'État de l'Arizona avaient adopté une approche non interventionniste à l'égard des véhicules autonomes et n'exigeaient pas aux entreprises de divulguer la performance de leurs voitures. »
La course au profit au détriment de la sécurité ?
Le quotidien rapporte qu’en septembre 2017, les voitures autonomes d'Uber avaient parcouru un million de miles en un an dans tout le pays. Uber a enregistré son deuxième million en 100 jours et a ajouté son prochain million en un intervalle encore plus court, selon les documents de l'entreprise.
Au début, il y avait deux groupes de pilotes d'essai. Un petit groupe qui devait mettre les voitures dans des situations difficiles où, sans intervention humaine, elles seraient entrées en collision.
Un groupe plus important de conducteurs, qui s'est concentré sur le ramassage des clients dans les véhicules autonomes. Ces conducteurs devaient prêter plus d'attention aux petits détails, prenant souvent le contrôle pour éviter une « mauvaise expérience » comme un freinage brutal, selon un document de l'entreprise.
Vers le mois d'octobre, Uber a fusionné les deux groupes afin d'offrir un service de voiture réellement autonome aux clients « le plus rapidement possible ». Le service de ramassage des clients a été abandonné pour permettre aux chauffeurs d'accumuler des miles et de collecter des données afin d’aider le système à être plus fiable.
À la même période, Uber est passé de deux employés dans chaque voiture à un. La paire d’employés partageait les tâches : tandis que l'un était prêt à prendre le relais si le système autonome plantait, l'autre devait surveiller ce que les ordinateurs détectaient. Le second pilote était donc responsable du suivi de la performance du système ainsi que de l'étiquetage des données. C’est d’ailleurs ce qu’a expliqué Kallman, porte-parole d'Uber, qui a indiqué que la seconde personne était dans la voiture pour des tâches purement liées aux données et non pour la sécurité.
« Waymo était également passé de deux opérateurs en tout temps à un dans certaines situations à la fin de 2015, a déclaré Johnny Luu, un porte-parole de Waymo. Waymo utilise toujours deux pilotes de test lorsqu'il ajoute de nouveaux systèmes ou se déplace vers un nouvel emplacement », précise le quotidien qui assure qu’après ses solides résultats en Californie, Waymo teste maintenant des voitures à Chandler, en Arizona, une banlieue de Phoenix, sans aucun conducteur de sécurité.
Le NYT précise également que lorsqu’Uber est passé à un seul opérateur, certains employés ont exprimé des préoccupations de sécurité aux gestionnaires, selon les deux personnes familières avec les opérations d'Uber. Ils craignaient que le fait d'aller en solo rende plus difficile de rester vigilant pendant les heures de conduite.
Le petit mot de Waymo
« Je tiens à être respectueux d’Elaine, la femme qui a perdu sa vie, et sa famille » a déclaré John Krafcik, PDG de Waymo, lors d'une conférence des concessionnaires automobiles samedi à Las Vegas (Nevada) avant d'affirmer « qu'à Waymo, nous sommes confiants dans le fait que notre technologie aurait été capable de gérer une telle situation. »
Pour appuyer ses propos, Krafcik a souligné que les véhicules autonomes de Google avaient parcouru depuis 2009 plus de 8 millions de kilomètres sur des routes fréquentées par des piétons sans être impliqués dans un accident mortel. Il a toutefois dit avoir été troublé par l'accident impliquant Uber, car « cette voiture était équipée des technologies représentant l'ensemble du secteur de conduite autonome. »
Mais le moment est-il bien choisi pour faire de telles déclarations ?
Source : NYT, USA Today
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