Ces réunions ont été filmées dans des hôtels londoniens pendant quatre mois, entre novembre 2017 et janvier 2018, par un journaliste infiltré de Channel 4 News qui s'est fait passer pour un client aisé cherchant à faire élire des candidats au Sri Lanka. En dehors d’Alexander Nix, elles ont impliqué Mark Turnbull, Managing Director Political Global pour le compte de Cambridge Analytica, et le Dr Alex Tayler, data scientist en chef de l'entreprise.
Dans une troisième partie, les cadres supérieurs de Cambridge Analytica ont parlé de :
- l'ampleur de leur travail pivot dans la victoire électorale de Trump ;
- comment ils évitent les enquêtes du Congrès sur leurs clients étrangers ;
- la configuration d'organisations proxy pour diffuser des messages introuvables sur les médias sociaux ;
- l’utilisation d'un système de messagerie secret où les messages s'autodétruisent et ne laissent aucune trace ;
- la participation de Cambridge Analytica à la campagne d'attaques « Defeat Crooked Hilary ».
La société affirme que son travail avec les données et la recherche ont permis à Trump de gagner avec une marge étroite de « 40 000 voix » dans trois États assurant la victoire dans le système des collèges électoraux, malgré la perte du vote populaire de plus de 3 millions de voix.
Alexander a expliqué à son client potentiel « qu’on a fait toutes les recherches, les données, les analyses, le ciblage… On a mené la campagne numérique, la campagne de télévision, et nos données ont alimenté toute la stratégie. »
Il a assuré également avoir rencontré Donald Trump, alors qu’il était encore en campagne, à plusieurs reprises. Il a aussi admis que sa société a mené, au profit du camp républicain, une campagne de dénigrement publicitaire contre Hillary Clinton.
De son côté, Turnbull a raconté comment l'entreprise pourrait créer des organisations par procuration pour diffuser discrètement des informations négatives sur les candidats de l'opposition sur Internet et les médias sociaux.
Et d’expliquer que « Parfois, vous pouvez utiliser des organisations de proxy qui sont déjà là. Vous les nourrissez. Ce sont des organisations de la société civile. Des organisations caritatives ou des groupes d'activistes, et nous les utilisons – nous leur fournissons le matériel et ils font le travail. »
« Nous mettons des informations directement dans le flux sanguin de l'Internet et ensuite nous les regardons grandir, leur donnons un coup de pouce de temps en temps, et les regardons prendre forme. Ce genre de choses s'infiltre dans la communauté en ligne et se développe, mais sans branding – donc c'est indescriptible, non traçable. »
Cambridge Analytica a donc utilisé une stratégie à double voie pour faire campagne. C’est d’ailleurs ce qu’explique le Dr Tayler, data scientist en chef de Cambridge Analytica, lorsqu’il a déclaré : « Il faut parfois faire une séparation de la campagne politique elle-même. Donc, en Amérique, vous savez qu'il y a des groupes de dépenses indépendants qui se cachent derrière la campagne.
« En clair, les campagnes sont normalement soumises à des limites quant à la somme d'argent qu'elles peuvent récolter. Alors que les groupes extérieurs peuvent lever un montant illimité. Ainsi, la campagne utilisera ses ressources limitées pour des choses comme la persuasion et la mobilisation, puis elle va laisser la “guerre aérienne” comme elle l'appelle, comme les attaques par publicités négatives à d'autres groupes affiliés. »
Dans l’un des échanges, Alexander Nix a révélé que la société utilisait un système de messagerie secret avec un mécanisme d’autodestruction afin de ne laisser aucune trace. Et d’expliquer que « Personne ne sait que nous l'avons, de plus, nous avons défini nos emails avec une minuterie d'autodestruction. Donc quand vous faites des courriels, après qu'ils ont été lus ils disparaissent deux heures plus tard. Il n'y a aucune preuve, il n'y a pas de trace papier, il n'y a rien. »
Suite à la publication de la série de vidéos, le comité de direction de Cambridge Analytica a annoncé la suspension de son patron Alexander Nix « dans l’attente d’une enquête complète et indépendante ». Par ailleurs, l’entreprise a précisé que « De l'avis de la Commission, les récents commentaires de Nix, secrètement enregistrés par Channel 4 et d'autres allégations, ne représentent pas les valeurs ou les opérations de l'entreprise et sa suspension reflète le sérieux avec lequel nous considérons cette violation. »
Mais pour certains, cette décision n’est pas suffisante. Claude Moraes, un parlementaire britannique, a déclaré sur Twitter « S’ils pensent que la ‘suspension’ d’un chef d’entreprise correspond au degré de proportionnalité attendu pour ce type de violation massive des données, ils sous-estiment les personnes et les institutions qui se battront pour les droits à la vie privée et pour Facebook afin qu’ils rendent compte de leurs actions. »
Source : CA, Channel 4
Et vous ?
Cette réponse de l'entreprise est-elle, selon vous, appropriée à ces nouveaux éléments ?